UNE SIMPLE PRIÈRE D'HOMME
UNE SIMPLE PRIÈRE D'HOMME
UNE SIMPLE PRIÈRE D'HOMME
Une simple prière d'homme, d'homme qui a de la peine à comprendre ce qui lui arrive.
Seigneur Christ, je crois de tout temps, j'ai aimé ta Parole, ça remonte très haut: du temps où ma mère nous la lisait, à mes frères et à moi. Je me rappelle,
quand tu apaisais la tempête, quand tu marchais sur les eaux du lac de Galilée, quand tu donnais à manger aux affamés qui te suivaient et aussi quand les
choses ont mal tourné pour toi, que plus personne ne t'a compris et que tu as été mis en croix, et encore quand le matin de Pâques, on a trouvé le tombeau
vide et que tu es ressuscité et que tu as dit à tous tes amis: voici, Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. Seigneur Christ, de tout
temps, j'ai aimé ta Parole! Oh! je sais que j'ai l'esprit lent à comprendre, je n'ai pas encore saisi tout ce que tu as voulu donner par elle.
Je suis compagnon de saint Paul quand il dit: je vois aujourd'hui comme dans un miroir, confusément, et aussi quand il assure: un jour nous verrons face
à face, nous connaîtrons enfin comme nous avons été connus. Mais en attendant, Seigneur Christ... en attendant ce temps qui viendra, il y a une parole
que j'ai beaucoup de peine à accepter et dont j'aimerais m'entretenir avec toi.
C'est celle-ci: "Chargez-vous de mon joug, car je suis doux et humble de coeur. Et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau
léger". Non, non, je ne me suis pas insurgé contre cette parole et contre toi nous invites à nous charger de ton joug. Mais, tu comprends, pour moi, le
joug, c'est ce qui pèse lourd aux épaules, qui courbe notre tête et oblige notre regard à se porter en bas, vers la terre, alors que nous avons tellement
besoin de recevoir, en plein visage, ta lumière.
Je me souviens assez de cette image de mon livre d'histoire suisse: "Les Romains passant sous le joug... des vaincus, des humiliés. Et j'ai encore, dans
les yeux, ce joug qu'on mettait aux boeufs, autrefois dans nos villages, lourd, et qui les emprisonnait, asservis et accablés.
Et je dois avouer que je n'ai jamais osé m'entretenir avec mes paroissiens (au sujet du joug), parce que c'est tellement peu Toi, tellement peu Ton amour,
tellement peu Ta vie, Ta vie dont tu attends que nous vivions... et aussi parce que j'ai toujours eu de la peine à penser que c'est Toi que places sur
nos épaules la mort de ceux que nous aimons, l'infirmité, le malheur, le découragement, comme un joug qui accable et fait gémir...
Et puis, Seigneur Christ, voilà que l'autre jour, dans ton pays, je crois que j'ai compris. C'était dans la ville où tu as guéri l'aveugle qui t'attendait
au bord du chemin, où tu as interpellé Zachée, où tu as dit: le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui est perdu, à Jéricho. Il y avait une
femme qui revenait du marché ou des champs, je ne sais. Elle portait un joug, le joug dont tu parles, le joug que tu nous presses de déposer nous-mêmes
sur nos épaules. Et j'ai vu ce joug: une grande pièce de bois qui va d'une épaule à l'autre et à chaque extrémité de laquelle pendent des lanières auxquelles
on peut attacher des paniers, des cruches, avec de l'eau, je ne sais pas moi, peut-être des briques pour construire sa maison, et même dans un sac son
enfant malade ou la petite pierre qu'on ira déposer sur la tombe de l'aimé disparu...
Seigneur Christ, j'ai vu le joug, ton joug, et j'ai vu la femme. Elle allait toute droite, alerte, le regard porté devant elle... tandis que nous, très
souvent nous nous démontons les bras à porter nos charges et nos poids, quand nous ne les tirons pas péniblement derrière nous dans la poussière de nos
chemins.
Seigneur Christ, je crois que j'ai compris enfin. C'est Toi qui est notre joug, le joug posé sur nos épaules, et c'est toi qui portes notre peine, nos
chagrins, nos questions, nos attentes, nos révoltes aussi et, bien sûr, nos joies, nos espoirs... toute notre vie, et notre péché... pour que comme la
femme de Jéricho, nous puissions aller de l'avant, fermes, tout droit...
AUTEUR: André Chapuis: extrait du livre "La plénitude du grand arbre".