LE TRAVAIL DES FOUILLES -archéologie biblique
LE TRAVAIL DES FOUILLES -archéologie biblique
La Bible est une collection de livres anciens. Les civilisations qui les ont vus paraître ont disparu depuis longtemps. La plus part des renseignements que nous avons sur la période néotestamentaire nous ont été fournis par des écrits grecs et latins qui, comme la Bible, ont été copiés et recopiés au cours des siècles. Mais très peu d'informations nous sont parvenues sur l'époque de l'Ancien Testament, à part celles que la Bible elle-même nous donne. On peut évidemment lire la Bible et saisir son message même en ne sachant pas grand-chose du contexte dans lequel elle a été écrite. C'est un livre intemporel et universel. Mais les événements qu'elle relate sont étroitement liés à des gens et des lieux particuliers. Ses enseignements sont souvent fondés sur ce qui est arrivé à telle personne, faisant partie de tel peuple, et sur la part que Dieu y a prise. Bien que la Bible ressemble à un ouvrage théologique, elle est très différente des livres de théologie actuellement sur le marché. Elle n'est pas une collection d'idées abstraites sur Dieu. Au contraire, elle nous révèle le caractère de Dieu en nous rapportant ses interventions dans l'histoire d'Israël et dans la vie des premiers chrétiens. L'histoire biblique n'est qu'une partie de l'histoire du monde qui sert de cadre aux récits de la Bible. Tout ce que nous pouvons découvrir du monde de la Bible nous aidera donc à mieux comprendre le message.
L'étude de l'arrière-plan de la Bible nous permet de voir si elle se confond avec lui ou si elle s'en détache. En dégageant les ruines enfouies d'une ville détruite au 9e siècle av. J.-C., il se peut que nous trouvions le type de maison où a logé le prophète Elisée ou le style de lampe que son hôtesse a placée près de son lit (II Rois 4,8-10). Une fouille peut aussi éclairer un verset biblique particulier, lorsqu'on tombe sur l'objet ou le bâtiment qui y est mentionné. Les découvertes les plus précieuses sont d'anciens écrits nommant les mêmes personnes ou décrivant les mêmes événements que la Bible. De telles trouvailles sont rares et doivent être soigneusement interprétés. Si nous voulons en savoir davantage sur le monde de la Bible, il faut donc nous tourner vers l'archéologie.
LES DEBUTS:
L'homme s'est de tout temps intéressé à son passé. Déjà à l'époque de l'Ancien Testament, des rois babylonniens collectionnèrent des fragments de vieilles statues et des pierres de fondation découverts au cours de leurs travaux de construction. Plus tard, certains Romains fortunés firent venir de Grèce d'antiques sculptures pour orner leurs villas. Puis ce furent des souverains de l'époque de la Renaissance qui prirent ces mêmes statues pour décorer leurs palais. Il était à la mode de faire collection d'oeuvres d'art antiques, et cela n'a guère changé depuis. Au 19e siècle, avec l'amélioration des moyens de transport et les progrès de l'éducation, l'attention portée à ce qui était antique ou exotique s'accrut rapidement. Longtemps, on essaya surtout de remplir les musées et les galeries d'art. Des statues, bijoux, outils ou poteries furent extraits de ruines ou des tombes, soit par des autochtones, soit par des étrangers, et vendus au plus offrant. De fines gravures de ces objets parurent dans des ouvrages coûteux, souvent avec une description fantaisiste de l'usage qu'on était censé en avoir fait.
Puis les savants finirent par se rendre compte qu'un objet ancien prenait de la valeur lorsqu'on faisait une note de l'endroit où il avait été trouvé, des objets qui l'entouraient et d'autres détails du même genre. Un vieux vase exposé dans une vitrine pouvant paraître beau à ceux qui venaient l'examiner. Mais il éveillait tellement plus d'intérêt si l'on mentionnait sur l'étiquette qu'il se trouvait autrefois dans la chambre à coucher d'un palais --ou la cuisine d'un palais. En replaçant le vase dans son cadre original, il peut aider à dater le bâtiment où il se trouvait et qu'il n'a pas pu être détruit avant la fabrication du vase!
LE 19e SIECLE:
L'archéologie fit de notables progrès en 1798, lorsque Napoléon envahit l'Egypte et fit fouiller ses monuments. On découvrit ainsi la célèbre pierre de rosette qui, par ses inscriptions en grec et en égyptien, permit pour la première fois de déchiffrer les hiéroglyphes de la langue égyptienne ancienne (1824). Peu avant, Claudius James Rich, diplomate britannique en fonction de Bagdad, avait découvert le site des anciennes villes de Babylone et de Ninive et rassemblé la première collection représentative d'inscriptions et des sceaux assyriens et babyloniens.
Israël était mieux connu par suite des nombreux pèlerinages qu'on y faisait depuis des siècles. Mais en 1838, Edouard Robinson, professeur américain de littérature biblique entreprit la première étude systématique du pays. A partir de solides connaissances géographiques et surtout de celle d'anciens noms qui avaient survécu, il réussit à identifier la plupart des localités mentionnées dans la Bible. Il ne s'est que rarement trompé.
EGYPTE ET ASSYRIE:
En Egypte, on continua tout au long du 19e siècle à dégager les tombes et temples d'autrefois du sable et des décombres. Beaucoup de sculptures furent exportés du pays à cette époque-là.
Les fouilles en Assyrie commencèrent lorsque le consul français, Paul-Emile Botta, fit creuser des tranchées sur le tertre de l'ancienne ville de Ninive. Ce fut un échec, mais il découvrit à proximité un palais assyrien dont les murs étaient recouverts de bas-reliefs en pierre sculptée (1842-43).
Un explorateur anglais, Henry Layard, découvrit des bas-reliefs semblables à Ninive même, là où Botta n'avait rien trouvé (1845). En 1850, on commença à déchiffrer les inscriptions sur les pierres ou marquées sur des tablettes d'argile en caractères babyloniens cunéiformes (voir sous l'écriture). Ces documents s'avérèrent très précieux pour l'étude de la Bible.
Les fouilles en Egypte, Assyrie et Babylonie furent effectuées par des expéditions britanniques, françaises et italiennes, auxquelles se joignirent bientôt des équipes d'Allemagne et des Etats-Unis. L'argent venait surtout des musées, et certaines de ces expéditions avaient pour seul but de ramener des pièces de musée intéressantes pour ceux qui les subventionnaient. Mais d'autres prirent note des moindres détails et collectionnèrent des objets moins spectaculaires, comme des poteries et des couteaux. Ils prirent les mesures des bâtiments et firent un croquis de l'emplacement de chaque objet.
Des expéditions internationales ont continuées ces travaux avec l'autorisation des autorités locales. Des savants Egyptiens et Iraquiens effectuent des fouilles d'une manière indépendante, s'efforçant surtout de préserver leur patrimoine national. Même après un siècle et demi de recherches, il reste encore beaucoup à découvrir.
PALESTINE ET SYRIE:
Les premiers fouilleurs, surtout à l'affût des monuments des grands empires pour impressionner le public occidental, laissèrent les villes de Palestine et de Syrie pratiquement de côté. A part quelques tranchées à Jéricho et sur d'autres sites (186669), les fouilles furent effectuées uniquement à Jérusalem, où Charles Warren dégagea le mur de soutènement du temple d'Hérode (1867-70). Il creusa des tranchées de 65 mètres de profondeur jusqu'à la roche naturelle, pour montrer comment la ville avait changé d'aspect au cours des siècles.
LE 20e SIECLE:
L'archéologie fit un grand pas en avant au Proche-Orient en 1890, lorsque Flinders Petrie commença ses fouilles sur le Tell el-Hesi près de Gaza, au sud d'Israël. Il se rendit compte que les objets trouvés à un certain endroit au-dessus du niveau de la mer se différenciaient de ceux trouvés à un autre niveau.
Ceci était particulièrement vrai des tessons de poterie. Les triant soigneusement d'après leurs niveaux, il réussit à établir différents styles de poterie et leur ordre chronologique. Il les data ensuite, en les comparant à des objets égyptiens trouvés aux mêmes niveaux (l'âge des objets égyptiens put être déterminé grâce à la découverte de pièces identiques en Egypte, dont les inscriptions indiquaient tel ou tel règne).
Les observations de Petrie ont été de première importance pour toute l'archéologie. Pendant plusieurs décades, d'autres archéologues à l'oeuvre en Palestine n'en ont pas tenu compte et, de ce fait, nombre de leurs conclusions se sont avérées fausses. Mais actuellement tous les archéologues ont adopté la méthode de datation de Pétrie, bien qu'entre temps on ait découvert d'autres techniues importantes.
A mesure que grandit l'intérêt populaire, les musées et universités prêtèrent aussi attention aux sites de Palestine. Il est regrettable que la qualité des travaux ait été souvent laissé à désirer. De meilleures techniques ont été cependant ?ises au point par G.A. Reisner et C.S. Fisher lors de leurs fouilles à Samarie de 1908-1911. Imitant l'exemple de Pétrie, l'Américain W.F. Albright établit un système de base pour dater les poteries palestiniennes (à Tell Beit Mirsim de 1926-1936).
Entre temps, les archéologues britanniques ont mis au point une nouvelle technique, la stratigraphie, c'est l'étude du sol à l'intérieur et à l'extérieur des vestiges anciens. Kathleen Kanyon fut la première à adopter cette technique en Palestine, lors de ses fouilles à Samarie (1931-1935). A partir de 1952, elle l'a utilisée avec beaucoup de succès sur les sites difficiles de Jéricho et de Jérusalem. Jusqu'à présent cette méthode n'a jamais été surpassée, bien qu'elle exige beaucoup du fouilleur, durant et après les fouilles.
L'argile est le matériaux de construction le plus répandu et le plus ancien au Proche-Orient. Des murs de briques d'argile séchées au soleil durent au moins trente ans si on les enduit régulièrement pour empêcher l'humidité de pénétrer. Des briques cuites au four étaient trop chères dans l'antiquité, et on ne les utilisait que dans des constructions importantes. Le soubassement était fait de pierres lorsqu'il y en avait dans la région. S'il y en avait beaucoup, toute la maison était faite en pierres. Les toits avaient une charpente en bois recouverte de paillasses enduites d'argile.
Ces bâtiments s'effondraient facilement par suite de négligence, de vieillesse, d'incendie, de tremblements de terre, ou de guerres. En les rabâtissant, on réutilisait les débris dans la mesure du possible et on laissait le reste là où c'était tombé. Ainsi, au long des années, de nouvelles maisons s'élevèrent sur les ruines des anciennes, ce qui releva peu à peu le niveau des rues et, au cours des siècles, celui de toute la ville. Le résultat de ce processus est visible dans tout le Proche-Orient où il y a des quantités de tells (tertres formés par des ruines).
Parfois il y avait au centre de la ville une forteresse avec palais et temple. Celle-ci forme à présent une éminence au milieu de tertres bien plus bas disséminés dans toute la région. Ailleurs, la ville ne forme qu'un seul tertre, qui peut atteindre 30-40 mètres de haut et plus de 500 mètres de long.
Les vestiges les plus récents sont au sommet du tertre. Ce ne sont pas toujours les ruines des dernières habitations qui s'y trouvent, car les vents et les pluies d'hiver emportent les restes de briques d'argile lorsque le site n'est plus occupé. Au niveau le plus bas se trouvent les vestiges de la première ville. Autrefois, on abandonnait une localité pour différentes raisons. La ville s'était peut-être constituée autour d'une source ou d'un puits, près d'un gué ou d'un carrefour. Mais la source une fois desséchée ou la route détournée, la ville est morte. Dans d'autres cas, des changements politiques ont pu la priver de son influence ou de sa prospérité. Et parfois, le tertre était tout simplement devenu trop haut pour y vivre confortablement.
Des villes comme Jérusalem ou Damas n'ont jamais perdu de leur importance, et l'on ne peut y faire de fouilles que lorsqu'un bâtiment est démoli ou un quartier abandonné.
LES FOUILLES:
L'archéologue commence à creuser soit au sommet, soit sur le côté du tertre. En faisant sa tranchée, les vestiges d'une période après l'autre apparaissent, un peu comme les différentes couches d'un énorme gâteau que l'on coupe en deux. La terre une fois déblayée, ainsi que les objets qui s'y trouvent, il ne peut plus les remettre exactement où ils étaient. La première tâche sera donc de noter l'emplacement et la couche où chaque chose a été mise à découvert.
Sur son plan, il indiquera la position des murs et des autres repères. Mais les vestiges ne se trouvent que rarement sur une surface plane. Une rue a pu être en pente ou un mur plus élevé à un bout qu'à un autre. Souvent, les habitants d'une époque ultérieure ont creusé une fosse pour y conserver certaines denrées ou y jeter des déchets, et celle-ci pénètre profondément jusqu'aux ruines d'une ville antérieure. S'il se fiait à des mesures absolues (tant et tant de mètres au-dessus du niveau de la mer), il classerait les déchets au fond de la fosse avec les pièces et morceaux de l'époque antérieure. Il devra donc tenir compte des accidents de la couche qu'il est en train d'examiner.
Lorsque la tranchée a été faite, on distingue facilement les travaux. Les débris de poterie sur le sol d'une pièce datent de l'époque où celle-ci a été habitée en dernier lieu, ceux que l'on trouve au-dessous du sol d'une période antérieure. Des murs qui passent à travers un sol plus ancien ne doivent pas être datés par mégarde d'après les objets trouvés sur le sol, ce qui fausserait le plan du bâtiment.
Avant le premier coup de pioche, il faut qu'un géomètre mesure tout le site et fixe les points de repère qui permettront de prendre toutes les mesures nécessaires. Un photographe prendra des clichés des fouilles à chaque stade, des objets importants ou fragiles à leur emplacement d'origine et de l'ensemble des découvertes en vue de leur publication.
L'EXAMEN DES DECOUVERTES:
Chaque objet est étiqueté ou marqué dès sa découverte pour que l'on sache où il a été trouvé. Les différentes trouvailles, comme les épingles, les couteaux, les bijoux (mais généralement par les débris de poterie) sont cataloguées et décrites. La poterie est triée d'après l'emplacement et la couche ou le niveau où elle a été découverte. Un spécialiste choisit les pièces importantes pour en faire une description plus détaillée.
Certaines poteries doivent être réparées et des objets métalliques traités contre la rouille ou contre d'autres formes de corrosion. Des boiseries ou d'autres objets fragiles reçoivent des soins spéciaux pour enrayer la putréfaction. Des résidus naturels, tels que les os, les coquillages et la terre contenant des graines, peuvent livrer des renseignements sur l'environnement du monde d'autrefois, et sont soigneusement recueillis.
LA PUBLICATION DES RESULTATS:
Ce n'est qu'à la fin des fouilles, lorsque tous les spécialistes ont fait leur rapport, que le directe±ur des fouilles peut présenté le compte-rendu final des travaux. Sur un petit site, cela peut se faire assez rapidement. Mais quand il s'agit d'un champ de ruines plus étendu, où les travaux durent des années, il publie généralement des rapports saisonniers détaillés pour encourager les universités et les musées qui lui ont fourni les fonds pour ses travaux. Certains archéologues cependant préfèrent attendrent que les fouilles soient terminées pour pouvoir faire un compte-rendu global. Celui-ci comporte souvent plusieurs volumes, lorsqu'il s'agit de fouilles importantes.
La publication des résultats est une entreprise coûteuse et qui prend beaucoup de temps. Les fouilleurs ont souvent d'autres occupations --une chaire universitaire ou un poste de conservateur de musée. Il arrive donc que plusieurs années s'écoulent entre la fin des fouilles et la publication des résultats. De nouvelles découvertes, faites dans l'intervalle, peuvent parfois remettre en question certains des résultats.
Tous les objets appartiennent au pays où ils ont été exhumés. Les pièces exceptionnelles sont exposés dans les musées nationaux. Les autres sont gardés sur place, près de l'endroit où on les a découverts. Des expéditions étrangères obtiennent parfois la permission d'emporter quelques échantillons pour faire des essais chimiques et autres.
LES LIMITES DE L'ARCHEOLOGIE:
L'archéologie s'intéresse aux vestiges de l'activité humaine. Partout dans le monde, les hommes ont les mêmes besoins (nourriture, abri, protection contre les animaux sauvages et les envahisseurs, tombeaux pour leurs morts) et ont tendance à trouver des solutions analogues à leurs problèmes. De ses découvertes dans une région donnée, l'archéologue peut donc déduire ce qu'il va trouver ailleurs, dans des circonstances similaires. Ce le mont Carmel, par exemple, on trouva les traces de familles très anciennes vivant dans des abris primitifs, et cultivant des céréales sauvages. Plus tard, des savants repérèrent des sites du même genre dans d'autres régions du Proche-Orient où les conditions de vie étaient à peu près identiques.
D'un autre côté, les hommes ne sont pas toujours conséquents dans leur comportement. Aussi est-il dangereux d'établir des cas-types sans variantes, ce qui, tôt ou tard, posent des problèmes et amène certains à fausser les faits.
En tout cas, laplupart des choses que nous découvrons aujourd'hui ont survécu par un heureux hasard. D'étranges conditions géologiques à Jéricho ont fait que des meubles en bois, enfermés autour de 1600 av. J.-C., dans des tombes, ont été conservés intacts. On a même pu reconnaître des cheveux et de la chair. Avant la découverte de ces tombes, nous n'avions aucune idée du genre de meubles utilisés en Canaan durant ?'âge du bronze moyen. Et nous ignorions tout d0 l'habileté des ébénistes de l'époque. Mais le cas des tombes de Jéricho est unique. Des exemples de survie aléatoire sont plus fréquents dans des villes qui ont été détruites. Lorsque l'ennemi y mettait le feu, les soldats les pillaient préalablement, emportant les objets de valeur. Mais les ustensiles et le mobilier restaient dans les maisons. Après plusieurs siècles, les archéologues n'exhument que ce qui a résisté au feu, aux intempérieset à l'ensevelissement. Les boiserie, par exemple, ne sont plus qu'une tache ou une poussière noire.
Le feu a surpris la ville à un moment précis de son histoire. Tout ce qu'on y retrouve appartient donc à cette époque. A moins que la localité ait été détruite plusieurs fois de suite, ses habitants y ont vécu normalement durant des générations. Ils ont quittés leurs vieilles maisons, les laissant tomber en ruine, sur lesquelles ils en ont construit de nouvelles par la suite. De ce fait, on ne récupère plus grand-chose du mobilier des anciennes générations. En règle générale, la plus grande partie des objets exhumés d'un ancien site proviennent des dernières décades de chaque période d'occupation. Les documents qu'on y découvre le confirment. C'est pour cette raison que les fouilles ne donnent pas uneimage complète de l'histoire d'une ville. En outre, le coût de l'opération empêche de fouiller tout le tell.
SUCCES ALEATOIRES:
L'objectif des fouilleurs est variable. L'un cherche à obtenir des échantillons de poterie et d'architecture à chaque niveau. L'autre se limite à un niveau, déblayant une surface considérable pour découvrir le plan de tout un quartier ou d'un ensemble de bâtiments importants. En général, ils éprouvent un attrait particulier pour les temples et les palais dont les trouvailles sont plus prometteuses que celles des maisons privées ou des fortifications. Mais ces dernières peuvent s'avérer tout aussi importantes. Parfois, les grands bâtiments sont plus faciles à repérer parce que leur tertre est plus élevé. Mais il arrive aussi qu'on les découvre par hasard --ou qu'on les rate!
En 1928, John Garstang fit des tranchées dans le tertre de Hatsor, au nord de la Galilée. Ne trouvant aucune trace de poterie mycénienne, importée de Chypre et de Grèce après 1400 av. J.-C., il en conclut que la ville a été désertée avant cette date. Or, trente ans plus tard, Yigael Yadin découvrit une quantité de cette poterie dans les alentours de la ville. De toute évidence, elle était habitée de 1400-1200 av. J.-C.
Un autre cas du même genre, s'est produit à Qadesh sur l'Oronte, en Syrie. Une expédition française y a travaillé sur une grande échelle de 1921-1922. Puis le directeur des fouilles mourut et les travaux furent arrêtés. Une petite équipe britannique reprit les fouilles en 1975. En creusant un peu plus dans une des vieilles rangées, ils heurtèrent des murs de briques d'argile. Parmi les décombres qui les recouvraient, 50 cm au-dessous des anciennes fouilles, il y avait des tablettes cunéiformes babyloniennes, confirmant l'identité des ruines et mentionnant un roi de Qadesh dont le règne a pu être déterminé, ce qui a permis de dater les ruines où on les a trouvées.
Tout au long de l'antiquité, la région de l'actuelle Syrie était prospère, et on y trouvait des villes importantes. Damas et Alep sont toujours florissantes. Palmyre est réputée pour ses ruines datant de l'époque romaine. Et depuis 1928, on fait des fouilles sur le site d'une ville sur la côte, près de Lattaquié, qui fut prospère entre 1800 et 1200 av. J.-C. Son site attira l'attention des archéologues à la suite de la découverte de la tombe dans le champ d'un paysan. Une collection de textes écrits sur des tablettes d'argile prouvèrent qu'il s'agissait de l'ancienne ville d'Ougarit.
Bien loin de là, sur l'Euphrate, une autre découverte accidentelle amena une expédition sur le site de Mari, cité florissante entre 3000 et 1760 av. J.-C. Les fouilles qui commençèrent en 1933, mirent à nu un vaste palais, détruit autour de 1750 av. J.-C., par Hammurabi de Babylone et dans lequel on trouva environ 25000 tablettes cunéiformes. Une autre découverte, la plus remarquable depuis celle des manuscrits de la mer Morte, fut faite par une équipe italienne travaillant dans le nord de la Syrie. Après avoir examiné plusieurs tertres au sud d'Alep, ils choisirent le Tell Mardik, site inconnu jusque là. Mais ses dimensions --d'imposants remparts encerclant le tell-- attestaient qu'il s'agissait d'une ville autrefois prospère. Des débris de poterie à la surface du tertre permirent de fixer son apogée entre 2500 et 1600 av. J.-C. Les travaux débutèrent en 1964. Huit ans plus tard, on avait dégagé plusieurs bâtiments de la période entre 2000 et 1600 av. J.-C. En 1968, on exhuma une statue dont l'inscription prouvait que Tel Mardik était l'ancienne Ebla, ville commerciale syrienne mentionnée dans les inscriptions babyloniennes, mais dont personne ne connaissait l'emplacement exact. Les savants l'avaient située jusqu'à 200 km de Tell Mardik!
Depuis 1973, on a dégagé plusieurs pièces d'un ancien palais qui fut incendié autour de 2200 av. J.-C. On y trouva quelques tablettes cunéiformes en 1974, puis, l'année suivante, environ 15000 autres dans deux salles d'archives. Ce sont les premiers documents d'une époque reculée trouvés en Syrie septentrionale. Leur langue était inconnue jusqu'alors, bien qu'apparentée à d'autres dialectes sémitiques occidentaux. Les textes, ainsi que certains objets, attestent une forte influence babylonienne et tout un éventail de relations commerciales (voir sous Abraham et sa famille).
Kadesh est l'une des villes citées dans ces documents. Des milliers de tablettes écrites en Assyrie entre 1900 et 1800 av. J.-C. démontrent qu'il s'agit d'une ville de la région de Kayseri en Turquie moderne, où des marchands assyriens, vivant dans un quartier à part, faisaient du commerce avec leur pays. D'autres textes décrivent les campagnes des premiers rois de Babylone contre Kadesh et d'autres villes voisines. Jusqu'à présent, ceux qui fouillaient à Kanesh se sont surtout intéressés au 19e siècle av. J.-C. et ont à peine touché les niveaux inférieurs. Rien ne permettait de penser qu'il existait à Kanesh un quartier commercial avant 1900 av. J.-C. Aussi traitait-on les récits de guerres des anciens rois de légendes qui n'ont vu le jour qu'au 19e siècle av. J.-C., lorsque le commerce y était en plein essor. Les tablettes d'Ebla fournissent à présent la preuve que Kanesh était un centre commercial longtemps avant, et que les récits militaires relatent des faits véridiques, ce qui sera peut-être confirmé par d'autres fouilles.
Il est donc évident que les succès de l'archéologie sont aléatoires. Les découvertes semblent fortuites, et même l'expédition la plus soigneusement préparée ne peut ne peut jamais dire à l'avance ce qu'elle va trouver. Les fouilles ne fournissent que rarement une image complète. Une tranchée ne traverse parfois qu'une moitié de maison et les forces de la putréfaction ont complètement détruits certains objets. Le cas de Hatsor montre aussi qu'on peut arriver à de fausses conclusions. Tandis que celui d'Ebla souligne l'importance des documents écrits. Ils situent la localité, en indiquent l'âge, éclairent bien des aspects de sa vie et expliquent ce qui serait autrement resté obscur ou incertain. Sans texte écrits, l'archéologue est voué à la spéculation. Il ignore la date et l'image exact d'un bâtiment et ne peut faire que des suppositions d'après les objets qu'il y trouve. Et surtout, il ne peut connaître les gens qui y ont vécu, ce qui l'oblige à négliger le côté humain de sa découverte.
L'ARCHEOLOGIE ET L'ETUDE DE LA BIBLE:
Lorsqu'on se sert de l'archéologie pour mieux comprendre la Bible, il faut agir avec sirconspection. Non seulement n'est-il pas toujours facile d'interpréter les résultats des fouilles, mais le sens de certains textes bibliques est parfois incertain. Bien sûr, les découvertes archéologiques peut le clarifier. Mais souvent, l'interprétation traditionnelle d'un passage n'a pas de sens à la lumière de l'archéologie, et il faut trouver une autre explication. Même alors, les avis sont parfois partagés jusqu'à l'apport de nouvelles preuves. Une des questions les plus controversées est de savoir comment les différents livres de la Bible nous sont parvenus dans leur forme actuelle et à quel moment ils ont été rédigés. En examinant d'autres écrits égyptiens, babyloniens, ou autres, il est possible de voir comment les peuples de l'antiquité produisaient et traitaient leurs livres. De temps en temps, des copies d'un même ouvrage, faites à plusieurs siècles d'intervalle, nous tombent entre les mains. Nous pouvons donc les comparer et voir en quoi elles diffèrent les unes des autres. Dans certains cas, il n'y a eu aucune modification, à part la modernisation de l'orthographe. Dans d'autres, certains épisodes ont été supprimés ou ajoutés. Lorsqu'une seule copie nous est parvenue, nous ne pouvons pas savoir si l'on y a apporté des changements ou non. Les seules copies de l'Ancien Testament en notre possession, ont été faites des siècles après la rédaction de ses livres. Or, on prétend couramment que tel chapitre est plus récent que les autres et que tel verset ou telle phrase a été ajouté par la suite, sans fournir pour autant la moindre preuve extrinsèque. En fait, ce que nous savons de la pratique des scribes de l'antiquité ne nous permet guère de tirer de telles conclusions.
LA VALEUR DES ECRITS ANCIENS:
Il faut se rendre compte que s'il existe des divergences, c'est que chacun évalue la valeur d'une découverte archéologique selon sa propre théologie. Depuis le début du 19e siècle, les savants occidentaux ont été plutôt septiques à l'égard des auteurs de l'antiquité. L'historien grec Hérodote (autour de 450 av. J.-C.) a souvent été accusé d'erreurs ou d'inexactitude. Pourtant, ses récits ont été maintes fois confirmés par des découvertes archéologiques en Egypte, en Babylonie, et en Russie. La même chose est vraie de beaucoup d'autres écrits anciens. Nous apprenons peu à peu à traiter ces livres anciens avec respect et à apprécier leur contenu. Grâce à cette attitude plus positive, nous constatons que ces textes et les autres trouvailles archéologiques se complètent admirablement.
Des fouilles organisées par le British Museum à Karkémish sur l'Euphrate ont mis à découvert des traces d'encendie, des pointes de flèches en bronze et en fer, ainsi que des fragments d'un bouclier en bronze. En gros, ils ont été datés du 7e siècle. Mais en consultant d'anciens documents, on a pu arriver à une date plus précise: 605 av. J.-C. C'était l'année ou les Babyloniens ont battu les Egyptiens à Karkémish. La décoration du bouclier est une tête de gorgone, de conception grecque. En Egypte on a retrouvé des tombes de mercenaires qui parlaient le grec et étaient originaires des villes de haute Syrie. Un poète grec raconte qu'un de ses parents a participé à la bataille de Karkémish. Tous les témoignages concordent donc!
Bien sûr, on ne peut pas harmoniser toujours aussi bien les vestiges littéraires et matérielles. De 1969-76, l'archéologue isréalite Yohanan Aharoni, dirigea les fouilles à Tell-Beersheba. A l'extérieur de la porte de l'ancienne ville, il y avait un puits. Des maisons en ruines du 12e siècle av. J.-C. --les plus anciennes du tertre-- dataient sans doute de l'époque ou le puits a été creusé. Aharoni identifia ce dernier avec le puits mentionné dans la Genèse (21, 25; 26,15), dans l'histoire d'Abraham et d'Isaac. Il en conclut que ces récits ne furent pas rédigés avant le 12e siècle, après l'exode et la conquête de la Terre promise.
Sans pouvoir encore réfuter ses conclusions, on peut déjà mettre en question ses prémisses. D'abord, l'actuel Tell-Beersheba n'es: pas nécessairement l'ancienne Beersheba. Des fouilles de moindre importance sur le site de la ville moderne de Beersheba, à 5 km à l'ouest du tell, ont prouvé qu'elle a été habitée à différentes époques, parfois en même temps que la ville sur le tell. Ensuite, même si l'identification de la localité, rien ne prouve que le puits soit celui dont parle la Genèse. Dans ces récits il n'est d'ailleurs pas question de ville. Abraham a très bien pu creuser un puits dans une région inhabitée --phénomène assez fréquent au Proche-Orient. Enfin, Aharoni prétendit que Beersheba était inhabitée entre 701 et 530 av. J.-C. et qu'une inscription de l'an 600 av. J.-C., faisant entendre que la ville était occupée à cette date-là, s'appliquait aux petits villages du voisinage. Il ne semble donc pas y avoir de raisons contreignantes pour situer la rédaction de l'histoire des patriarches au 12e siècle, surtout que beaucoup d'indices militent pour une date bien plus ancienne (voir sous Abrah0m et sa famille).
Le plus grand service que l'archéologie puisse nous rendre est de nous faire découvrir le monde de la Bible. Elle peut ussi confirmer l'historicité ou la crédibilité d'un récit. Mais il ne faut jamais perdre de vue deux faits essentiels. Premièrement, l'archéologie ne nous informe, en général, qu'à titre provisoire. Les résultats assurés d'jourd'hui ne seront demain peut-être plus que des curiosités. Deuxièmement, on reste à côté de la question lorsqu'on dit que l'archéologie confirme ou infirme le témoignage de la Bible. Car celle-ci nous parle de Dieu et de ses relations avec les hommes --et là-dessus l'archéologie ne peut rien nous apprendre.