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Sondez Les Écritures
1 mai 2020

LE PARDON 4 sur 4 - LES MOYENS DE RÉCONCILIATION



LE PARDON 4 sur 4 -            LES MOYENS DE RÉCONCILIATION



LES MOYENS DE RÉCONCILIATION

 

            Voici donc les vérités fondamentales qui sous-tendent la doctrine chrétienne du pardon : c’est Dieu qui doit accomplir  le pardon des péchés; le pécheur ne peut regagner la faveur de Dieu. Et puisque c’est Dieu qui exerce sa miséricorde envers les pécheurs, il ne peut le faire à l’encontre de sa justice parfaite. Il a juré de punir le coupable, et ce serment  doit être exécuté ; autrement, sa justice n’est pas satisfaite. Par conséquent, tant que la colère de Dieu contre le coupable n’est pas satisfaite, le pardon demeure une violation flagrante de la justice divine, et personne ne peut être réconcilié avec Dieu.

            C’est donc la colère de Dieu contre le péché qui constitue le plus grand obstacle au pardon de tout pécheur.

 

            Trouvez-vous cette vérité choquante? C’est le cas de plusieurs personnes. Trop de gens pensent que la grâce de Dieu est une espèce de longanimité bienveillante par laquelle Dieu excuse simplement le péché en faisant mine de rien, comme si la grâce impliquait une baisse de la norme divine pour accommoder l’impiété. L’Écriture n’enseigne rien de tel. Encore une fois, Dieu lui-même a juré que chaque transgression et chaque désobéissance recevront un juste châtiment (voir Héb. 2.2), et il ne peut renoncer à sa perfection pour satisfaire le méchant. Agir ainsi compromettrait sa propre justice.

 

            Comment donc Dieu réconcilie-t-il les pécheurs avec lui? Sur quelle base peut-il accorder le pardon aux pécheurs? Nous voici maintenant devant le besoin d’expiation. Si la colère de Dieu doit être apaisée, si Dieu doit être propice au pécheur, il faut une expiation appropriée. Dieu doit satisfaire aux exigences de la justice en déversant sa colère sur un substitut. Quelqu’un doit par substitution, subir le châtiment du pécheur.

 

            Et c’est exactement ce qui est arrivé à la croix.

            L’apôtre Paul résume tout l’Évangile dans un simple énoncé : « Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour  nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Cor. 5.21).

 

            Vous devez vous demander : Quel est le rapport  avec le pardon?

 

            La réponse est : tout. Bien qu’à première vue ce verset puisse sembler difficile à comprendre, il établit cependant le fondement  de tout pardon. La vérité que l’apôtre Paul cherche à communiquer ici concerne la manière dont Dieu rachète les pécheurs. Je doute qu’il  y ait verset  plus important ailleurs dans l’Écriture pour la compréhension de l’Évangile.

 

            Cette vérité profonde est la clé de la compréhension du pardon divin : Dieu a fait que Jésus, qui n’avait commis aucun péché, devienne péché pour nous, afin que nous puissions devenir en lui la justice même de Dieu. Analysons soigneusement ce verset crucial de l’Écriture.

 

LA SUBSTITUTION

 

Premièrement, ce verset parle de substitution. Cela signifie  que Christ a souffert notre mort. Il a subi le châtiment pour nos péchés. Il a subi la colère de Dieu que nous méritions. « Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu ».

 

            En langage clair, ce que l’apôtre Paul dit, c’est : Dieu a traité Christ comme un pécheur et l’a puni pour tous les péchés de ceux  qui croiraient, afin de pouvoir les traiter comme des justes et leur attribuer l’obéissance parfaite de Christ.

 

            En d’autres mots, alors que Christ était pendu à  la croix, portant les péchés des autres, Dieu le Père a déversé sur son propre Fils, exempt de péché, toute l’ardeur de sa fureur contre le péché. Cela explique le cri que Christ a poussé à la neuvième heure : « Eloï, Eloï, lama sabachthani? Ce qui signifie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mc. 15.34). Voilà le sens véritable dans lequel le Père a abandonné le Fils : judiciairement. Alors que Christ était pendu là, Dieu a déchargé contre lui, son propre Fils, la plénitude de son ardente colère et de son mécontentement contre notre péché!

 

            Quand nous y pensons, c’est une doctrine odieuse. Dieu le Père a fait subir à son propre Fils le châtiment que méritait la culpabilité d’autres personnes1 Aussi étonnant que cela puisse être, c’est l’enseignement exact de l’Écriture. L’apôtre Pierre a écrit : « lui qui a porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois, afin que morts aux péchés nous vivions pour la justice » (1 Pi. 2.24). Ésaïe, décrivant les souffrances de Christ en langage prophétique, dit :

 

Cependant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, C’est de nos douleurs qu’il s’est chargé; Et nous l’avons considéré comme puni, Frappé de Dieu, et humilié.  Mais il était blessé pour nos péchés, Brisé pour nos iniquités; Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, Et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.  Nous étions tous errants comme des brebis, Chacun suivait sa propre voie; Et l’Eternel a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous. (Esaïe 53:4-6 NEG)

 

Ésaïe ajoute cette parole stupéfiante : « il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance… après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché » (v.10).

 

            La mort de Christ a plu à Dieu? C’est exactement ce que l’Écriture enseigne. La Bible enseigne que Christ est mort comme « victime expiatoire » ou « victime propitiatoire » pour nos péchés (Rom. 3.25 ; Héb. 2.17 ; 1 Jn. 2.2 ; 4.10). Le mot propitiatoire désigne un apaisement, la satisfaction totale des exigences divines en faveur du pécheur. C’est une vérité merveilleuse. Elle signifie que Christ a payé le plein prix, la rançon pour le péché, en faveur de ceux qu’il a rachetés.

 

            Beaucoup trouvent cette doctrine intolérable. Les théologiens libéraux protestent souvent que cette notion d’expiation fait paraître Dieu sévère et simpliste. Ils nient que Dieu demande un paiement quelconque, particulièrement un sacrifice sanglant, afin d’être propice aux pécheurs. Dieu, protestent-ils, n’a pas besoin de rendre la pareille au pécheur ni de demander quelque paiement que ce soit. Ils prétendent que la bonne volonté divine est un fondement suffisant pour le pardon des pécheurs. Si Dieu veut pardonner le péché, disent-ils, il peut le faire en toute liberté.

 

            Mais tenir un tel discours revient à abandonner la justice de Dieu en faveur de sa bienveillance. Cela rend le pardon de Dieu dérisoire et sa parfaite justice inutile. Loin d’exalter Dieu, la position libérale le rabaisse en compromettant sa justice.

 

            L’Écriture enseigne clairement que seul un sacrifice sanglant peut expier le péché et apaiser la colère de Dieu envers le pécheur. Dans l’Ancien Testament, Dieu a dit à Israël : »Car la vie de la chair est dans le sang. Je vous l’ai donné sur l’autel, afin qu’il serve d’expiation pour vos âmes » (Lév. 17.11). Le Nouveau testament le rappelle sommairement : « sans effusion de sang il n’y a point de pardon » (Héb. 9.22).

 

            Ainsi donc, l’expiation par effusion de sang est absolument essentielle au pardon des péchés. Le pardon est impossible sans sacrifice substitutif satisfaisant. L’Écriture l’enseigne clairement. La colère et la justice de Dieu ne doivent pas être sous-estimées dans notre compréhension de son pardon.

 

            Une autre grave incompréhension concernant le sacrifice de Christ sur la croix est en train de gagner en popularité ces temps-ci. Connue comme la « théorie gouvernementale de l’expiation » (ou parfois la « théologie du gouvernement moral »), selon cet enseignement, la mort de Christ n’est pas un paiement au sens littéral pour les péchés, mais la preuve de la colère divine contre le mal, une démonstration imagée du déplaisir de Dieu envers le péché. Ceux qui défendent ce point de vue nient que notre culpabilité ait en fait été reportée sur Christ, et ils nient également que sa justice puisse être imputée aux pécheurs.

            Les théologiens partisans du « gouvernement moral » passent souvent pour des évangéliques. Ils parlent beaucoup de « réveil » et écrivent aussi beaucoup sur ce sujet. Ils citent des auteurs que les évangéliques connaissent, comme Charles Finney et Albert Barnes. Parfois, ils prétendent qu’ils croient en une sorte d’expiation par substitution. Mais ce qui caractérise leur théologie c’est leur affirmation catégorique que ni la culpabilité ni la justice ne peuvent être reportées d’une personne à une autre. Ils éliminent ainsi le seul type de substitution qui, en définitive, importe pour la doctrine biblique de la justification.

 

            Voilà pourquoi le point de vue « gouvernemental » de l’expiation constitue, en fait, un dangereux compromis de la vérité centrale de l’Évangile. Elle équivaut à un rejet de la mort de Christ sur la croix comme paiement pour les péchés de quiconque. En réalité, elle prive les pécheurs de toute expiation et leur propose, pour obtenir la justification, d’amender eux-mêmes leur vie, de se débarrasser eux-mêmes de leur péché et de se purifier eux-mêmes de toute nouvelle souillure en pratiquant une vie d’obéissance. Étant donné que l’Écriture enseigne clairement qu’il est impossible de se réformer soi-même (Jér. 13.23), cette conception de l’expiation annule en fait la promesse biblique de salut.

 

            Mais, tel que mentionné précédemment, tous les efforts du monde pour se réformer soi-même ne peuvent expier les péchés passés, ni procurer la justice parfaite indispensable pour plaire à Dieu. Toute l’erreur du peuple apostat d’Israël consistait à penser qu’il pouvait  établir sa propre justice, outre la justice que Dieu pourvoit en faveur des croyants : « ne connaissant pas la justice de Dieu, et cherchant à établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu » (Rom. 10.3).

 

            L’enseignement de la Bible est clair du début à la fin : les pécheurs ne peuvent en aucune façon expier eux-mêmes leurs péchés. Il fallait donc un sacrifice parfait pour faire l’expiation de leurs péchés. Cela nécessitait l’effusion du sang d’un substitut innocent (cela veut dire la mort et pas seulement une saignée). Et le substitut devait subir à la place du pécheur tout le châtiment pour la culpabilité, et  pas  seulement un châtiment symbolique (voir Ésaïe 53.5). Seul un tel sacrifice parfait pouvait satisfaire aux exigences de la justice de Dieu et ainsi le rendre propice aux pécheurs. Et c’est exactement ce que l’Écriture dit que le sacrifice de Christ procure :

 

C’est lui que Dieu a destiné à être par son sang pour ceux qui croiraient victime propitiatoire, afin de montrer sa justice, parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant, au temps de sa patience;  il montre ainsi sa justice dans le temps présent, de manière à être juste tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus. (Romains 3:25-26 NEG).

 

            Nous rejetons, de manière non équivoque, l’idée libérale voulant que cette doctrine d’expiation indirecte place Dieu dans la même catégorie que les anciens dieux païens qui exigeaient censément des sacrifices sanglants pour être apaisés. L’œuvre expiatoire de Christ n’a absolument rien en commun avec les idées païennes concernant la propitiation et les divinités offensées. Le Dieu de l’Écriture  ne ressemble absolument pas aux dieux de l’antique Canaan, ni même aux dieux les plus sophistiqués de la mythologie grecque. Il n’est ni capricieux ni irritable, et n’exige donc pas de gratification sacrificielle pour apaiser un tempérament fougueux. Nous ne devons pas voir la colère de Dieu comme l’équivalent d’une mauvaise humeur. Sa juste haine du péché est une disposition sainte et absolue, et non la manifestation d’une nature instable. Le fait qu’il exige l’expiation du péché est un élément essentiel de la justice divine et non un stupide besoin de vengeance.

 

            Nous ne devrions pas non plus penser que le sacrifice de Christ était nécessaire           pour convaincre le Père de sauver les pécheurs. Dieu est amour et impatient de sauver, et ne prend aucun plaisir à la mort d’un pécheur (Ézé. 33.11).

 

            Encore là, l’Écriture enseigne clairement que, pour une simple raison de justice divine, la seule expiation acceptable pour le péché était un sacrifice sanglant, un substitut souffrant, qui subirait toute la colère de Dieu à la place des pécheurs. Étant donné qu’il fallait que ce soit quelqu’un qui « n’avait pas connu le péché », Christ était le seul substitut valable, et sa mort sur la croix a fourni l’expiation nécessaire pour apporter le pardon aux pécheurs.

 

            Cette doctrine d’expiation par substitution forme ainsi tout le fondement du pardon de Dieu. Sans l’œuvre expiatoire de Christ, aucun pécheur n’aurait d’espoir de salut.

           

L’imputation

 

            La notion d’imputation est importante pour expliquer 2 Corinthiens 5.21. Le terme imputation désigne un jugement légal. Imputer la culpabilité à quelqu’un, c’est porter la culpabilité à son compte. De même, imputer la justice, c’est considérer que la personne est juste. La culpabilité ou la justice ainsi imputées constituent donc des réalités pleinement objectives; elles existent tout à fait indépendamment de la personne à qui elles sont imputées. En d’autres mots, celui à qui on impute la culpabilité, n’est pas de ce fait rendu coupable au sens réel, mais il est considéré comme coupable au sens légal. C’est un jugement et non un changement réel du caractère de quelqu’un.

 

            La culpabilité des pécheurs a été imputée à Christ. Il n’a en aucune façon été entaché de culpabilité. Il était simplement considéré comme coupable devant la cour céleste, et il a subi le châtiment pour  toute cette culpabilité. Le péché lui fut imputé mais non transmis.

 

            Voici un énoncé remarquable : « Celui qui n’a pas connu le péché, il (Dieu) l’a fait devenir péché pour nous… ». Cela ne peut  vouloir dire que Christ est devenu un pécheur. Cela ne peut signifier qu’il  a commis quelque péché que ce soit, ni que son caractère a été souillé, ni qu’il a porté notre péché  autrement que par imputation légale.

 

            Christ ne pouvait pas pécher, il était irréprochable. Le verset cité plus haut dit également : « [il] n’a pas connu le péché ». Il était sans tache, et devait l’être pour servir de parfait substitut. Il était « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs » (Héb. 7.26). Il était sans péché (Héb. 4.15). Si le péché avait terni son caractère de quelque manière que ce soit – s’il était devenu pécheur - , il aurait lui-même été digne du châtiment du péché et par le fait même il n’aurait pu payer pour les péchés des autres. L’Agneau parfait de Dieu ne pouvait être autrement que sans tache. Ainsi, l’expression « il (Dieu) l’a fait devenir péché » ne peut pas vouloir dire que Christ était  entaché de péché.

 

            Ce que cela veut dire, c’est simplement que la culpabilité de nos péchés lui a été imputée, elle a été portée à son compte. Plusieurs passages de l’Écriture enseignent ce concept. « Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités » (És.53.5); « lui qui a porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois » (1 Pi. 2.24); il a porté « les péchés de beaucoup d’hommes » (Héb.9.28).

 

            Ainsi donc, l’unique signification de ce que Paul a écrit dans 2 Cor.5.21, c’est que Dieu a traité Christ comme s’il était un pécheur. Il lui a imputé notre culpabilité et a exigé de lui le plein châtiment pour le péché, même si le Christ lui-même n’avait jamais commis de péché.

 

            La culpabilité qu’il a portée n’était pas la sienne, mais il l’a portée comme si c’était la sienne. Dieu a porté notre culpabilité au compte de Christ et lui en a fait payer le prix. Toute la culpabilité de tous les pécheurs qui vivraient jamais a été imputée à Jésus –Christ, portée à son compte comme s’il était coupable pour chacun d’eux. Puis Dieu a déversé sur Jésus toute la fureur de sa colère contre tous ces péchés.

 

            Voilà ce que ce verset signifie quand il dit que Dieu l’a fait devenir péché pour nous.

 

 

 

 

 

 

La justification

 

            Ce verset (2 Cor.5.21) renferme aussi la réponse à la troublante question de la manière dont peuvent être justifiés les pécheurs. De la même manière que la culpabilité des pécheurs a été imputée à Christ, sa justice est imputée à tous ceux qui croient.

 

            L’Écriture enseigne à plusieurs reprises que la justice par laquelle les pécheurs sont rachetés – la base sur laquelle ils sont rendus acceptables à Dieu – est celle qui leur est imputée. Dès Genèse 15.6, nous lisons : « Abraham eut confiance en l’Éternel, qui le lui imputa à justice ». Romains 4 utilise la justification d’Abraham pour illustrer la manière dont tous les croyants sont justifiés.

 

            Ainsi donc, la notion d’imputation est importante pour comprendre comment les pécheurs peuvent être réconciliés avec Dieu. Christ a été « fait péché pour nous » parce que notre culpabilité lui a été imputée. Nous devenons justes parce que sa justice nous est imputée. C’est aussi simple que cela.

 

            Remarquez que cela a des implications importantes : Christ, lorsqu’il est mort sur la croix, n’est pas, à proprement parler, devenu imparfait afin de porter notre culpabilité. De même, nous n’avons pas à devenir parfaits pour bénéficier de sa justice parfaite. Comment obtient-on la justice de la justification? Seulement par imputation. De même que Dieu a porté nos péchés au compte de Christ, il a porté la justice de Christ à notre compte.

 

            Cela veut dire que notre pardon ne dépend pas e quelque réforme morale que nous aurions opérée au préalable. Chaque croyant est pardonné sur-le-champ, tout comme le brigand sur la croix. Aucune œuvre de pénitence ni aucuns rituels méritoires ne sont requis. Le pardon ne nous coûte rien parce qu’il a déjà tout coûté à Christ.

 

            L’union avec Christ qui accompagne chaque véritable conversion engendre inévitablement un changement de vie (2 Cor.5.17). Chaque véritable chrétien est transformé à l’image de Christ (Rom. 8.29, 30). Cependant, ce changement de vie ne mérite en aucune façon le pardon divin. Nous sommes pleinement pardonnés avant que les premières manifestations de ressemblance à Christ soient même visibles, parce que l’œuvre expiatoire de Christ a déjà payé, dans sa totalité, le prix de notre péché, et en même temps nous a procuré un vêtement de justice parfaite qui est le droit du sang de tout croyant.

 

            Quand Dieu regarde le chrétien – même le plus consacré  et le plus conséquent que vous puissiez imaginer -, il ne l’accepte pas en vertu de sa bonne vie de chrétien. Il ne le considère juste qu’en vertu de la justice de Christ qui lui est imputée. Voilà tout le  propos de 2 Cor.5.21. Voilà ce que l’Écriture veut dire quand elle  dit que Dieu « justifie l’impie » (Rom. 4.5). Voilà précisément le cœur du message de l’Évangile.

 

            La justice parfaite de Christ est infiniment supérieure à toute autre justice que nous pourrions concevoir par nous-mêmes. C’est pourquoi l’apôtre Paul, rejetant des années d’obéissance pharisaïque et fastidieuse à la loi, dit que sa grande espérance est désormais « d’être trouvé en lui, non avec ma justice, celle qui vient de la loi, mais avec celle qui s’obtient par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi » (Ph. 3.9). Paul dit que la justice la plus élevée que l’on puisse obtenir par nos propres moyens, comparée à la justice de Christ imputée aux croyants, est comme « une perte » (v.7).

 

            Le croyant est revêtu de la justice de Jésus-Christ. Et la perfection de cette justice est l’élément qui caractérise la position de chaque croyant devant Dieu. C’est pour cela que tous les chrétiens occupent une position si élevée (assis avec Dieu dans les lieux célestes selon Éphésiens 2.6). C’est également pour cela que Paul dit : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Rom. 8.1). Leurs péchés sont déjà pardonnés pour l’éternité et ils sont revêtus comme croyants, de la justice parfaite de Christ.

 

            Comment obtient-on ce pardon? En croyant. Toute l’argumentation de Paul dans Romains 4 porte sur le fait que les pécheurs ne sont justifiés que par une justice imputée, et que cette imputation ne se produit que par la foi :

 

(Romains 4:1-5 NEG)

Que dirons-nous donc qu’Abraham, notre père selon la chair, a obtenu?  Si Abraham a été justifié par les oeuvres, il a sujet de se glorifier, mais non devant Dieu.  Car que dit l’Ecriture? Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice.  Or, à celui qui fait une oeuvre, le salaire est imputé, non comme une grâce, mais comme une chose due;  et à celui qui ne fait point d’oeuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice.

 

 

La foi est la seule condition préalable à cette justification. Aucune ouvre ne peut l’obtenir. Aucun rituel ne peut être l’instrument qui sert à l’obtenir. En fait, Paul va plus loin en montrant, dans le verset 10, qu’Abraham fut justifié avant d’être circoncis (voir Ge. 15.6 et Ge. 17.10). Ainsi donc, même si la circoncision était importante dans l’alliance que Dieu avait faite avec Abraham, elle ne peut constituer une exigence pour la justification ni être un moyen de l’obtenir.

 

            Si Dieu ne justifie l’impie que par la foi (Rom. 4.5), en quoi consiste cette foi?

            C’est le refus de croire en tout autre chose que Christ pour le salut. Cela signifie l’abandon de notre propre justice et une confiance absolue en Christ seul pour le salut. Cela suppose donc un amour véritable pour Christ et la haine de tout ce qui lui déplaît.

 

            Il offre gratuitement le pardon et la vie éternelle à tous ceux qui viennent à lui. « Et l’Esprit et l’épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens. Et que celui qui a soif vienne; que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement » (Apoc.22.17).

 

            Cher auditeur, si vous comprenez que vous êtes un pécheur, et que vous soupirez après la liberté et le pardon de vos péchés, tournez-vous maintenant vers Christ. Il ne mettra pas dehors celui qui vient à lui (Jn. 6.37). Il est impatient de pardonner aux pécheurs et de les réconcilier avec lui. Tout autre chose que j’ai à dire au sujet du pardon est sans importance si vous ne bénéficiez pas du pardon de Dieu pour vos péchés. Il est inutile que vous écoutiez plus encore si cette question n’est pas réglée entre Dieu et vous. « Comme si Dieu exhortait par nous ; nous vous en supplions au nom de Christ, soyez réconciliés avec Dieu » (2 Cor.5.20).

           

JUSTICE ET PARDON RÉCONCILIÉS

 

 

            En Christ, la justice et la miséricorde de Dieu sont réconciliées. « La bonté et la fidélité se rencontrent, la justice et la paix  s’embrassent » (Ps.85.11). Ces deux attributs de Dieu, en apparence irréconciliables, ont été réconciliés.

 

            Dieu a réconcilié les pécheurs avec lui. J’espère que vous commencer à apprécier le miracle de cette réalité. À tous les chrétiens, Dieu a pardonné une dette impayable, non parce que nous le méritons, non plus comme récompense d’une quelconque pénitence  qui paierait pour nos péchés, mais uniquement sur la base de ce qu’il a fait lui-même pour nous.

 

            Ce don inestimable du pardon gratuit devient le fondement sur lequel toutes les autres sortes de pardon s’appuient et il est aussi le modèle à suivre pour pardonner aux autres. À mesure que nous sonderons plus profondément le sujet du pardon, je vous prie de garder à l’esprit tout ce que Dieu a fait pour nous procurer le pardon. Si nous nous rappelons à quel point Dieu nous a pardonnés et combien cela lui a coûté, nous comprendrons bien vite qu’aucune transgression à notre égard ne peut même justifier un esprit rancunier. Les chrétiens  qui gardent rancune ou qui refusent  de pardonner aux autres ont perdu de vue ce que leur propre pardon implique.

            Le pardon de Dieu est le modèle suivant lequel nous devons  pardonner, et c’est Jésus-Christ lui-même qui l’exemplifie le mieux.  Dans l’étude suivante, nous examinerons, ce qui est peut-être l’illustration par excellence du pardon divin dans l’Écriture.

 

           

DEUX

***********

LA PRIÈRE DE CHRIST À L’AGONIE

 

Ils le crucifièrent […] Jésus dit : Père pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font.

 

Luc 23.33, 34

 

 

Si quelqu’un a jamais eu une bonne raison de ne pas pardonner, c’est bien le Seigneur Jésus. Il est l’ultime et la seule vraie victime – totalement innocente. Il n’a jamais fait de tort à qui que ce soit, n’a jamais dit de mensonge, n’a jamais commis d’acte méchant ou haineux, n’a jamais transgressé la loi de Dieu et n’a jamais eu de pensée impure. Il n’a jamais cédé à quelque mauvaise tentation que ce soit.

 

            Pierre dit : « lui qui n’a point commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s’est trouvé de fraude » (1 Pi.2.22). Il « a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché » (Héb.4.15). Il est « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs » (Héb.7.26).

 

            Personne n’était moins digne de mort que lui. Même Ponce Pilate, gouverneur romain impie, a déclaré à plusieurs reprises : « je ne trouve rien de coupable en cet homme » (Luc 23.4; voir aussi Marc 15.14; Jean 19.4, 6).

 

            Et pourtant, Pilate, conspirant avec d’autres impies, a utilisé des accusations fausses et mensongères pour condamner Christ à mort et le tuer de la manière la plus brutale que l’on puisse imaginer. Des foules furent mises hors de leurs gonds, et ont demandé sa mort injustement (Mc. 15.11-14).

            Le résultat fut que Christ a été conduit comme un agneau à l’abattoir (És. 53.7). Se soumettant à l’indignité et à l’injustice, il a abandonné sa vie sans résistance, sans menace et sans vengeance. En fait, toute cette souffrance et toute cette injustice avaient pour  but précis de faire de lui un sacrifice expiatoire pour les péchés de ceux-là mêmes qui l’ont mis à mort!

 

            Ce qui remplissait son cœur n’était ni la condamnation ni la  vengeance mais plutôt le pardon. Il avait dit : « Car le Fils de l’homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver » (Luc 9.56).

 

            Vous pourriez penser : C’était une chose pour Christ d’être  si miséricordieux. Il savait que le plan de Dieu l’appelait à mourir. Il avait une mission à remplir, qui incluait sa mort. Il connaissait tout depuis le commencement. Mais, c’est évident que Dieu ne s’attend pas à ce que je subisse de tels torts si facilement!

 

            Mais la manière dont Christ est mort est intentionnellement présentée à titre d’exemple, afin que chaque chrétien le suive :

 

Et c’est à cela que vous avez été appelés, parce que Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces,  Lui qui n’a point commis de péché, Et dans la bouche duquel il ne s’est point trouvé de fraude;  lui qui, injurié, ne rendait point d’injures, maltraité, ne faisait point de menaces, mais s’en remettait à celui qui juge justement; (1 Pierre 2:21-23 NEG)

 

TENDEZ L’AUTRE JOUE

 

            Le principe du pardon fut dès le début, un trait distinctif de l’enseignement de Jésus. Le sermon sur la montagne inclut une section entière qui enseigne aux disciples à souffrir patiemment quand on est injuste avec eux : « Vous avez appris qu’il a été dit: oeil pour oeil, et dent pour dent.  Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre. » (Mt. 5:38-39 NEG). Plusieurs personnes comprennent mal l’intention de ce passage, aussi vaut-il la peine que nous le regardions de plus près.

 

            Premièrement, il est important de comprendre que Christ n’enseignait pas le pacifisme universel. Certains ont suggéré que cette portion du sermon sur la montagne exclut l’utilisation de la force ou de la violence en toutes circonstances. Cependant, cela ne peut être le cas, puisque Romains 13.4 attribue expressément aux autorités civiles le droit ainsi que le devoir de « porter l’épée », ce qui sous-entend l’utilisation de la force, même mortelle si nécessaire, « pour exercer la vengeance et punir ce lui qui fait le mal ». Ainsi, un policier qui tue un criminel en tentant de l’empêcher de commettre un crime, ou un bourreau qui exécute quelqu’un qu’on a condamné pour une offense grave, agit avec un mandat explicite de Dieu.

 

            Deuxièmement, ce passage n’interdit pas de se défendre lors d’attaques criminelles gratuites. Jésus enseigne plutôt comme nous devrions réagir aux insultes et aux affronts à notre dignité personnelle (Mt. 5.39-42), et non aux menaces criminelles pour notre vie et nos membres. En outre, ce passage ne suggère certainement pas qu’un mari ou un père doive refuser de défendre son épouse ou de protéger ses enfants. Ceux qui voient dans ce passage cette sorte de pacifisme radical déforment l’intention de Jésus.

 

            Troisièmement, Christ n’annulait aucun principe de la loi de l’A.T. . Il corrigeait plutôt un abus de la loi, présent dans la tradition rabbinique. Le principe « œil pour œil » a été communiqué à Moïse par inspiration divine, et ne pouvait donc être un mauvais principe : « Si quelqu’un blesse son prochain, il lui sera fait comme il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent, il lui sera fait la même blessure qu’il a faite à son prochain » (Lév.24.19, 20); voir aussi Exode 21.24; Deut. 19.21).

 

            Nous savons que Christ n’a pas annulé cette loi, parce que lui-même a dit dans Matthieu 5.17, 18 : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.  Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. » Ainsi, il est impossible que Christ  ait pu vouloir altérer ou amender la norme morale  de la loi de l’Ancien Testament.

 

            Que voulait-il donc dire ? Si le verset 39 ne supprime pas la loi qui dit « œil pour œil » pour la remplacer par un principe plus doux, plus léger, quel est donc le sens de ce passage ?

 

            Le sens, le voici : le principe « œil pour œil » concernait les questions de justice civile. C’était une ligne directrice à l’intention des juges qui déterminaient le châtiment pour des infractions civiles, pour s’assurer que le châtiment corresponde au crime. C’était  un principe miséricordieux, qui limitait le châtiment à la gravité de l’offense. De plus, chaque fois que le principe « œil pour œil » s’appliquait, c’étaient les juges qui condamnaient le délinquant et déterminaient le châtiment, et non la personne offensée (Exode 21.22-24 ; voir aussi Deut.19.18-21). Nulle part l’A.T. ne permet à quelqu’un  de se faire justice et d’appliquer la loi contre ceux  qui lui ont  causé du tort.

 

            Malheureusement, la tradition rabbinique a embrouillé la distinction nécessaire entre les questions de justice civile et les petits méfaits personnels. Les rabbins appliquaient  mal le principe « œil pour œil » et s’en servaient pour dire qu’on était justifié de se venger de tous les torts qu’on nous avait faits.

            Jésus ne faisait que corriger cette fausse conception.  Il faisait également certaines distinctions nécessaires entre les offenses graves et les offenses légères. Une gifle n’est pas une véritable offense. Que celui qui désire suivre Christ tende simplement l’autre joue. Par contre si, la victime juge que l’assaut constitue une offense criminelle, qu’elle entreprenne les procédures légales de la loi civile, et qu’elle laisse les autres déterminer la culpabilité et le châtiment. Personne n’a le droit de se faire justice. Le faire équivaut à se faire soi-même juge, jury et bourreau, et cela viole l’esprit de tout ce que la loi enseigne concernant la justice civile et personnelle.

           

NE RÉSISTEZ PAS AU MÉCHANT

 

            Les paroles suivantes de Jésus résument le principe qui s’appliquent aux offenses personnelles légères : « Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre » (Mt.5.39).

 

            Au fil des ans, on a mal appliqué ce verset. Une secte s’est rendue célèbre au cours des années 70 à cause de l’application qu’elle faisait de ce verset (« ne pas résister au méchant »), en allant aussi loin dans l’exagération que d’adorer Satan et Christ!

 

            De toute évidence, Christ n’enseigne pas qu’on devrait simplement autoriser les agents du mal à faire ce qu’ils veulent en toutes circonstances. Jésus s’opposait lui-même constamment, par son enseignement et ses actions, à ceux qui commettaient le mal. En deux occasions, il s’est même fait un fouet de cordes pour chasser ceux qui profanaient la maison de son Père (Mt. 21.12; Jn. 2.15).

 

            Ailleurs, l’Écriture nous enseigne à résister au diable (Jac. 47 ; 1 Pi. 5.9). Nous devons nous opposer aux faux docteurs en réfutant leurs mensonges (Tite 1.9). Nous devons résister au mal dans l’Église en excommuniant ceux qui font le mal (1 Cor. 5.13). Paul a même enseigné qu’on devait reprendre les anciens de l’Église qui persistent dans le péché « devant tous, afin que les autres aussi éprouvent de la crainte » (1 Ti. 5.20).

 

            Il est également clair, pour des raisons déjà mentionnées, que le principe de non-résistance et la règle qui consiste à « tendre l’autre joue » ne peuvent être interprétés de façon à empêcher les autorités civiles de punir les criminels. Appliquer ces principes dans l’arène civile équivaudrait à abandonner la société au chaos. Les autorités civiles ont été établies par Dieu précisément « pour punir les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien » (1 Pi. 2.13, 14; voir aussi Rom. 13.4). La justice nous oblige à la fois à faire respecter la loi et à insister pour que les autres en fassent autant. Rapporter un crime est une responsabilité civile tout autant qu’un acte de compassion. Excuser ou aider à dissimuler les mauvaises actions d’autrui est un acte immoral de complicité avec le mal. Ne pas protéger l’innocent  est en soi un manquement grave (Jér. 5.28, 29).

 

            Il n’y a donc absolument aucune place dans l’Écriture pour la notion que notre réaction au mal soit exclusivement celle d’une résistance passive. Ce n’est pas ce que Jésus enseigne dans Matthieu 5.39.

            Mais qu’entendait Jésus quand il a dit : « ne résistez pas au méchant »?

           

            Encore une fois, ce qu’il interdisait, c’étaient les représailles personnelles, la revanche, la rancune, le ressentiment ou une réponse combative devant une offense personnelle ou légère. Le mot traduit « résistez » fait allusion à des représailles militaires. L’idée sous-entend une vengeance personnelle. Christ enseigne tout simplement le même principe que Paul présente dans Romains 12.17-19 :

 

Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes.  S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes.  Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère; car il est écrit: A moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur.

 

De cette manière, nous pouvons surmonter le mal par le bien (v.21).

 

 

UN AGNEAU À L’ABATTOIR

 

            On pourrait dire que la crucifixion de Christ n’était ni insignifiante, ni privée. Elle n’entrerait donc pas dans la catégorie de ces offenses personnelles mineures que nous devrions négliger, n’est-ce pas?

 

            Non, mais elle s’intègre parfaitement dans une troisième catégorie d’offenses dont Jésus fait également mention dans son sermon sur la montagne ; la persécution pour l’amour de la justice. Notre Seigneur nous enseigne que nous devons supporter joyeusement les souffrances que nous subissons pour la justice :

           

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux!  Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi.  Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous. (Matthieu 5:10-12 NEG)

 

Remarquez la réponse que Christ demande quand on supporte de telles souffrances : « Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse ». Il ne s’agit pas d’une joie capricieuse, grisante, pas plus que d’un plaisir masochiste à souffrir, mais plutôt d’une paix calme, tranquille, exactement le genre d’esprit qui caractérisait Christ lui-même au sein des épreuves.

 

            L’Écriture présente souvent Christ comme un agneau qu’on mène à la boucherie : « Il a été maltraité et opprimé, et il n’a point ouvert la bouche » (És. 53.7). L’accent est mis sur son silence et sur sa passivité. Il souffrait pour l’amour de la justice, et il aurait été mal venu de sa part de se défendre. Pourquoi?

 

            Premièrement, il n’avait aucun recours légal. Le représentant de Rome et le sanhédrin juif conspiraient ensemble pour le tuer. Dans ce cas, même si l’offense contre sa personne était à la fois grave et publique, il n’avait aucun tribunal supérieur auquel il aurait pu s’adresser. Sa seule autre possibilité était l’insurrection (se soulever pour renverser le pouvoir). Il a mis un terme à cette idée dans le jardin de Gethsémané, quand il a repris Pierre et lui a dit de rentrer son épée (Jn. 18.11). Une résistance violente était injustifiée en pareil cas, peu importe la gravité de l’erreur de ses persécuteurs et son innocence totale.

 

            Jésus a rappelé à Pierre que s’il avait voulu résister, il aurait suffit qu’il prie le Père pour qu’immédiatement des armées célestes viennent le secourir : « Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges? »(Mt. 26.53). Christ aurait donc pu empêcher sa crucifixion s’il l’avait voulu.

 

            Mais s’il avait agi de la sorte, son œuvre terrestre aurait été inachevée, et le péché serait demeuré inexpié. Le Père lui avait donné cette coupe à boire, et il fallait se soumettre à la volonté du Père, peu importe ce qu’il en coûterait. Il vaincrait le mal par le bien.

 

            Un des facteurs les plus significatifs des récits de la crucifixion dans les quatre Évangiles est le silence de Christ devant ses accusateurs. Quand on lui adressait des questions pertinentes, il répondait honnêtement mais brièvement. Toutefois, la plupart du temps, il demeurait silencieux. Le souverain sacrificateur s’acharnait  à trouver quelque motif pour l’accuser, mais Matthieu rapporte que « Jésus garda le silence » (Mt. 26.63; voir aussi Mc. 14.61). Amené devant Pilate, il demeura dans le silence total pendant que les principaux  sacrificateurs et les scribes énuméraient de fausses accusations contre lui (Mt.27.12). Marc rapporte ce qui suit : « Pilate l’interrogea de nouveau : Ne réponds-tu rien? Vois de combien de choses ils t’accusent. Et Jésus ne donna aucune réponse, ce qui étonna Pilate » (Mc. 15.4, 5). Quand Pilate harcelait Jésus pour savoir d’où il venait, Jean rapporte que « Jésus ne lui donna point de réponse » (Jn. 19.9).

 

            Voilà pourquoi Pierre, témoin oculaire d’une grande partie du drame, a écrit : « lui qui, injurié, ne rendait point d’injures, maltraité, ne faisait point de menaces, mais s’en remettait à celui qui juge justement (1Pi. 2.23).

 

PÈRE PARDONNE LEUR

 

Quand Christ a parlé en ces dernières heures avant sa mort, il est évident qu’il n’avait pas un esprit de revanche, ni même d’autodéfense. C’est au pardon qu’il pensait surtout tout au long du supplice de sa crucifixion.

 

            Par exemple, au paroxysme de son agonie, au moment même où la plupart des victimes de crucifixion hurlent de rage en jurant, il a prié pour le pardon de ses persécuteurs : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Luc 23.34).

 

            Comme tant d’aspect de la vie de notre Seigneur, cette manifestation de la miséricorde divine était l’accomplissement d’une prophétie de l’Ancien Testament : « Parce qu’il s’est livré lui-même à la mort, et qu’il a été mis au nombre des malfaiteurs, parce qu’il a porté les péchés de beaucoup d’hommes, et qu’il a intercédé pour les coupables » (És. 53.12).

           

            C’était l’heure pour laquelle Jésus était venu (Jn. 13.1). À maintes reprises, ses ennemis avaient cherché à le faire mourir avant son heure (voir Jn. 7.30 ; 8.20). Jésus a dit : « Je donne ma vie […]. Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la donner, et j’ai le pouvoir de la reprendre : tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père » (Jn. 10. 17, 18). Tout ce qui s’est produit durant  ces heures dramatiques était « selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu » (Ac. 2.23). C’était ce qui devait se passer « afin que l’Écriture soit accomplie » (Jn.19.28 ; voir aussi v.24, 36 ; Marc 15.28).

 

            C’était la raison pour laquelle il était venu (Jn. 3.17). Toute la raison d’être de l’incarnation était le pardon. C’est le motif même pour lequel Jésus est mort. C’est ce pour quoi il priait, et c’est ce qu’il a démontré par sa mort. Une fois de plus, il nous a donné un exemple que nous sommes solennellement appelés à suivre. Si vous ne vous sentez pas capables de répondre à cet appel, peut-être que vous n’en avez pas compris la pleine signification.

 

 

            La scène de la croix affiche un contraste frappant. Il y a Jésus, humblement soumis à la volonté de son Père, « obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix » (Ph.2.8) ; et il y a la foule huant et se moquant de Jésus, et encourageant les meurtriers, déterminés coûte que coûte, à accomplir leur œuvre mauvaise. Ils étaient réunis en ces moments atroces et sacrés, le solitaire, l’agneau sans tache, et la foule meurtrière, méprisable : « Lorsqu’ils furent  arrivés au lieu appelé Crâne, ils le crucifièrent là » (Luc 23.33). Encore une fois, tout arrivait « selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu » (Ac. 2.23), « afin que l’écriture soit accomplie » (Jn. 19. 28). Mais à ce moment-là, il est certain que seul l’Agneau lui-même savait que la volonté de Dieu s’accomplissait.

 

            Inévitablement quelqu’un demande pour qui Christ priait. Était-ce pour les Juifs qui avaient comploté de le faire mourir? Pour les soldats romains qui l’avaient cloué à la croix et qui avaient tiré ses vêtements au sort ? Ou pour la foule moqueuse qui le raillait ?

 

            La réponse les inclut tous, et bien plus. En un sens, la portée  de cette prière s’étend sûrement au-delà des personnes présentes ce jour-là, à toute personne qui a cru en Christ et qui a reçu son pardon. Après tout, ce sont nos péchés qui l’ont placé là. Nous sommes tous aussi coupables que les hommes qui ont enfoncé les clous à travers ses mains et ses pieds innocents.

            Mais quand Jésus disait « Père pardonne-leur », ce n’était  pas une prière pour le pardon immédiat, inconditionnel et aveugle de tous ceux qui avaient participé à sa crucifixion. C’était plutôt une supplication en faveur de ceux qui se repentiraient et croiraient en lui comme leur Sauveur et Seigneur. Jésus priait pour que, lorsqu’ils auraient saisi l’énormité de ce qu’ils avaient fait et cherché le pardon de Dieu, ces choses ne soient plus retenues contre eux. Le pardon n’appartient pas à ceux qui s’obstinent dans l’incrédulité chronique, le péché et la rébellion. Ceux qui ont emporté dans la tombe leur haine inébranlable pour lui, n’ont pas été absous de leurs crimes par cette prière.

 

            Le pardon est offert à tous gratuitement (Apoc. 22.17). Dieu est tout aussi empressé de pardonner que le père du fils prodigue l’était. Il exhorte chaque pécheur à se tourner vers lui dans une humble  repentance (Ézé. 3.18 ; Ac. 17.30). À ceux qui l’ont fait, il promet de les recevoir les bras ouvert avec un pardon complet. Mais ceux qui demeurent dans l’infidélité et le mépris ne connaîtront jamais le pardon de Dieu.

 

            Christ priait donc pour ceux qui se repentiraient de leurs œuvres mauvaises. Le péché dont ils étaient coupables était su incroyablement horrible que s’ils ne l’avaient pas entendu prier pour leur pardon ils auraient  pu croire que leur péché était impardonnable?

 

            Pourquoi a-t-il prié « Père, pardonne-leur », alors qu’auparavant il avait simplement pardonné lui-même aux pécheurs (voir Luc 7.48)? Car n’avait-il pas démontré que « le Fils de l’homme a sur la terre a le pouvoir de pardonner les péchés » (Mt. 9.6)?

 

            Oui, mais à ce moment-là, il portait nos péchés, prenait notre place et mourait pour nous, ayant renoncé à tout privilège divin en notre faveur, y compris sa propre vie. Il était pendu là, devant Dieu, comme représentant de l’humanité pécheresse. Et comme tel, il a fait appel au Père pour qu’il pardonne aux transgresseurs. En cet instant, il s’identifiait avec ceux dont la haine irrationnelle à son égard lui avait causé toutes ces souffrances. Quelle merveilleuse grâce de Dieu!

 

            Les paroles de Jésus : »car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23.34) ne signifient pas que ceux qui l’ont tué ignoraient totalement l’atroce réalité de leur crime. Les chefs religieux savaient qu’ils l’avaient accusé faussement (Mt. 26.59). Pilate savait que Jésus était innocent (Luc 23.4). Toute personne, même légèrement consciente de ce qui se passait, aurait vu qu’on était en train de commettre une grande injustice (Mc. 14.56).

 

            Mais il s’agissait d’aveugles conduits par des dirigeants aveugles (Ac. 3.17). En fin de compte, ils étaient tous complètement ignorants de l’ampleur de l’atrocité qu’ils avaient commise. Ils étaient totalement aveugles à la lumière spirituelle de la vérité divine.

 

            Cependant, leur ignorance ne les excusait pas. Il y avait d’abondantes preuves pour attester la vérité concernant la personne de Jésus. Les gens l’avaient entendu enseigner et « la foule fut frappée de sa doctrine ; car il enseignait comme ayant autorité, et non comme leurs scribes » (Mt. 7.28, 29). Ils avaient été témoins de ses œuvres merveilleuses (Jn. 10.32, 33). En toute probabilité, certains de ceux qui réclamaient maintenant sa mort comptaient au nombre de ceux qui, auparavant, ne l’avaient suivi pour ses miracles. Certains avaient peut-être même fait partie des multitudes qu’il avait nourries (Jn. 6.26). Peut-être que plusieurs d’entre eux avaient fait partie  de la foule qui, une semaine plus tôt, l’avait acclamé lors de son entrée dans la ville (Mt.21.8-11)! Ces gens ne pouvaient certainement pas ignorer tout ce que Jésus avait dit et fait en leur présence. Deux choses sont certaines : leur ignorance elle-même n’était pas excusable, et elle n’excusait certainement pas leur crime.

 

            Cependant, dans sa grande miséricorde notre Seigneur a prié pour le pardon. Ils étaient spirituellement aveugles, totalement insensibles à la terrible réalité de ce qu’ils avaient fait. Ce n’était  pas comme s’ils étaient en train d’éteindre consciemment et délibérément la Lumière du monde. Ils ne pouvaient, en effet, pas discerner cette véritable Lumière et, par conséquent, ils ne pouvaient comprendre toute l’énormité de leur crime. S’ils l’avaient comprise. « ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire » (1 Cor. 2.8).

            La prière de Jésus pour leur pardon a-t-elle été exaucée? Elle l’a certainement été!

 

LE BRIGAND PARDONNÉ

 

            La première réponse à cette prière est survenue de façon dramatique, même avant la mort de Jésus.

 

            Matthieu et Marc rapportent que Christ était crucifié entre deux brigands. Ces hommes étaient probablement des insurgés, tout autant que des voleurs. La loi romaine crucifiait rarement des hommes pour de simples vols, si bien qu’il est fort probable qu’ils étaient  également coupables de crimes contre le gouvernement. Ils pouvaient avoir été associés à Barnabas, qui était à la fois voleur (Jn. 18.40) et un meurtrier, et qui était aussi coupable de sédition contre Rome (Luc 23.18, 19).

 

            De toute façon, ces hommes vivaient en hors-la-loi. On avait jugé que les crimes dont ils étaient coupables étaient des crimes capitaux et un des brigands a finalement confessé, qu’à l’opposé de Christ, ils méritaient vraiment tous deux d’être mis à mort (Luc 23.41).

 

            Ces hommes étaient donc totalement immoraux, et la dureté de leur cœur était évidente par le fait qu’alors même qu’on les crucifiait, durant l’atrocité de leur propre agonie, ils dénigraient tous deux Christ. Alors que les principaux sacrificateurs et les scribes le raillaient en disant : « Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même! S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix, et nous croirons en lui » (Mt. 27.42), les « brigands, crucifiés avec lui, l’insultaient de la même manière » (v.44; voir aussi Mc. 15.32).

 

            Imaginez quelle doit être la profondeur de l’enracinement de la rancœur de quelqu’un pour qu’il se moque d’une victime innocente, alors qu’il est lui-même, à juste titre, dans la même situation! C’est tellement étonnant de penser que Christ cherchait le pardon de Dieu pour des gens aussi mauvais!

 

            Luc, qui rapporte aussi la prière de Jésus pour ses ennemis, ajoute un remarquable post-scriptum au compte des deux brigands. À un moment donné, pendant que les brigands se moquaient de Jésus le cœur de l’un d’entre eux a changé de façon saisissante. En observant Jésus qui subissait tous ces mauvais traitements sans ouvrir la bouche, sans rendre ni menaces ni injures à ceux qui se moquaient de lui, ce brigand a été saisi en sa conscience et s’est repenti. Alors qu’ils étaient tous les deux là, pendus, mourants, cet homme a imploré le Sauveur : « Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne » (Luc 23.42).

 

            Cette simple déclaration représentait une profonde profession de foi. Cet homme en était venu à voir la profondeur de sa culpabilité. Il a confessé que son châtiment était juste et que Christ était innocent (v.41). Son comportement a aussitôt passé des méchantes railleries à une humble adoration. Il a reconnu implicitement le plein droit revendiqué par Jésus, d’être le Seigneur du Royaume des cieux (v.42). Il est peu probable que le criminel ait compris toute la signification de la mort de Jésus, mais, à ce moment précis, pendant que le brigand recevait le juste châtiment pour les crimes qu’il avait commis contre Rome, Christ expiait les péchés que celui-ci avait commis contre Dieu.

 

            Comment le mépris de cet homme a-t-il fait si rapidement place à l’adoration? Ce ne sont ni la chair ni le sang qui lui avaient révélé la vérité, mais ses yeux avaient été ouverts par un acte souverain de Dieu. Dans les derniers instants de sa vie terrestre, Dieu dans sa grâce, lui a donné un cœur nouveau. Cet homme n’avait rien fait pour mériter la grâce divine. Au contraire, jusqu’à la toute fin, il maudissait, raillait et se moquait de Christ, même s’il faisait lui-même face à une mort certaine, suivie du jugement divin.

 

            Mais la vue de Christ qui souffrait en silence, l’Agneau de Dieu mené à la boucherie, a réveillé dans le cœur de ce brigand une sainte crainte de Dieu et, en fin de compte, il a fait  des reproches à son compagnon d’infortune : « Ne crains-tu pas Dieu, toi qui subis la même condamnation? » (Luc 23.40) – et avec cette parole, il se réprimandait aussi lui-même. « Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes; mais celui-ci n’a rien fait de mal » (v.41).

 

            Sachant qu’il ne pouvait plus rien pour lui-même, le brigand a demandé à Christ la plus petite des faveurs : « Souviens-toi de moi ». Cette requête rappelle la supplication du publicain qui « n’osait même pas lever les yeux au ciel ; mais se frappait la poitrine, en  disant : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur » (Luc 18.13). C’était un cri de désespoir, un ultime appel pour la plus petite marque de miséricorde, imméritée bien entendu.

 

            Jésus, toujours prêt à pardonner, même au plus détestable des railleurs, a exaucé sa requête, et bien plus : « Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (v.43).

 

            Dans cette promesse, il y avait le plein pardon pour chaque mauvaise action que cet homme avait commise. Rien n’était exigé du pécheur lui-même pour l’expiation de sa propre infamie. Aucune œuvre de pénitence ne lui a été assignée, aucune menace de purgatoire n’a été proférée ; il n’a même pas été réprimandé pour avoir tant  tardé à venir à Christ. Il a été instantanément assuré d’un libre accès au paradis. : «Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis». L’expiation de Christ était suffisante pour procurer gratuitement un plein pardon au plus infâme des pécheurs.

 

            L’Écriture ne rapporte aucun autre échange de propos entre Jésus et le brigand mourant. Les deux subissaient une agonie inexprimable. Bientôt les deux entreraient dans le paradis, Christ, ayant payé  le prix des péchés du brigand, et le brigand ayant été couvert par la justice parfaite du Sauveur sans péché. Un miracle de pardon venait de se produire!

            Matthieu relate également une série d’événements remarquables qui se sont produits au moment de la mort de Jésus.

 

« Jésus poussa de nouveau un grand cri, et rendit l’esprit.  Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent,  les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent.  Etant sortis des sépulcres, après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la ville sainte, et apparurent à un grand nombre de personnes. » (Matthieu 27:50-53 NEG)

 

            Rien ne pouvait être plus près de la vérité. Christ lui-même était encore parfaitement maître de la situation. Il avait dit aux pharisiens : « Je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la donner, et j’ai le pouvoir de la reprendre » (Jn. 10.17, 18). Aussi chaotique que pouvait sembler les événements, à aucun moment Dieu n’a cédé son souverain contrôle aux hommes infâmes. Au contraire, à plusieurs reprises dans les comptes rendus de la crucifixion, il nous est dit : « afin que s’accomplisse l’Écriture » (Jn. 19.24, 28, 36). Toutes choses se sont déroulées selon le plan divin.

 

            Quand Christ est mort, il a simplement courbé la tête et rendu l’esprit. Personne n’aurait pu prendre sa vie contre sa volonté. À aucun moment il n’a perdu sa divinité ou sa souveraineté. Tout ce qui  s’est produit faisait partie de son plan, un plan conçu pour rendre possible le pardon des péchés.

            Ce qui semblait constituer un bouleversement naturel au moment de la mort de Christ était en fait une succession importante d’événements surnaturels, orchestrée par Dieu, et indiquant que le pardon était accompli.

 

 

La déchirure du voile

 

            Remarquez que le voile du temple fut déchiré « depuis le haut jusqu’en bas » (Mt.27.51). Il est question du voile qui séparait le lieu très saint du reste du temple. Ce voile marquait la ligne que personne ne devait franchir, sauf le souverain sacrificateur, qui le faisait  une fois l’an, le jour des expiations, avec le sang d’un sacrifice.

            Une bonne partie de l’épître aux Hébreux, particulièrement les chapitres 9 et 10, traite de la signification de ce voile, qui indiquait « que le chemin du lieu très saint n’était pas encore ouvert » (Héb. 9.8). Les sacrifices annuels ne faisaient que symboliser un sacrifice parfait, encore à venir, qui, lorsqu’il serait offert, mettrait fin pour toujours à tous les sacrifices (Héb. 10.11, 12). La Nouvelle Alliance, fondée sur l’effusion du sang de Christ, fut alors inaugurée.

 

            L’assurance que les péchés sont pardonnés pour toujours est inhérente aux promesses de la Nouvelle Alliance (v.16, 17). « Or, là où il y a pardon des péchés, il n’y a plus d’offrande pour le péché » (v.18). Ainsi, selon l’épître aux Hébreux, chaque croyant peut, par le sang de Jésus, s’approcher avec assurance du lieu très saint – le véritable trône céleste de la grâce (v.19).

 

            La déchirure du voile haut suspendu, depuis le haut jusqu’en bas, indiquait que c’était Dieu lui-même qui l’avait déchirée. Le pardon était à la fois total et permanent. À compter de ce jour, les cérémonies et fonctions sacerdotales du temple n’avaient plus de signification. En dedans d’une génération, le temple lui-même fut détruit, ce qui mettait un terme souverain au système sacrificiel mosaïque.

 

 

Le tremblement de terre

 

            Matthieu poursuit : « la terre trembla, les rochers se fendirent » (Mt.27.51). Dans l’Ancien Testament, les tremblements de terre étaient toujours une leçon d’objet illustrant la colère divine. Quand Dieu a donné à Moïse la loi au mont Sinaï, « toute la montagne tremblait avec violence » (Ex. 19.18). Même dans les Psaumes, les tremblements de terre ont toujours signifié la terreur et la colère de Dieu (18.8; voir aussi 68.9; 77.19; 97.4). Le jugement final débutera par un tremblement  de terre mondial tel que personne n’en aura jamais vu auparavant (Héb. 12.26, 27; Ap.6.14, 15).

 

            Le tremblement de terre mentionné dans Matthieu 27.51 accompagnait la colère de Dieu contre le péché, déversée sur son propre Fils. Ce moment marquait le point culminant du jugement de Dieu contre notre péché, pendant que le Fils de Dieu rendait l’esprit, et que la terre tremblait d’horreur.

 

Les morts ressuscités

 

            Au même instant, un autre miracle s’est produit : « les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent dans et autour de Jérusalem. L’expression est relative et pourrait désigner aussi peu qu’environ une douzaine de personnes. La manière peu insistante avec laquelle l’Écriture décrit ce miracle semble exclure une résurrection à grande échelle. Ces personnes sont ressuscités des morts, sans doute dans des corps glorifiés, et « entrèrent dans la ville sainte, et apparurent à un grand nombre de personnes » (v.53). Ils étaient suffisamment nombreux pour qu’on puisse affirmer que ce miracle s’était réellement produit. L’Écriture ne mentionne rien d’autre au sujet de ces personnes. Ayant témoigné de la Résurrection, ils sont sans doute remontés en gloire, comme précurseurs de l’événement décrit en 1 Thessaloniciens 4.16.

 

            Tous ces phénomènes se sont produits instantanément, de sorte qu’à l’heure la plus noire que la terre n’ait jamais connue ces miracles de triomphe indiquaient que quelque chose de vraiment merveilleux se produisait. Christ avait acquis le pardon. Le Grand Berger avait donné sa vie pour le troupeau.

 

            Et dès ce moment, Dieu rachetait les pécheurs. Matthieu dit : « Le centenier et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, ayant vu le tremblement de terre et ce qui venait d’arriver, furent saisis d’une grande frayeur, et dirent : Assurément, cet homme était le Fils de Dieu » (Mt. 27.54).

 

 

UN CENTENIER CROIT

 

            Un centenier était un officier de l’armée qui commandait  une centaine d’hommes. Cet officier-là était sans doute celui qui supervisait la crucifixion de Christ et des deux brigands. Lui et une partie de ses troupes avaient probablement eu la garde de Jésus depuis le procès dans le prétoire, la résidence de Pilate à Jérusalem. Ils pouvaient même être de ceux qui avaient arrêté Jésus dans le jardin de Gethsémané la nuit précédente ; ainsi donc, ils avaient peut<être été témoins de son supplice depuis le tout début.

 

            Ils avaient entendu Pilate déclarer l’innocence de Jésus et savaient donc que ce n’était pas un révolté. Rien dans ses actions ou dans son comportement ne faisait de lui une réelle menace pour Rome ou pour la nation d’Israël. Jésus a dû leur sembler bien différent des nombreux criminels qu’ils avaient aidé à crucifier. Leurs railleries suggèrent qu’ils le considéraient comme un lunatique ou un fanatique religieux dérangé.

 

            Mais, l’obscurité surnaturelle, le tremblement de terre et la manière dont Christ a supporté ses souffrances, tout cela a commencé à avoir un effet sur ces soldats. Marc dit que la manière dont Christ est mort a finalement ouvert leurs yeux sur qui il était véritablement : « Le centenier, qui était en face de Jésus, voyant qu’il avait expiré de la sorte, dit : Assurément, cet homme était le Fils de Dieu » (Mc. 15.39).

 

            Ces soldats au pied de la croix ont soudain réalisé qui ils avaient crucifié, et ils en ont éprouvé une terreur absolue. Aussi effrayants que puissent avoir été les ténèbres et le tremblement de terre, ce n’était rien en comparaison de la prise de conscience que celui qu’ils avaient tué était vraiment le Fils de Dieu, celui-là même que les dirigeants juifs avaient  voulu crucifier parce qu’il prétendait être le Fils de Dieu! Et ainsi, dans sa déclaration de foi, le centenier a emprunté les mots mêmes qu’avaient utilisés les dirigeants juifs en accusant Jésus devant Pilate (« il s’est fait Fils de Dieu » Jn.19.7).

 

            Le témoignage verbal du centenier semble être une véritable confession de foi en son nom et au nom de ses hommes. « Assurément, cet homme était le Fils de Dieu » (Mt. 27.54). Luc rapporte que la réponse du centenier était un acte de véritable adoration : « Le centenier, voyant ce qui était arrivé, glorifia Dieu » (Luc 23.47). Selon la tradition, le nom du centenier était Longin, et il s’est vraiment  converti et est devenu un des tout premiers membres de l’Église chrétienne.

 

            Ce centenier et les quelques soldats qui avaient partagé sa foi furent un exaucement immédiat à la prière de Jésus pour ses bourreaux. Dieu lui-même a sauvé ces hommes en réponse à la demande de miséricorde que Jésus lui a adressée en leur faveur.

 

            Comment le savons-nous? Parce que le salut est toujours une œuvre de la grâce divine. La foi de ces hommes attestait l’œuvre de Dieu dans leurs cœurs : « personne ne peut dire : Jésus est le Seigneur! Si ce n’est par le Saint Esprit » (1 Cor.12.3). Jésus a démontré clairement, même à Pierre, que Dieu est la source de toute foi véritable (Mt. 16.16, 17). Seul Dieu pouvait changer les cœurs endurcis de ce centenier et de ses hommes.

           

           

UNE FOULE INCALCULABLE

 

            Le centenier et ses hommes ne sont pas les seuls à avoir été frappés de frayeur par ce qui s’est passé à la mort de Jésus. Luc rapporte que la crucifixion de Christ a jeté dans la tristesse et la terreur la plupart de ceux qui avaient réclamé sa mort. « Et tous ceux qui assistaient en foule à ce spectacle, après avoir vu ce qui était arrivé, s’en retournèrent, se frappant la poitrine » (Luc 23.48).

 

            Quelques heures plus tôt, on avait là une foule assoiffée de sang réclamant avec un malin plaisir la mort de Jésus. Maintenant qu’elle avait obtenu ce qu’elle voulait, il ne lui restait plus que du désespoir, du chagrin et de l’horreur. Le triomphe auquel elle s’attendait la laissait vide et sans espérance. La foule s’est dispersée, et chacun est rentré honteusement chez soi, dans la crainte. Le fait qu’on  se frappait la poitrine était un signe d’inquiétude et d’un certain remords. Mais, à la différence du centenier, qui adora Dieu, ces gens  n’éprouvaient pas de véritable repentance. Contrairement aux soldats, ils n’ont ni confessé leur péché ni confessé leur foi en Christ.

 

            Dieu a quand même exaucé cette prière venant de la croix. En effet, d’après les récits bibliques, il semble que plusieurs de ces mêmes personnes étaient parmi les trois mille qui furent ajoutées à l’Église en une journée (Ac.2.41). Qui sait combien, parmi ces personnes et les milliers d’autres sauvées à Jérusalem dans les semaines qui ont suivi, faisaient partie de cette foule le jour de la Pentecôte, Pierre laissait entendre que plusieurs de ses membres avaient justement participé à la crucifixion de Christ. Pierre les a même déclarés coupables de cet acte : « Que tout la maison d’Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié » (Ac.2.36).

 

            Et ils n’ont pas nié leur culpabilité. Elle avait de toute évidence pesée très lourd sur eux depuis qu’ils avaient quitté le calvaire en se frappant la poitrine. Après avoir entendu les paroles de Pierre, « ils eurent le cœur vivement touché, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres : Hommes frères, que ferons-nous ? »(v.37)

 

            Pierre les exhorta alors vivement à se repentir et à croire en Christ, et le résultat fut spectaculaire : « ceux qui acceptèrent sa parole furent baptisés ; et, en ce jour-là le nombre des disciples augmenta d’environ trois mille âmes » (v.41).

 

            Eux aussi faisaient partie de l’exaucement de Dieu à la prière de son Fils mourant. En un sens, la prière de Jésus a donné lieu au miracle de la Pentecôte.

 

            En outre, d’une certaine façon, chaque pécheur pardonné qui a jamais vécu est un exaucement à la prière de Christ. Puisque c’est notre culpabilité qui l’a placé sur la croix, nous sommes tout aussi responsables de sa mort que ceux qui lui ont cloué les mains et les pieds. Et le pardon qu’il a accordé sur la croix à ceux qui l’ont mis à mort est le même que celui qu’il accorde aux pécheurs aujourd’hui. Nous qui avons connu un tel pardon avons le devoir solennel de faire preuve de la même miséricorde envers les envers (Ép. 4.32).

 

            Quelle norme élevée il nous a fixée! Son refus de se venger, l’acceptation silencieuse des torts des autres envers lui, sa prière de pardon, son empressement à pardonner : tout cela constitue l’exemple que nous devons suivre.

 

            Avec quelle rapidité notre chair recule devant cet exemple! Quand nous souffrons à tort, il est très facile de trouver une explication logique pour riposter, et terriblement difficile de suivre les traces de notre Seigneur Jésus. Mais, comme lui, nous devons nous confier en celui qui « juge justement » *1 Pi. 2.23).

 

            Pouvons-nous être témoins de cette scène de la croix et comprendre la profondeur de sa passion, puis justifier notre réticence à pardonner toute offense que quelqu’un pourrait avoir commise à notre égard? La réponse est évidente. Ne devrions-nous pas avoir miséricorde tout comme nous avons obtenu miséricorde (voir Mt. 18.21-35)? En tant que personnes à qui il a été beaucoup pardonné, nous devons beaucoup, à la fois à notre Seigneur et à nos compagnons de service (voit Luc 7.47).

 

Puisse le Seigneur nous accorder la grâce de marcher dans ses traces de miséricorde!

 

 

 

 

 

 

TROIS

 

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SI NOUS CONFESSONS NOS PÉCHÉS

 

Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité. (1 Jean 1:9)

 

            Un des premiers versets que beaucoup de nouveaux chrétiens apprennent par cœur est 1 Jean 1.9, parce que la promesse du pardon et de la purification est un puissant réconfort pour ceux qui ont lutté toute leur vie avec la culpabilité.

 

            Mais ce verset fait l’objet d’une controverse de nos jours. Une poignée d’enseignants populaires prétendent que, puisque les chrétiens sont déjà pardonnés, ils ne devraient jamais demander pardon à Dieu, et qu’en le faisant ils font preuve d’incrédulité. Ils soutiennent que 1 Jean 1.9 ne concerne pas les chrétiens.

 

            Un des partisans les plus connus de cette position, c’est Bob George, auteur et animateur de radio populaire. Bob George décrit les chrétiens qui prient pour le pardon comme des personnes « qui vivent dans une insécurité quotidienne […], et qui doutent que tous leurs péchés soient pardonnés.

Bob George et plusieurs autres qui partagent son point de vue prétendent que la seule manière de jouir de la liberté en Christ est d’oublier à jamais sa culpabilité et de saisir le pardon de Dieu comme un fait totalement accompli par l’œuvre de Christ.

 

Il y a suffisamment de vérité dans ce point  de vue pour que bien des croyants sincères s’y perdent. Comme nous l’avons vu auparavant, les péchés du croyant sont pardonnés, expiés par Christ. Les chrétiens sont libérés de la culpabilité de leurs péchés et revêtus de la justice parfaite de Christ. Leur justification devant Dieu est un fait accompli. L’Écriture dit : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Rom. 8.1). « Qui accusera les élus de Dieu? C’est Dieu qui justifie! Qui les condamnera? » (Rom. 8.33, 34) « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi » (Gal. 3.13).

 

            Ainsi donc, de la perspective du trône du jugement de Dieu, les péchés des croyants sont pardonnés avant même qu’ils ne soient commis. Dieu, comme Juge, a châtié Christ pour nos péchés une fois pour toutes, et il refuse de nous en tenir rigueur. « Heureux ceux dont les iniquités sont pardonnées, et dont les péchés sont couverts! Heureux l’homme à qui le Seigneur n’impute pas son péché » (Rom. 4.7, 8). Tous les chrétiens sont dans cet état béni, et ces vérités forment tout le fondement de notre liberté en Christ. Cela est indéniablement vrai.

 

            Mais ce n’est pas toute la vérité. Ne vous imaginez pas qu’à cause de la justification Dieu ne porte absolument aucune attention à notre péché. N’allez pas penser, ne serait-ce qu’un instant, que les croyants peuvent tout bonnement se complaire dans le péché sans provoquer le déplaisir de Dieu. Ne considérez pas le remords personnel causé par le péché comme une sorte d’obstacle à la santé spirituelle. N’allez pas conclure qu’un chrétien ne devrait  jamais prier pour le pardon de Dieu. Une telle pensée est manifestement anti-biblique ; le mot hérésie n’est pas trop fort pour cela. Les chrétiens qui croient pouvoir pécher sans offenser Dieu et sans  rechercher le pardon de leur Père céleste se trompent lourdement.

 

            Examinons ces questions de plus près.

 

LES CHRÉTIENS DOIVENT-ILS PRIER POUR LE PARDON ?

 

            J’ai déjà lu un bulletin d’un de ces ministères reconnus pour enseigner que les chrétiens ne devraient  jamais rechercher le pardon de Dieu. Dans un article, le fondateur du ministère écrit :

 

            Vous avez probablement entendu des gens qui prient ainsi :

            Et Seigneur, nous te demandons de nous pardonner tous nos péchés. Mais, un instant! Pourquoi des chrétiens pardonnés demandent-ils le pardon à Dieu? Ne croient-ils pas qu’ils sont pardonnés? Et s’ils croient l’être, pourquoi alors demandent-ils sans cesse à l’être? Leurs prières révèlent leur incrédulité.

 

            Quelques paragraphes plus loin, il suggère ce qu’il croît être une meilleure façon de prier :

 

            Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un prier comme ceci : »Et Seigneur, je te remercie de ce que je me tiens devant toi comme un homme complètement pardonné. Je te remercie d’être aussi pur que la neige »? Ces mots sont rares, mais ils réjouissent vraiment le cœur de Dieu, puisqu’ils démontrent la foi que cet homme place en Dieu, qui dit que nous sommes pardonnés en Christ (Éph. 4.32). Vous ne pourrez jamais être à l’aise avec Dieu, si vous pensez qu’il est de plus en plus mécontent de vous. Pour vous sentir en sécurité, vous devez croire qu’il ne retient aucun péché contre vous. Voici un énoncé audacieux : il est impensable pour un chrétien de demander pour la énième fois le pardon de Dieu pour un grand péché, puis de se blottir près de lui. Il aura l’impression d’abuser la patience de Dieu.

 

            Il y a un problème majeur avec cette approche du sujet du pardon : c’est exactement le contraire de ce que l’Écriture enseigne.

 

            Christ a clairement enseigné à ses disciples à dire en priant : « pardonne-nous nos péchés » (Luc 11.4). Ceux qui sont contre le fait de prier pour le pardon essayent généralement de justifier cette expression de la prière du Seigneur, en suggérant qu’elle appartient à une autre dispensation, soit à celle de l’Ancienne Alliance sous la loi mosaïque, soit à une quelconque dispensation légale encore à venir. Ils croient que Jésus enseignait la loi et non la grâce quand il a donné le « Notre Père ». Ils insistent donc sur le fait qu’enseigner aux gens à prier Dieu pour le pardon, c’est comme vivre sous la loi et non sous la grâce. Et s’attendre à ce que les chrétiens prient selon le modèle du « Notre Père », est selon eux, légaliste.

 

            Un homme, qui défend ce point de vue, a écrit une lettre dans laquelle il dit :

 

            La prière du Seigneur appartient à l’époque de l’ancienne Alliance, alors que la loi et non la grâce était en usage. Y a-t-il un croyant aujourd’hui qui s’imagine réellement  que le pardon de Dieu dépend de notre manière de pardonner, et qu’ainsi, nous gagnons son pardon en pardonnant aux autres? Est-il vrai que si je ne pardonne pas, Dieu ne me pardonnera pas? Les chrétiens ont-ils à craindre que Dieu n’accordera pas son pardon aux croyants qui refusent de pardonner à ceux qui leur ont fait du tort? Nous devons en conclure que les dispositions de la prière du Seigneur relèvent de la loi et non de la grâce. Le pardon conditionnel ne s’applique pas aux chrétiens.

 

            Ce point de vue révèle une incompréhension fondamentale. Le pardon n’est pas offert en termes différents à l’époque de l’Ancien et du Nouveau Testament. Même sous l’Ancienne Alliance, le salut était toujours accordé par grâce et non par la Loi. Les croyants étaient justifiés par la foi seule, non par les œuvres. Tout le propos de Paul dans Romains 4 démontre que les sauvés de tous les temps sont rachetés exactement de la même manière qu’Abraham : sur la base d’une justice imputée par la foi seule (v.1-5). Cela inclut les saints de l’Ancien Testament vivant sous la loi de Moïse, comme David (v.6-8). Leurs péchés sont pardonnés de la même manière que le sont les nôtres, et ils ont aussi été revêtus d’une justice parfaite qui leur a été imputée par la foi.

 

            En d’autres mots, limiter le « Notre Père » à l’époque de l’Ancien Testament, ou à toute autre dispensation, n’altère en rien  le fait évident que Jésus enseignait aux personnes déjà justifiées qu’elles devaient prier pour le pardon de Dieu.

 

POURQUOI RECHERCHER LE PARDON DE DIEU S’IL NOUS A DÉJÀ JUSTIFIÉS ?

 

            Si la justification s’applique au péché passé, présent et futur, en sorte qu’il n’y a plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ *Rom. 8.1), pourquoi donc les croyants ont-ils besoin de prier pour le pardon ? Ne prient-ils pas pour quelque chose qu’ils possèdent déjà ?

 

            Revenons en arrière, et considérons le sujet du point de vue biblique. En premier lieu, c’est tout simplement un fait que l’Écriture enseigne manifestement à ceux qui sont rachetés à prier régulièrement pour le pardon. Cela est clair dans plusieurs psaumes pénitentiels (Ps.6; 32; 38; 51; 102; 130; 143), dans le « Notre Père » et aussi dans 1 Jean 1.9.

 

            Aussi longtemps que nous vivons dans un monde pécheur, avec nos propres tendances pécheresses, il y a un sens dans lequel les chrétiens, même purifiés éternellement par le bain de la régénération (Tite 3.5), ont encore besoin d’une purification quotidienne des effets de leurs péchés.

 

            On trouve une illustration parfaite de ces deux sortes de purification dans le compte rendu que l’apôtre Jean fait de la dernière cène, quand Jésus voulait laver les pieds de Pierre. Au début, Pierre était réticent à l’idée que Jésus le serve de manière si humiliante. Il a dit au Seigneur : « Non, jamais tu ne me laveras les pieds » (Jean 13.8). Jésus a répondu : « Si je ne te lave, tu n’auras point de part avec moi. »

            Pierre, toujours prompt, a donc décidé qu’un lavage de pieds ne serait pas suffisant dans son cas : « Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête » (v.9).

            La réponse de Jésus établit une nette distinction entre les deux sortes de purification : « Celui qui est baigné n’a besoin que de se laver les pieds pour être entièrement pur ; et vous êtes purs, mais non pas tous » (v.10).

 

            Le bain illustre le pardon de la justification. Ceux qui sont justifiés sont pardonnés pour toujours et n’auront pas à subir le châtiment du péché. Ils n’ont pas besoin d’être à nouveau justifiés. Cependant, les effets quotidiens de leurs péchés ont encore besoin d’être traités. Il faut régulièrement confesser et abandonner le péché, et rechercher le pardon d’un Père mécontent mais aimant.

 

            Les temps des verbes dans 1 Jean 1 le démontrent également. Le sens littéral du verset 7 est : « Le sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché ». Et le temps du verbe du verset 9 indique également une action continue : « Si nous confessons nos péchés ».

 

            Ainsi, la confession et la purification dont il est question en 1 Jean 1 ne sont pas des événements qui ont eu lieu une fois pour toutes. Ces versets n’appuient tout simplement pas l’idée que Dieu ne tient pas compte des transgressions quotidiennes du croyant, comme si notre justification réglait définitivement la question du péché du chrétien.

 

            La question semble cependant troubler encore bien des chrétiens. Pourquoi devons-nous rechercher le pardon de Dieu s’il a déjà accordé le pardon dans la justification?

 

            La réponse est que le pardon divin a deux facettes.  La première est celle du pardon judiciaire que Dieu accorde à titre de Juge. C’est le pardon qui a été acquis par l’expiation de Christ en notre faveur. Cette sorte de pardon nous libère de toute menace de condamnation éternelle. C’est le pardon de la justification. Ce pardon-là est immédiat et complet, et n’a pas besoin d’être recherché.

            L’autre facette est celle du pardon parental que Dieu nous accorde comme Père. Il est attristé quand ses enfants pèchent. Le pardon de justification efface la culpabilité judiciaire, mais il n’annule pas le mécontentement paternel de Dieu envers notre péché. Dieu châtie ceux qu’il aime, pour leur bien temporel (Héb.12.5-10).

 

            Ainsi donc, le pardon que les chrétiens doivent rechercher dans leur marche quotidienne n’est pas le pardon d’un Juge en colère, mais la miséricorde d’un Père attristé. C’est le pardon pour lequel Christ nous a enseigné de prier dans le Notre Père. Les premiers mots de la prière : « Notre Père » démontrent qu’il est question d’une relation parentale plutôt que d’une relation judiciaire. (C’est également le cas dans 1 Jean 1.3, dont les mots « communion […] avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ » suggèrent de nouveau que le pardon du verset 9 est un pardon parental plutôt que judiciaire.)

 

            Le pardon judiciaire se rapporte au châtiment de nos péchés. Le pardon parental se rapporte aux conséquences du péché. Le pardon judiciaire nous libère de la condamnation d’un Juge omnipotent en colère. Le pardon parental rétablit les choses avec un Père peiné et contrarié, mais aimant. Le pardon judiciaire nous confère une position inébranlable devant le trône du jugement divin. Le pardon parental se rapporte à l’état de notre sanctification à tout moment donné, et il est administré à partir du trône de la grâce divine (Héb. 4.16). À titre de Père, il désire tout aussi vivement continuer de pardonner et de purifier ses enfants de la souillure de leur péché.

 

DIEU PEUT-IL ÊTRE EN COLÈRE CONTRE SES PROPRES ENFANTS ?

 

            Le simple fait de suggérer que Dieu puisse être mécontent de ses propres enfants est suffisant pour soulever les objections de plusieurs qui croient que les péchés d’un enfant de Dieu ne peuvent jamais, en aucune circonstance, provoquer le mécontentement de Dieu. Un chrétien confus sur ces questions a envoyé un « courriel » disant ceci :

           

            Etes-vous en train de dire que Dieu se fâchera contre ses propres enfants? Si nous sommes revêtus de la justice de Christ, comment Dieu pourrait-il même voir notre péché? Et s’il ne peut le voir, comment pourrait-il en être jamais mécontent? Je pensais que Dieu n’était jamais mécontent des chrétiens, parce qu’il nous accepte en Christ, comme si nous étions aussi justes que Christ. Et il a mis toute son affection en son Fils Bien-Aimé.

 

            De plus si nous croyons que Dieu se fâche contre ses propres enfants quand ils pèchent, pouvons-nous honnêtement dire qu’il nous a pardonnés en premier lieu?

 

            Malheureusement, de plus en plus de chrétiens semblent être confus par de telles questions. Un mauvais enseignement biblique a poussé radicalement la notion de grâce au point où quelques-uns semblent croire que Dieu est obligé, par les conditions de la justification, d’accepter allègrement le péché et la désobéissance du croyant. Certains de ceux      qui se sont appropriés ces doctrines imaginent évidemment que, parce que Christ a expié notre péché, Dieu n’a plus le droit de s’objecter à notre désobéissance.

 

            Mais, pour maintenir une telle position, on doit ignorer plusieurs doctrines importantes de l’Écriture ou encore trouver une explication convaincante.

            Par exemple, comme nous l’avons déjà vu, l’Écriture enseigne clairement que Dieu discipline ses enfants qui désobéissent.

 

« vous avez oublié l’exhortation qui s’adresse à vous comme à des fils Mon fils, ne méprise pas la discipline du Seigneur, et ne perds pas courage quand tu es repris par lui;  car celui que le Seigneur aime, il le discipline, et il fouette tout fils qu’il agrée.  Vous endurez des peines comme discipline, Dieu agit envers vous comme envers des fils, car qui est le fils que le père ne discipline pas?  Mais si vous êtes sans la discipline à laquelle tous participent, alors vous êtes des bâtards et non pas des fils.  De plus, nous avons eu les pères de notre chair pour nous discipliner, et nous les avons respectés; ne serons-nous pas beaucoup plutôt soumis au Père des esprits, et nous vivrons?  Car ceux-là disciplinaient pendant peu de jours, selon qu’ils le trouvaient bon; mais celui-ci nous discipline pour notre profit, afin que nous participions à sa sainteté.  Or aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse; mais plus tard, elle rend le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés par elle. » (Hébreux 12:5-11 DRB)

 

            Quelle est la nature de la discipline parentale que Dieu administre à ses enfants? Il est indispensable de comprendre la nature  du pardon que Jésus disait à ses disciplines de rechercher.

            Bob George établit un contraste marqué entre la punition et la discipline. Il écrit :

 

            Même si l’on croit souvent que les mots « discipline » et « punition » veulent dire la même chose, ils sont très différents. La confusion entre ces deux notions vient probablement de nos expériences avec des parents bien intentionnés mais faillibles, qui nous disciplinaient souvent avec amour, mais qui nous punissaient aussi parfois dans la frustration et la colère. Nous attribuons ensuite ces caractéristiques à Dieu, et nous présumons qu’il agit de la même manière. Toutefois, rien ne saurait être aussi loin de la vérité. Cette erreur est un des derniers bastions du légalisme, qui doit être anéanti de manière à ce qu’on soit capable de se reposer sur la grâce de Dieu. Commençons par acquérir une juste définition des termes.

 

            La punition est la peine imposée à un offenseur pour un crime ou une mauvaise action. Elle vise la rétribution (le fait de rendre à quelqu’un ce qu’il mérite) plutôt que la correction […].

            La discipline, d’autre part, est totalement différente. C’est une formation qui a pour but de développer la maîtrise de soi, le caractère et la capacité.

 

            Il y a un peu de vrai dans ce que dit Bob George. La simple punition n’a souvent d’autre but que l’administration de la justice. La peine de mort, par exemple, n’a pas un but thérapeutique. Son but n’est pas de rééduquer le délinquant, mais d’infliger la peine méritée pour un crime grave.

 

            Et il est vrai, aussi, que la discipline ne comporte parfois aucune des implications punitives du châtiment. L’exemple de discipline que propose Bob George est celui d’un entraîneur de basket qui soumet son équipe à un entraînement sévère, afin qu’elle soit prête pour la compétition. Le but n’est pas de punir les joueurs, mais de les mettre en condition. Bob George écrit :

 

            Du point de vue du destinataire, la punition et la discipline semblent parfois semblables! Mais toute la différence tient à l’attitude et au but de celui qui les administre. L’attitude qui sous-entend la punition est la colère et l’indignation, et son but est la justice ; l’attitude qui sous-tend la discipline est l’amour, et son but est l’intérêt et le développement de la personne.

 

            Est-il vrai cependant, que la discipline n’implique jamais de punition? Est-il vrai également, que la punition ne peut jamais servir à la correction?

            Non ce n’est pas vrai. Par exemple, Bob George lui-même illustre la « punition » à l’aide d’une anecdote au sujet d’un policier qui l’avait sanctionné pour excès de vitesse. Il écrit :

 

            Voyez-vous, ce qui intéresse le policier, ce n’est pas de savoir pourquoi vous faisiez un excès de vitesse ; il lui importe peu de savoir si vous le faisiez par exprès ou non ; cela ne l’intéresse pas non plus d’écouter ce que vous avez à dire sur les autres jours où vous avez respecté la loi. Tout ce qu’il sait, c’est que vous avez enfreint la loi, et voilà votre peine. Vous remarquerez également qu’il n’a rien fait pour féliciter les 50 autres conducteurs qu’il a vus respecter la limite de vitesse. Il s’est contenté de rester assis là, passif, jusqu’à ce qu’il y ait violation, et là il a agi. Ça, c’est la punition.

 

            Mais si Bob George veut suggérer qu’une sanction routière n’a aucun but correctif, il a bien tort. Les contraventions pour excès de vitesse sont conçues en partie pour punir et en partie pour prévenir de futures infractions. Si l’amende est suffisamment élevée, elle aide le contrevenant à se rappeler de ne pas commettre d’infractions répétées. C’est en partie l’intention des législateurs quand ils établissent les amendes, et c’est aussi bien souvent l’intention du policier en fonction, quand il remet une contravention.

 

            Ainsi donc, une contravention est à la fois punitive et corrective. Plusieurs punitions comprennent une part de discipline corrective; et la discipline, particulièrement la discipline parentale décrite dans Hébreux 12, inclut souvent un aspect punitif.

 

            Bob George veut séparer les deux de manière à suggérer qu’elles sont mutuellement exclusives. Il nie expressément que la discipline de Dieu envers les croyants implique un aspect punitif. Bob George écrit : « Dieu, sous la Nouvelle Alliance, ne traite jamais ses enfants sur la base de la punition. Il ne nous traite jamais  avec colère ni avec une exigence  de justice.

           

            Mais, est-ce que cela concorde avec ce que dit l’Écriture? Non. La comparaison de l’entraîneur de basket ne correspond pas à l’illustration qu’on retrouve dans Hébreux 12. Ce passage dépeint plutôt un Père mécontent. L’Écriture décrit Dieu comme quelqu’un qui discipline les croyants avec une verge. Oui, il discipline ses enfants avec amour et pour leur bien, dans le but de les corriger plutôt que de les punir. Mais il y a néanmoins un élément punitif dans la discipline décrite par l’auteur d’Hébreux. Il s’agit d’un châtiment parental ferme, mais rempli d’amour – d’une fessée, pas seulement d’une pratique prescrite par la faible image d’un entraîneur.

 

            De plus, la correction elle-même suppose toujours la reconnaissance qu’on a fait quelque chose de mal. Tout bon entraîneur exclut du jeu les joueurs indisciplinés, ou leur fait payer (aussi qu’apprendre) par des séances d’entraînements particulières. Cela peut inclure un objectif punitif, et devrait produire un sentiment de honte.

 

            Cela est très important, parce que la haine que Dieu éprouve pour notre péché est une manifestation de son amour pour nous. Son amour pour nous est comme celui d’un parent, et non pas comme la bienveillante indifférence d’un entraîneur qui espère seulement que son équipe gagnera. En outre, l’élément punitif de la discipline du Seigneur est tout autant une manifestation de son amour que l’est l’élément correctif.

 

            Les mots employés pour décrire cette discipline dans Hébreux 12 sont importants. Ils sont traduits, dans différentes versions, par « correction », « punition » et « châtiment ». Ces mots sont des termes pertinents pour communiquer ce que l’auteur d’Hébreux décrit. Ils désignent une punition parentale, teintée de désapprobation, accompagnée de fermeté et, jusqu’à un certain point, de sévérité. Le mot colère n’est pas trop fort, si nous avons soin de ne pas oublier que nous décrivons une sorte d’indignation paternelle et non la colère d’un juge offensé.

 

            L’Écriture emploie elle-même à plusieurs reprises le langage de la sainte colère pour décrire la désapprobation de Dieu envers les péchés de ses enfants. Par exemple, Moïse a rapporté comme suit la réponse du Seigneur à la rébellion des Israélites à kadesh-barnea :

           

            L’Éternel entendit le bruit de vos paroles. Il s’irrita, et jura, en disant: Aucun des hommes de cette génération méchante ne verra le bon pays que j’ai juré de donner à vos pères, excepté Caleb, fils de Jephunné; il le verra, lui, et je donnerai à lui et à ses enfants le pays sur lequel il a marché, parce qu’il a pleinement suivi la voie de l’Eternel.  L’Éternel s’irrita aussi contre moi, à cause de vous, et il dit: Toi non plus, tu n’y entreras point. (Deutéronome 1:34-37 NEG). Voir aussi Deut. 3.26; 4.21.

 

            Il a décrit un incident similaire au pied du Sinaï, quand les Israélites adorèrent le veau d’or :

 

Je me prosternai devant l’Éternel, comme auparavant, quarante jours et quarante nuits, sans manger de pain et sans boire d’eau, à cause de tous les péchés que vous aviez commis en faisant ce qui est mal aux yeux de l’Eternel, pour l’irriter.  Car j’étais effrayé à la vue de la colère et de la fureur dont l’Eternel était animé contre vous jusqu’à vouloir vous détruire. Mais l’Eternel m’exauça encore cette fois. L’Éternel était aussi très irrité contre Aaron, qu’il voulait faire périr, et pour qui j’intercédai encore dans ce temps-là. (Deutéronome 9:18-20 NEG)

 

            Quand Salomon fit ce qui était mal aux yeux de l’Éternel, l’Écriture rapporte que « L’Éternel fut irrité contre Salomon, parce qu’il avait détourné son cœur de l’Éternel » (1 Rois 11.9).

            Moïse, Aaron et Salomon étaient tous des hommes rachetés, pleinement justifiés par la foi. Leur position devant Dieu ne  dépendait aucunement de leurs œuvres. Leurs péchés étaient entièrement pardonnés au sens juridique. L’Écriture dit pourtant qu’ils ont mis Dieu en colère par leur péché.

            De même, Christ fut « indigné » contre les disciples qui refusaient de laisser les enfants venir à lui (Mc. 10.14). Il a réprimandé Pierre plusieurs fois, au point de s’adresser à lui en l’appelant « Satan » (Mc. 8.33). Il a également réprimandé sévèrement Jacques et Jean (Luc 9.55, 56).

 

            Ainsi donc, l’idée que Dieu est toujours bienveillant, jamais mécontent de ses enfants, est bien étrangère à l’Écriture. L’idée que la discipline de Dieu ne comporte jamais d’élément punitif est aussi tout simplement fausse. La promesse que Dieu fait à ceux qu’il aime, c’est qu’il les châtiera comme un père châtie ses enfants. Ce châtiment, bien que fait dans l’amour et toujours pour notre bien, est cependant une véritable expression de la colère divine envers le péché – même les péchés de ses enfants.

            Écoutez cette stipulation de l’Alliance davidique :

 

Si ses fils abandonnent ma loi et ne marchent pas selon mes ordonnances. S’ils violent mes préceptes et n’observent pas mes commandements. Je punirai de la verge leurs transgressions, et par des coups leurs iniquités. Mais je ne lui retirerai point ma bonté et je ne trahirai pas ma fidélité. Je ne violerai point mon alliance, et je ne changerai pas ce qui est sorti de mes lèvres. (Psaumes 89:30-34 NEG).

 

            Les chrétiens n’ont jamais à craindre la colère de Dieu à titre de Juge éternel, mais ils seront à coup sûr confrontés à sa désapprobation paternelle et à sa correction quand ils pèchent. Selon Hébreux 12, une telle discipline est la meilleure preuve de son amour pour nous. Alors, n’adhérez jamais à cette notion qui prétend que Dieu n’est jamais en colère contre le péché de ses enfants. Le fait qu’il soit contrarié par notre péché est la preuve même de son amour paternel pour nous.

 

QU’ACCOMPLIT LA CONFESSION ?

 

            Qu’arrive-t-il quand, à titre de croyants déjà justifiés, nous confessons nos péchés et recherchons le pardon paternel de Dieu ? Avant tout, il est important de comprendre que nous ne perdons notre salut quand nous péchons. Confesser nos péchés ne veut pas dire retrouver le salut perdu ou renouveler notre justification. L’Écriture enseigne que ceux que Dieu justifie il les glorifie aussi (Rom. 8.30). Les élus ne sortent pas du processus avant d’avoir atteint ce but.  «Celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ » (Phil. 1.6). Notre péché déplaît certes à Dieu, mais il ne peut nous séparer de son amour (Rom. 8.38, 39).

 

            Mais qu’enseigne l’Écriture ? « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jn. 1.9). Le pardon et la purification sont les deux aspects de cette promesse.

 

            Il est clair que Paul s’adresse aux croyants dans le passage suivant : « Ayant donc de telles promesses, bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, en achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu. (2 Cor. 7:1). Paul montre ici que nous participons, par l’obéissance et la véritable repentance, à un processus de purification continuelle du péché.

 

            Ainsi donc, 1 Jean 1.9 se rapporte au pardon et à la purification continuelle du péché, et non à la purification et au pardon du salut. Nous ne devons pas penser que le pardon de la justification et le bain de la régénération éliminent toute obligation pour les chrétiens  de s’occuper de la réalité subjective du péché dans leurs vies.

            Voici mon commentaire :

 

            La religion chrétienne est la religion des pécheurs, de tous ceux qui ont péché, et en qui le péché habite encore dans une certaine mesure. La vie chrétienne est une vie de repentance continuelle, d’humiliation et de mortification pour le péché, de foi continuelle dans le Rédempteur, de gratitude et d’amour envers lui, et de joyeuse espérance d’un jour de glorieuse rédemption, dans lequel le croyant sera complètement et définitivement acquitté, et le péché aboli pour toujours.

 

            Voilà pourquoi l’Écriture nous enseigne à confesser sans cesse nos péchés, et à rechercher quotidiennement le pardon et la purification de Dieu. Il est à la fois fidèle et juste pour pardonner : fidèle à cause de sa promesse envers nous par son alliance, et juste parce qu’il a déjà accompli l’expiation de nos péchés.

 

POUVONS-NOUS ÉVITER LA DISCIPLINE DE DIEU EN NOUS CONFESSANT ET EN RECHERCHANT SON PARDON ?

 

 

            Le pardon de Dieu annule-t-il totalement le fait que nous ayons péché ? Quand nous confessons nos péchés et recherchons le pardon de Dieu, retire-t-il immédiatement sa discipline et nous libère-t-il des conséquences de notre péché ?

 

            Certains croient que le pardon devrait annuler toutes les conséquences du péché. Ce problème se pose inévitablement, par exemple, quand un dirigeant chrétien, tombé dans l’immoralité, fait acte de repentance et veut ensuite reprendre une position de direction dans l’Église. On peut prévoir que le dirigeant qui a chuté plaidera sa cause en faisant remarquer que Dieu lui a déjà pardonné son péché, et que ses péchés passés ne devraient pas constituer un facteur dans sa réinsertion comme dirigeant au sein de l’Église.

 

            Toutefois, le critère biblique fondamental pour tous les anciens et les diacres dans l’Église est qu’ils doivent être « irréprochables » (1 Tim. 3.2, 10; Tite 1.6, 7). Le terme « irréprochables » décrit la réputation des dirigeants et signifie qu’ils ne doivent être accusés de rien. Cela n’a rien à voir avec l’absence de péché, car personne ne pourrait alors se qualifier. Mais un homme qui est « irréprochable » est quelqu’un dont la vie n’est pas entachée par quelque péché évident ou par un scandale qui l’empêcherait de se sentir devant le troupeau comme exemple de piété cohérente.

 

            Certains péchés, particulièrement les péchés sexuels scandaleux portent un opprobre qui ne peut être effacé même si l’offense elle-même est pardonnée (Pr.6.32, 33). Le pardon rétablit la personne dans une juste relation avec Dieu, mais parfois le stigmate et le scandale du péché demeurent. Dans de telles situations, un homme peut être pardonné et cependant être inapte à assumer un poste de direction spirituelle, parce que sa vie n’a pas été un modèle de piété et de vertu.

            Dieu promet de faire miséricorde à ceux qui confessent et délaissent leurs péchés. Dans l’Écriture, on lit : « Celui qui cache ses transgressions  ne prospère point, mais celui qui les avoue et les délaisse obtient miséricorde » (Pr.28.13).

 

            Il n’y a cependant aucune promesse dans l’Écriture selon laquelle Dieu supprime toutes les conséquences de nos péchés. Nous avons déjà vu que le pardon n’efface pas nécessairement l’opprobre public relié aux péchés scandaleux. Le pardon n’écarte pas non  plus nécessairement la divine discipline pour le péché.

 

            Par exemple, quand David a péché avec Bath-Schéba, plusieurs mois se sont écoulés avant que David ne soit suffisamment humilié pour confesser son péché et chercher le pardon. L’Écriture rapporte que Bath-Schéba a vécu toute sa grossesse et a enfanté un fils avant que Nathan ne vienne confronter David à sa transgression.

 

            Durant ces mois de désobéissance, David éprouvait de toute évidence une grande détresse émotionnelle et spirituelle à cause de son péché. À ce moment-là, il a écrit : « Tant que je me suis tu, mes os se consumaient, je gémissais toute la journée; car nuit et jour, ta main s’appesantissait sur moi, ma vigueur n’était plus que sécheresse, comme celle de l’été » (Ps. 32.3, 4).

 

            Tout cela faisait partie de la discipline de Dieu contre David. Sa paix lui fut enlevée, et le poids de sa culpabilité l’affectait même physiquement.

 

            Sur le plan spirituel, son péché non confessé ruinait la douceur de sa relation avec Dieu. La communion était entravée du côté de David. Le problème n’était pas que Dieu refusait d’avoir une communion avec David; c’est plutôt le péché de David qui l’empêchait de rechercher Dieu comme auparavant, quand sa conscience était pure. À propos de cet épisode précis de son péché, David a écrit : « mon péché est constamment devant moi » (Ps. 51.5). Le péché obscurcissait la vison que David avait de Dieu et l’empêchait complètement d’accéder à l’immense joie de la communion dont il avait toujours bénéficié avec le Seigneur. Comparez le commentaire de David dans le psaume 51 avec la confession qu’il a faite après qu’il fut pur devant Dieu : « J’ai constamment l’Éternel sous mes yeux […]. Aussi mon cœur est dans la joie, mon esprit dans l’allégresse » (Ps. 16.8, 9). Mais tant que le péché de David demeurait non confessé, c’était le péché qui était devant lui, obscurcissant sa vision de Dieu.

           

 

Ce que David avait fait « déplut » à Dieu (2 Sa. 11.27), mais c’est lui qui a vu au rétablissement de David.

            L’histoire est bien connue. Le prophète Nathan a confronté David à son péché. Il l’a fait plutôt subtilement, en racontant au roi rebelle une parabole dont la morale décrit précisément la sorte de mal que David avait commis (2 Sa. 12.1-4). Ne se reconnaissant pas dans la parabole, David prononça une sentence de mort pour quiconque était coupable d’un tel crime.

 

            « Tu es cet homme-là ! » fut la réponse glaciale de Nathan (v.7). Et Nathan poursuivit en prophétisant sur la discipline de Dieu envers David :

 

« Et voici ce que le SEIGNEUR, Dieu d’Israël, te dit: "Je t’ai consacré comme roi d’Israël. Je t’ai délivré de la main de Saül.  Je t’ai donné autorité sur la famille de ton maître Saül. J’ai mis dans tes bras les femmes de ton maître. Je t’ai donné les peuples d’Israël et de Juda.  Si ce n’est pas assez, je peux encore te donner deux fois plus.  Pourtant, tu n’as pas respecté mes commandements. Pourquoi donc? Tu as fait ce qui est mal à mes yeux. Pourquoi? Tu as assassiné Urie le Hittite. Oui, tu l’as fait tuer par les Ammonites et tu as pris sa femme pour en faire ta femme!  Eh bien, à partir de maintenant, il y aura toujours des morts violentes dans ta famille. En effet, tu t’es moqué de moi en prenant pour femme la femme d’Urie le Hittite.  Écoute bien ce que je t’annonce: je vais faire venir le malheur sur toi, et ce malheur viendra de ta propre famille. Je vais prendre tes femmes sous tes yeux, pour les donner à l’un de tes parents. Et celui-ci couchera avec tes femmes en plein jour.  Oui, ce que tu as fait dans le secret, moi, je le ferai arriver en plein jour,  devant tout ton peuple." » (2 Samuel 12:7b-12 PDV).

 

            La réponse immédiate de David fut la confession, suivie d’une repentance sincère. Le psaume 51 est le compte rendu de cette repentance.

            Toutefois, le Seigneur n’a pas retiré sa discipline en réponse à la confession de David. Dieu a suspendu la sentence de mort que David lui-même avait involontairement décrétée, mais il n’a pas annulé complètement son châtiment :

           

« David dit à Nathan: J’ai péché contre l’Eternel! Et Nathan dit à David: L’Éternel pardonne ton péché, tu ne mourras point.  Mais, parce que tu as fait blasphémer les ennemis de l’Eternel, en commettant cette action, le fils qui t’est né mourra. » (2 Samuel 12:13-14 NEG).

 

Voilà un parfait exemple de manière dont la justification efface la condamnation éternelle du péché, mais pas nécessairement ses conséquences temporelles. Dieu a pardonné les péchés de David, mais il n’en a pas effacé les conséquences en guise de discipline punitive.

            En fait, David a porté les conséquences de ce péché le reste de sa vie. À compter de ce moment, sa vie n’a été qu’une succession de tragédies. Comme Nathan l’avait prédit, les femmes de David furent souillées en plein jour par quelqu’un de sa propre maison, son fils Absalom (2Sa. 16.22). Les paroles que Nathan a adressées à David montrent clairement que Dieu a permis cela comme conséquence du péché de David et en guise de châtiment. Dieu aurait-il pu, dans sa souveraineté, mettre un terme à toutes les conséquences du péché de David ? Oui. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait, surtout après la repentance de David ? L’Écriture ne répond pas totalement à cette question, mais elle y fait allusion lorsque Dieu dit à David que la discipline s’exerce rait, « parce [qu’il a] fait blasphémer les ennemis de l’Éternel, en commettant cette action » (2 Sa. 12.14). Si Dieu avait permis que David ne subisse aucune conséquence pour son action, les ennemis de Dieu auraient eu l’occasion de le déshonorer.

 

            De plus le châtiment faisait partie de l’alliance de Dieu avec David et attestait l’amour que Dieu avait pour lui. Dieu a promis : « Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils. S’il le fait le mal, je le châtierai avec la verge des hommes et avec les coups des enfants des hommes » (2 Sa. 7.14).

 

            Dieu avait conclu une alliance avec David et sa maison. Et au cœur de cette alliance, il y avait une immense promesse de miséricorde divine à l’intention de David. Mais, avec la miséricorde, il y avait aussi le châtiment divin lorsque David péchait. Le même principe s’applique à tous les élus : « Car le Seigneur châtie celui qu’il aime, et il frappe de la verge tous ceux qu’il reconnaît pour ses fils » (Héb. 12.6 ; voir aussi Pr. 3.12).

 

            Sa discipline d’amour, loin d’être la preuve que Dieu n’a pas vraiment pardonné nos péchés, est la preuve qu’il ne nous a pas rejetés, « car, quel est le fils qu’un père ne châtie pas ? Mais si vous êtes exempts du châtiment auquel tous ont part, vous êtes donc des enfants illégitimes, et non des fils » (Héb. 12.7, 8).

                       

 

QU’ENTEND-ON PAR CONFESSER NOS PÉCHÉS ?

 

 

            Le but d’une véritable confession n’est pas d’éviter les conséquences terrestres de notre péché. Lisez la prière de repentance de David dans le psaume 51 et remarquez ce qui suit : la confession de David porte entièrement sur la culpabilité liée au péché, non sur ses conséquences. Quand il a fait la prière qui est rapportée dans ce psaume, David savait déjà qu’il subirait de terribles conséquences pour son péché. Ses propres enfants le déshonoraient. Ses épouses lui seraient enlevées et amenées à commettre l’adultère en plein jouir. L’enfant qu’il avait conçu dans l’adultère avec Bath-Schéba mourrait, lui causant un chagrin presque insupportable. Dieu lui avait déjà dit par la bouche de Nathan que toutes ces choses se produiraient à coup sûr. David savait qu’elles arriveraient au moment où il a écrit le psaume 51.

 

Pourtant, cette grande prière de repentance ne comporte aucune mention des conséquences du péché. David ne se plaint pas de la sévérité de la discipline de Dieu. Dans ce psaume, son sentiment d’intense indignation ne se rapporte qu’à son péché. C’est parce que c’est le péché et non le châtiment qui troublait le plus David. Il a écrit :

           

            « Car je reconnais mes transgressions, Et mon péché est constamment devant moi. J’ai péché contre toi seul, Et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux, En sorte que tu seras juste dans ta sentence, Sans reproche dans ton jugement. » (Psaumes 51:3-4 LSG).

 

            David disait à Dieu qu’il considérait sa discipline totalement juste. Que nul ne mette en doute la justice de Dieu pour la façon dont il a traité David. David lui-même a admis tout simplement qu’il était coupable et qu’il méritait toute conséquence que le Seigneur jugerait bon de lui infliger.

            Voilà exactement ce que veut dire confesser nos péchés. Dans 1 Jean 1.9, le mot traduit « confesser » vient du verbe grec homologeo, qui signifie littéralement « dire la même chose ». Confesser nos péchés, c’est en dire la même chose que Dieu. Confesser nos péchés veut donc dire reconnaître que la perspective de Dieu concernant nos transgressions est exacte.

 

            Une fois, j’ai entendu un enseignant de la Bible prétendre que tout ce que Dieu exige pour le pardon, c’est que nous nommions simplement nos péchés – que nous les citons – et il pardonne. Un autre prédicateur prétendait que tout ce qui est nécessaire, c’est d’être conscient de nos péchés. Ce n’est pas ce que ce verset enseigne. La confession, ce n’est pas non plus simplement admettre nos péchés. Car nous pouvons admettre nos péchés sans être véritablement en accord avec la perspective de Dieu. Reconnaître la culpabilité n’est pas le sens réel véhiculé par le homologeo. Confesser notre péché signifie plutôt, dans son sens le plus exact, le mépriser, en être peiné et le juger. Voilà ce que signifie dire la même chose que Dieu concernant notre péché.

           

À QUI DEVONS-NOUS NOUS CONFESSER ?

 

            La confession dont il est question dans 1 Jean 1.9 n’est pas une confession à un prêtre terrestre. Le catholicisme romain est bien connu pour prendre ce verset, le joindre à Jacques 5.16 (« Confessez donc vos péchés les uns aux autres ») et utiliser ces versets comme justification du confessionnal sacerdotal.

 

            Tout cela est contraire à l’Écriture et certainement à 1 Jean 1.9. Ce passage n’a rien à voir avec le confessionnal et les grains de chapelet.

 

            Là encore, le temps du verbe est important. Rappelez-vous que l’expression « Si nous confessons nos péchés » désigne une attitude permanente, pas une routine sacramentelle. C’est en essence la description que donne l’apôtre Jean de tout véritable chrétien, celui qui dit continuellement la même chose que Dieu quant à son péché. Jean décrit une caractéristique du vrai croyant ; il n’est pas en train de créer un sacrement de pénitence.

            En réalité, il n’y a rien du tout dans ce contexte concernant la confession à quelqu’un d’autre. La confession que l’apôtre a à l’esprit est totalement dirigé vers Dieu.

 

            Y a-t-il des occasions où les chrétiens devraient confesser leurs péchés à d’autres chrétiens ? Nous savons que la confession à Dieu est toujours appropriée. La confession à un autre chrétien est-elle jamais nécessaire ? Oui. Il y a au moins deux situations qui justifient ce genre de confession.

            L’une est quand nous recherchons l’aide de chrétiens plus forts et plus mûrs qui peuvent nous aider à porter un fardeau, nous aider à vaincre de mauvaises habitudes et les circonstances difficiles du péché (Gal. 6.2). Voilà le genre de confession que Jacques présente : « Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. La prière agissante du juste a une grande efficacité » (Jac. 5.16).

 

            L’autre situation, où la confession à quelqu’un d’autres est appropriée, c’est quand nous confessons une offense à la personne contre qui nous avons péché, afin de rechercher son pardon. Cela fait partie du processus de réconciliation nécessaire quand nous avons offensé directement quelqu’un (Mt. 5.24). Cela ne veut pas dire que nous soyons obligés de nous confesser à quelqu’un chaque fois que nous avons une mauvaise pensée à son sujet. Mais quand nos péchés ont causé une blessure réelle à quelqu’un d’autre, la confession à la partie offensée est un aspect approprié, de même que nécessaire, de la réconciliation.

 

            Cependant, ce dont il est question dans 1 Jean 1.9, c’est de la confession à Dieu, qui devrait caractériser tout chrétien.

 

 

NOS PÉCHÉS RESTENT-ILS IMPARDONNÉS SI NOUS NE LES CONFESSONS PAS ?

 

             Un auteur, dont j’ai lu les travaux il y a plusieurs années, préconisait la « liste de contrôle ». Il croyait que les chrétiens  devaient inventorier leurs péchés et les confesser un à un. Selon lui, Dieu ne pardonne que les péchés que nous confessons nommément. Tous les péchés commis par ignorance, et les péchés oubliés ou encore non confessés demeurent non pardonnés jusqu’au jugement de Christ. Il disait aussi que Christ s’occupera de ces péchés non confessés et nous punira en conséquence (même s’il croyait que l’œuvre de Christ à la croix nous garantissait que notre punition, pour ces péchés non confessés, n’inclurait pas l’enfer.

 

            Cet homme était protestant, mais son point de vue est très semblable à la notion catholique du purgatoire. C’est pour le moins une erreur aussi sérieuse que l’enseignement de ceux qui disent que les chrétiens ne devraient jamais confesser leurs péchés, parce que si l’expiation de Christ ne procure pas le pardon judiciaire pour tous nos péchés, alors les chrétiens devront expier (du moins partiellement) quelques-uns de leurs péchés. Pareille doctrine est un refus implicite d’admettre la suffisance de l’expiation de Christ.

 

            Je le répète, les croyants possèdent déjà le pardon judiciaire le plus complet. L’apôtre Jean a écrit plus loin dans la même épître : « Je vous écris, petits enfants, parce que vos péchés vous sont pardonnés à cause de son nom » (1 Jean 2.12). Il a utilisé le temps passé pour mettre en évidence le fait que la question de notre pardon éternel est définitivement réglée. La menace de condamnation pour nos péchés n’est plus (Rom. 8.1).

 

            Encore une fois, 1 Jean 1.9 parle tout simplement d’une attitude qui caractérise tout chrétien véritable : c’est celui qui a l’habitude de dire la même chose que Dieu au sujet de ses péchés. Quand il cache ses péchés comme l’a fait David, il ne prospère pas. Il perd sa joie, récolte le mécontentement de Dieu et subit le châtiment divin.

 

            Mais quand il confesse ses péchés et s’en détourne, il a l’assurance de la compassion divine (Pr. 28.13). Dieu, qui discipline les saints qui pèchent à cause de son amour pour eux, prend plaisir à répandre sur les cœurs brisés et repentants sa miséricorde et sa compassion.

 

 

 

 

QUATRE

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Mets-le sur Mon compte

 

Reçois-le comme moi-même. Et s’il t’a fait quelque tort, ou s’il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte – Philémon 17, 18

 

 

            Partout l’Écriture enseigne que ceux à qui on a beaucoup pardonné doivent aussi pardonner (Mt. 18.23-35 ; Éph. 4.32 ; Col. 3.13). Ainsi, les chrétiens doivent manifester un esprit de pardon.

            On qualifie parfois le pardon de Dieu pour les pécheurs de pardon vertical et celui des pécheurs envers les autres de pardon horizontal. Dans les chapitres qui suivent, nous examinerons plusieurs passages de l’Écriture qui traitent du pardon horizontal, et nous chercherons à découvrir comment nous devons nous pardonner les uns les autres.

 

            Nous commencerons par jeter un coup d’œil à l’un des livres les plus courts du Nouveau Testament. L’épître à Philémon est aussi la plus concise et la plus personnelle de toutes les lettres inspirées que Paul ait écrites. Même si le mot pardon n’apparaît pas dans le livre, il en constitue tout le sujet. C’est une superbe étude de cas sur la manière dont le pardon devrait se pratiquer dans la vie de chaque croyant. Elle illustre également de manière très réaliste la façon dont la grâce restaure une amitié brisée et rétablit l’offenseur.

 

LA DISTRIBUTION DES ROLES

 

            L’histoire à l’origine de cette petite épître est touchante : une remarquable providence a réuni trois hommes : un esclave en fuite, le propriétaire de l’esclave, qui a été offensé, et un apôtre consacré. Ces hommes étaient très différents les uns des autres à l’exception d’une chose : ils croyaient tous en Jésus-Christ et faisaient donc partie du même corps (1 Cor.12. 12-14).

 

            Mais avant de devenir chrétien, Onésime (l’esclave) s’était sauvé de chez son maître et avait fui à Rome. Rome était un refuge pour les esclaves qui pouvaient facilement se mêler à la population nombreuse et ainsi éviter d’être découverts.

 

            À Rome, on ignore comment, Onésime a rencontré l’apôtre Paul qui était en résidence surveillée en attendant d’être jugé sur de fausses accusations de sédition. L’Écriture ne mentionne pas les détails de leur rencontre, mais il est évident qu’Onésime est devenu chrétien grâce au ministère de Paul (Phm. 10).

 

            Philémon était propriétaire d’Onésime, l’esclave qui lui avait fait du tort. Lui aussi était venu à la foi en Christ par le ministère de Paul, probablement quelques années auparavant, pendant le séjour de Paul à Éphèse (Ac. 18-20); voir aussi 19.26). Philémon était propriétaire de la maison où se réunissait l’Église de Colosses (Phm. 2 ; voir aussi Col. 4.17). Il semble avoir été un homme influent et prospère, à l’opposé d’Onésime. Néanmoins, c’était un chrétien  consacré, que l’apôtre Paul appelait « bien-aimé » et « compagnon  d’oeuvre» (Phm. 1).

 

            Onésime aussi était devenu un ami précieux et un compagnon d’œuvre de l’apôtre Paul, et avait lui-même pris soin de Paul durant son emprisonnement à Rome, alors que plusieurs autres chrétiens craignaient de s’associer à Paul en raison de l’opprobre et du danger de persécution (voir 2 Ti. 1.8 ; 4.10-16).

 

L’INTRIGUE

 

            Paul et Onésime étaient probablement tous deux peu enthousiastes à l’idée du retour de ce dernier auprès de son maître. Paul a même écrit qu’envoyer Onésime était comme envoyer « une partie de lui-même » (Phm. 12). Mais Onésime devait rechercher le pardon de son maître pour le mal qu’il lui avait fait.

 

            Selon la loi romaine, Onésime était coupable de crimes graves. En s’enfuyant, il avait escroqué son maître, un crime équivalent à un vol. Il se peut bien qu’il ait également volé de l’argent, car Paul offrait de rembourser Philémon de tout ce que l’esclave lui devait (v.18). Être un esclave en fuite constituait un délit à Rome. Si Onésime avait été pris par les chasseurs d’esclaves, il aurait pu être emprisonné, vendu contre rançon ou même tué.

 

            C’est peut-être pour cette même raison que Paul a attendu pour renvoyer Onésime à Philémon jusqu’à ce que quelqu’un puisse l’escorter. Et, cette occasion s’est présentée quand ce fut le temps d’envoyer Tychique à Éphèse et à Colosses avec les épîtres de Paul avait écrites  pour les Églises de ces villes. L’épître de Paul aux Colossiens présente Onésime à cette Église, qui serait désormais son Église locale. Paul appelle Onésime « le frère fidèle et bien-aimé » (Col.4.9).

 

            La présence de Tychique assurait une certaine mesure de sécurité à Onésime durant le voyage de retour à Colosses ; mais d’une perspective humaine, le retour à la maison de Philémon comportait un grand risque pour Onésime. Selon la loi romaine, Philémon avait tout pouvoir pour punir un esclave en fuite comme  bon lui semblait. De nombreux esclaves romains étaient torturés et mis à mort pour des offenses beaucoup moins graves. Cependant, Onésime est retourné de son plein gré et apparemment sans hésitation sans hésitation chez son maître. Cela montre l’authenticité de sa foi.

 

L’ARRIÈRE-PLAN

 

            L’esclavage était une pratique universelle à l’apogée de l’Empire romain, et les problèmes qui y étaient reliés sont intimement liés au contenu de cette épître. Alors il est peut-être opportun de présenter le point de vue biblique sur l’esclavage.

            En premier lieu, l’esclavage admis dans l’Écriture est un esclavage contractuel, ce qui veut dire que l’esclave entrait dans cet état par contrat avec un propriétaire, généralement pour une période de temps déterminée (voir Ex. 21.2-6). À la base, il n’y avait rien d’injuste ni d’oppressif dans une telle relation. En fait, la relation maître à esclave devait plutôt fonctionner comme les relations actuelles d’employeur à employés, dans lesquelles on passe des contrats. Quand l’Écriture enseigne aux esclaves d’obéir à leurs maîtres, c’est comme dire aux employés de se soumettre à leurs patrons.

 

            Certains aspects de l’esclavage romain pouvaient en fait être bénéfiques pour l’esclave. Plusieurs esclaves étaient mieux vêtus, mangeaient mieux et vivaient mieux que les hommes libres mais pauvres. Les esclaves pouvaient être médecins, enseignants, artisans, musiciens ou comptables. Plusieurs esclaves, qui avaient appris de tels métiers, pouvaient finalement acheter leur liberté. Certains possédaient même une propriété. Les propriétaires qui étaient sages se servaient de ces bonnes raisons pour motiver leurs serviteurs. Certains esclaves avaient avec leurs propriétaires des liens presque aussi étroits que ceux qu’on retrouve au sein d’une famille. Souvent les propriétaires accordaient, par testament, la liberté à leurs esclaves bien-aimés.

 

            Mais la plupart du temps, l’esclavage romain n’était pas si bien veillant. L’esclavage, dans tout l’empire, était constamment entouré d’abus et de pratiques violentes qui étaient fondamentalement immorales. Plusieurs esclaves romains étaient acquis et retenus par la force, plutôt que par contrat légal. L’esclavage à Rome a dégénéré au point qu’on considérait les esclaves comme une simple propriété. Dans les pires situations, on privait les esclaves romains du droit de se marier et on les élevait comme des animaux. Il n’était pas rare d’entendre que des esclaves avaient été tués sur un simple caprice de leur maître. Il n’y a point de justification morale pour quiconque exerce un tel droit absolu de vie et de mort sur un de ces semblables.

 

            Pourquoi la Bible ne déclare-t-elle pas expressément que l’esclavage est immoral? Parce qu’en premier lieu, c’est l’abus de l’esclavage, et non la servitude en soi, qui était mauvais. Il n’y a rien de fondamentalement immoral ou d’injuste dans le fait qu’un homme en serve un autre. L’esclavage à contrat, exercé sans les abus qui caractérisaient souvent l’esclavage romain, n’était pas plus immoral que la relation moderne entre un propriétaire d’entreprise et un employé sous contrat.

 

            De plus, tous les abus de l’esclavage sont condamnés dans la Bible, soit directement ou selon des principes clairs. Par exemple, le rapt sur lequel reposait le commerce d’esclaves de l’Amérique des siècles passés (et la majeure partie de celui de Rome) est formellement condamné dans la Bible (Ex.21.16). L’inhumanité et l’injustice souvent perpétrées par un mauvais maître sont également dénoncées tout au long de la Bible (voir Lév. 19.15 ; És. 10.1, 2 ; Amos 5.11-14).

 

            L’Église primitive a ébranlé le système abusif de l’esclavage romain en atteignant à la fois les esclaves et leurs propriétaires avec l’évangile. Ce qui est arrivé entre Onésime et Philémon est simplement un exemple de la manière dont la relation maître-esclave a été transformée à travers l’Empire à mesure qu’on répandait l’Évangile. En exhortant Philémon à recevoir Onésime comme un « frère » (Phm.16), Paul définissait le genre de relation qui devait exister entre un maître et un esclave chrétiens, de manière à ce qu’il n’y ait plus d’abus.

           

LA LETTRE

 

            L’épître de Paul à Philémon fut sans doute scellée et donnée à Tychique pour qu’il l’emporte dans son voyage, avec les épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens. La lettre est une douce invitation pour rappeler à Philémon son devoir d pardonner, et un appel à faire preuve d’une extrême miséricorde envers Onésime. Elle atteste, plus clairement que toute autre chose dans le Nouveau Testament, la magnanimité de cœur de Paul ainsi que son amour de la miséricorde.

 

Il est évident que Paul pensait au pardon quand il a écrit ces trois lettres remises à Tychique. L’épître aux Éphésiens inclut ceci : « Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ » (Éph. 4.32). Et l’épître aux Colossiens développe la même idée : « Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous de sentiments de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi » (Col. 3.12, 13).

 

            Ces versets résument exactement le message que Paul voulait donner à Philémon en particulier. Ayant développé une vive affection pour Onésime, il lui tardait de le voir se réconcilier avec Philémon, dont il chérissait également l’amitié et le soutien.

 

            La lettre était délibérément un appel plutôt qu’un ordre, comme Paul le dit à son ami : « C’est pourquoi, bien que j’aie en Christ  toute liberté de te prescrire ce qui est convenable, c’est de préférence au nom de l’amour que je t’adresse une prière » (v.8, 9). Refusant consciemment d’affirmer son autorité sur Philémon, Paul fait plutôt appel à leur amour mutuel (v.9), au partenariat spirituel de Philémon avec lui (v.17) et à la grande dette personnelle de Philémon envers lui, qui l’a amené à Christ (v.19).

 

            La lettre n’est pas seulement adressée à Philémon, mais aussi à Apphia (qui devait être son épouse) et à Archippe (sans doute leur fils ; voir Col.4.17). Paul appelait donc toute la famille à montrer l’exemple du pardon à l’Église qui se réunissait dans leur maison (v.2).

 

 

L’APPEL

 

            L’appel que Paul adresse à Philémon contraste radicalement avec l’approche qu’il utilise dans ses autres épîtres. Il ne fait pas appel ici à des principes doctrinaux ou à la loi divine, mais à l’amour personnel de Philémon envers les frères (v.9). Puisque Onésime était devenu un frère en Christ, Paul savait que Philémon serait naturellement enclin à lui manifester de l’amour.

 

            Paul a utilisé une approche semblable avec les Corinthiens quand il a cherché à encourager leur libéralité. Il a demandé à chacun de donner avec un cœur résolu : « Que chacun donne comme il l’a résolu en son cœur, sans tristesse ni contrainte ; car Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Cor. 9.7). Un appel oppressif au devoir aurait sans doute été efficace, mais la récompense pour avoir de bon cœur choisi d’obéir est tellement plus riche que Paul ne voulait pas les priver de cette récompense. De même, avec Philémon, Paul était si convaincu du désir de bien faire de son ami, qu’il n’a pas cru d’utiliser la manière forte.

 

            Philémon avait-il l’obligation de pardonner ? Oui. Refuser le pardon à Onésime aurait été une désobéissance à l’enseignement clair de Christ (voir Luc 17.4 ; Mt. 6.15).

            Refuser le pardon est aussi une violation de la loi morale éternelle de Dieu. Jésus, expliquant le 6e commandement (« Tu ne tueras point », Ex.20.13), a enseigné que l’interdiction de tuer du Décalogue exclut également la colère et la vengeance :

           

            Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère est passible de jugement; que celui qui dira à son frère: Raca! Mérite d’être puni par le sanhédrin; et que celui qui lui dira: Insensé! Mérite d’être puni par le feu de la géhenne.  Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi,  laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande. (Matthieu 5:22-24 NEG)

 

            Ainsi Christ ne condamne pas seulement la colère et les paroles malveillantes, mais il demande aussi à chaque croyant de rechercher la réconciliation quand il sait qu’un frère est brouillé avec lui parce qu’il l’a offensé. Cela exige un empressement à confesser notre culpabilité quand nous avons eu tort ainsi qu’un empressement à pardonner quand on nous a fait du tort. Peu importe que nous soyons l’offenseur ou l’offensé, nous devrions rechercher activement la réconciliation, et cela suppose toujours un empressement à pardonner.

            De peur que quelqu’un pense que ce devoir ne s’applique qu’aux croyants, souvenez-vous du 2e grand commandement : « Tu aimeras […] ton prochain comme toi-même » (Luc 10.27). En réponse à al question « Et qui est ton prochain ? » Jésus a donné la parabole du bon Samaritain, plaçant ainsi dans le cercle de ceux que nous devons aimer comme nous-mêmes ceux qui sont les plus  rejetés  et méprisés de tous.

 

            Aimer les autres comme soi-même inclut évidemment l’obligation de pardonner. Cela inclut le refus de garder rancune, le refus de se venger et un empressement à accorder le pardon plein et complet  à tous ceux qui le demandent. Cela ne veut pas dire que nous devrions regarder dans l’autre direction quand nous voyons  quelqu’un pécher. Mais dans le cas d’un frère repentant, comme l’était Onésime, il n’y aucune raison de lui refuser le pardon. Philémon aurait péché s’il avait agi ainsi.

 

            Considérez ceci : un péché contre nous implique toujours un plus grand péché contre Dieu. L’adultère de David avec Bath-Schéba, par exemple, était un péché contre elle. C’était un péché contre son mari, Urie, (dont David avait organisé le meurtre). C’était un péché contre la famille d’Urie, maintenant privée d’un parent bien-aimé. C’était un contre la famille de David, qui a porté les conséquences de ses actes pendant des générations. Et c’était un péché contre toute la nation d’Israël, car David était son roi, celui en qui elle avait confiance, son exemple et son conducteur spirituel.

 

            Cependant, dans le psaume 51, David, dans sa grande prière de repentance, dit : « J’ai péché contre toi seul, et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux » (v.6), comme si les péchés contre les autres personnes ne valaient même pas la peine d’être mentionnés. Ils paraissaient dérisoires en comparaison du péché de David contre Dieu, et il voulait s’assurer que Dieu savait qu’il avait compris. Ce n’était pas que David avait un cœur dur ou insensible à ses péchés contre les autres. Ces péchés là étaient énormes, et comprenaient le meurtre d’Urie, le vol de son épouse, la pureté nationale d’Israël souillée, les mensonges proférés à presque tout le monde et une foule d’autres mauvaises actions. Mais si grands qu’aient été ses péchés contre les autres personnes, le péché contre Dieu l’était infiniment plus. Et Dieu est donc le premier à qui David a demandé pardon. Dieu était le seul concerné, éternellement. Si Dieu pardonnait à David, alors David pourrait rechercher le pardon des autres et chercher à réparer ses torts là où c’était possible. Mais, étant donné que l’offense contre Dieu était la plus grande, c’était la première chose qui devait être réglée.

 

            Si chaque offense contre nous en implique une plus grande contre Dieu, et si Dieu pardonne à l’offenseur, qui sommes-nous pour refuser de pardonner ? Quelle qu’ait été l’offense d’Onésime contre Philémon, il avait péché encore plus gravement contre Dieu. Si Dieu lui avait déjà pardonné, Philémon n’était pas en position de refuser son pardon. Si Dieu pardonne la plus grande offense, c’est un péché que de refuser de pardonner la moindre. Sommes-nous plus justes, plus saints ou plus méritants que Dieu ? N’ayons pas l’audace de condamner celui à qui Dieu a pardonné. Ceux qui refusent de pardonner ou qui cherchent à se venger usurpent, en fait, l’autorité de Dieu.

           

L’ACTE DE PARDON

 

            Paul présente le cas d’Onésime de manière à ce que le cœur de Philémon soit touché :

 

            Je te prie pour mon enfant, que j’ai engendré étant dans les chaînes, Onésime,  qui autrefois t’a été inutile, mais qui maintenant est utile, et à toi et à moi.  Je te le renvoie, lui, une partie de moi-même.  J’aurais désiré le retenir auprès de moi, pour qu’il me serve à ta place, pendant que je suis dans les chaînes pour l’Evangile.  Toutefois, je n’ai rien voulu faire sans ton avis, afin que ton bienfait ne soit pas comme forcé, mais qu’il soit volontaire.  Peut-être a-t-il été séparé de toi pour un temps, afin que tu le retrouves pour l’éternité.  Non plus comme un esclave, mais comme supérieur à un esclave, comme un frère bien-aimé, de moi particulièrement, et de toi à plus forte raison, soit dans la chair, soit dans le Seigneur.  Si donc tu me tiens pour ton ami, reçois-le comme moi-même.  Et s’il t’a fait quelque tort, ou s’il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte. (Philémon 1:10-18 NEG).

Cette requête à Philémon souligne trois aspects cruciaux du pardon.

 

 

La réception

 

            « Reçois-le » (v.17). Paul implore Philémon d’ouvrir son cœur et sa maison à Onésime, et de le reprendre. Il se pourrait bien que Philémon ait eu quelque réticence naturelle à faire cela, car, après tout, Onésime lui avait fait du tort une première fois. Pourquoi devrait-il donner une autre chance à l’esclave désobéissant ? La plupart des maîtres d’esclaves auraient simplement marqué le front de l’esclave fugitif, et l’auraient ensuite vendu ou rétrogradé au plus bas niveau de responsabilité.

 

            C’est pour cela que Paul donne à Philémon plusieurs motifs de voir Onésime sous un jour nouveau.

 

            Premièrement, il était repentant. Quand Paul a écrit : « mon enfant, que j’ai engendré dans les chaînes » (v.10), il parlait de la nouvelle naissance spirituelle d’Onésime. Paul disait qu’il avait personnellement amené Onésime à Christ. Onésime était l’enfant légitime de Paul dans la foi comme l’était Philémon lui-même (v.19). Paul voulait que Philémon sache qu’il était certain que l’esclave était bien converti.

 

            Le fait même qu’Onésime soit retourné vers Philémon avec la lettre  de Paul attestait la réalité de sa repentance. Sa présence devant Philémon équivalait à dire qu’il était prêt à accepter la punition que Philémon estimerait appropriée. Il est significatif  qu’Onésime  ne soit pas resté à Rome pour se cacher derrière l’autorité apostolique de Paul, tandis que Tychique emportait la lettre à Colosses en son nom. Au lieu de cela, Onésime, sans doute avec l’encouragement de Paul, est retourné se présenter devant l’homme à qui il avait  causé du tort pour rechercher en personne son pardon. Il était prêt à accepter les conséquences de ses mauvaises actions, et cela voulait dire  qu’il supporterait la punition que Philémon jugerait équitable. Tout cela était certainement « du fruit digne de la repentance » (voir Matt. 3.8).

 

            Deuxièmement, Onésime était transformé. « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles » (2 Cor. 5.17). Onésime, autrefois rebelle et inutile, était maintenant « utile » (v.11). C’est là une allusion au nom de l’esclave (un nom commun donné aux esclaves), qui signifie « utile ». Paul assurait à Philémon que la transformation d’Onésime était authentique. Toute sa vie avait été changée par Christ. L’inutile était maintenant un frère précieux, certainement utile à Paul, et potentiellement utile à Philémon.

 

            Troisièmement, Onésime avait prouvé sa fidélité. Il avait passé assez de temps avec Paul à Rome pour démontrer sa fidélité à Christ. La confiance de Paul envers Onésime et son amour pour l’esclave s’était ainsi montrée disposée à partager le mépris de Christ. D’autres associés de Paul, plus expérimentés, s’étaient détournés de lui lorsqu’ils n’avaient pu supporter les rigueurs de la persécution (2 Ti. 4.10). Mais Onésime, même en tant que nouveau chrétien, s’était mis au service de Paul.

 

            Il y a de l’ironie dans tout cela. Ayant fui comme un coupable son service auprès de Philémon, Onésime, par grâce divine, est devenu serviteur de Jésus-Christ. Le service même qu’il avait refusé à Philémon, il le consacrait maintenant de son plein gré à l’apôtre Paul. Et cela est survenu à un moment critique : quand l’apôtre était dans un état d’extrême besoin. En fait, Onésime était devenu si utile à l’apôtre emprisonné, que Paul a dit que de le retourner à Philémon équivalait à envoyer une partie de lui-même (v.12). S’il en avait été capable, Paul aurait gardé Onésime à Rome, à ses côtés. Mais il savait qu’Onésime devait s’en retourner et rétablir avec son maître la relation brisée.

           

 

Le rétablissement

 

            Paul suggère que tous ces événements étaient orchestrés, pour une bonne raison, par la divine providence : « Peut-être a-t-il été séparé de toi pour un temps, afin que tu le retrouves pour l’éternité.  Non plus comme un esclave, mais comme supérieur à un esclave, comme un frère bien-aimé, de moi particulièrement, et de toi à plus forte raison, soit dans la chair, soit dans le Seigneur ». (v.15-16).

 

            En effet, il est difficile de ne pas voir la main de Dieu dans l’histoire d’Onésime. La Providence a orchestré sa rencontre avec Paul en un lieu tellement éloigné de Colosses. La grâce divine l’a amené à Christ et a transformé son attitude et sa vie entière. Et maintenant, sous la direction du Saint-Esprit, Onésime s’en retournait pour rechercher la réconciliation avec le maître qu’il avait escroqué. Et dans tout cela, l’apôtre Paul avait gagné un ami et un fidèle serviteur, sans oublier l’aide et l’encouragement qu’il avait obtenus d’Onésime. Et maintenant, Philémon retrouvait son serviteur, qu’il avait prêté, sans le savoir, au cher ami qu’il avait bien envie d’aider, sans pouvoir jamais le faire. Seul Dieu pouvait tirer de bien d’un péché (voir Gen. 50.20 ; Rom. 8.28).

 

            Paul ne demandait pas seulement à Philémon d’accepter Onésime, mais aussi de le rétablir, pas simplement dans sa position première d’esclave, mais de le recevoir comme quelqu’un qui est « supérieur à un esclave, comme un frère bien-aimé » (v.16). Certains ont mal compris cette expression, en déduisant que Paul demandait l’émancipation (libération) d’Onésime. Mais il n’y a aucune raison de tirer une telle conclusion de la requête de Paul. Comme nous l’avons déjà mentionné, les apôtres ne voyaient pas le Grand mandat de notre Seigneur comme une campagne en faveur de la libération des esclaves. Ailleurs, Paul a écrit :

 

            « Que chacun demeure dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé.  As-tu été appelé étant esclave, ne t’en inquiète pas; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt.  Car l’esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même, l’homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ ». (1 Corinthiens 7:20-22).

 

            Néanmoins, Paul insiste pour que Philémon reçoive Onésime non pas à titre d’esclave seulement, mais aussi comme un frère en Christ. Paul, connaissant bien l’engagement d’Onésime envers Christ, savait que l’esclave serait une grande source de joie, d’encouragement et de communion pour Philémon.

 

 

La restitution

 

            « Paul fait ensuite une proposition étonnante à Philémon : « Si donc tu me tiens pour ton ami, reçois-le comme moi-même.  Et s’il t’a fait quelque tort, ou s’il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte ». (v.17-18). Paul offrait de restituer au nom d’Onésime tout ce que ses mauvaises actions avaient coûté à Philémon.

 

            La restitution est équitable et bonne ; et quand nous recherchons le pardon d’un autre, une offre de restitution est toujours appropriée. Les lois civiles de l’Ancien Testament exigeaient la restitution dans la plupart des cas où un tort pouvait être évalué en terme d’argent ou de propriété. Pour de mauvaises actions intentionnelles, la loi exigeait restitution avec un cinquième d’intérêt (Nomb. 5.6, 7).

 

            La fuite d’Onésime avait sans doute coûté cher à Philémon. Il a certainement eu à payer quelqu’un pour le remplacer. Il est également possible que le péché d’Onésime ait inclus un détournement de fonds ou de biens appartenant à Philémon. L’esclave n’était pas en position d’exiger que Philémon renonce à la restitution. Il n’était pas davantage en position de rembourser ce qu’il devait. Paul a donc gracieusement offert de payer à sa place.

 

            Bien que la restitution soit toujours quelque chose de juste et de bon, la sorte de grâce dont Paul fait preuve est bien meilleure. Et la chose la plus charitable et la plus magnanime que Philémon puisse faire était d’oublier complètement la dette de l’esclave. Mais Paul ne voulait pas obliger Philémon à oublier l’offense. Il a donc offert de rembourser personnellement la dette d’Onésime.

            Paul demande à Philémon d’accorder à Onésime son mérite d’apôtre : « Reçois-le comme moi-même » (v.17). Et il veut que la dette d’Onésime soit placée sur son compte (v.18). Or, c’est exactement comme cela que Christ justifie le croyant. Ayant payé la dette de notre péché, il nous impute sa propre justice, et Dieu nous reçoit sur cette base (Rom. 4.5).

 

            Paul donnait à Philémon l’exemple de la sorte d’attitude – semblable à Christ – qu’il espérait voir son ami manifester envers  l’esclave repentant. Rien ne ressemble plus à Christ que d’assumer la dette d’un autre, afin de favoriser la réconciliation. Paul était disposé à subir les conséquences temporelles du péché d’Onésime, de la même manière que Christ a subi de plein gré les conséquences éternelles de tous les péchés de tous les rachetés de tous les temps. Voilà pourquoi l’acte du pardon est l’expression par excellence de la ressemblance à Christ.

LE COÛT

 

            Que Philémon ait oublié ou non la dette, Paul désirait tellement  voir la réconciliation se réaliser qu’il a réitéré sa promesse de rembourser la dette. Et pour la rendre officielle, comme un contrat, il a signé l’engagement de sa propre main : « Moi Paul, je l’écris de ma propre main, je paierai » (v.19). Habituellement, Paul dictait ses lettres et pour en assurer l’authenticité il terminait fréquemment par une brève salutation écrite de sa propre main (voir Col. 4.18 ; 2 Th. 3.17).

 

            Dans le cas présent, la tradition de l’Église primitive rapporte qu’Onésime était celui qui agissait comme secrétaire de Paul. Puis Paul a terminé sa lettre de façon spectaculaire : en écrivant  une reconnaissance de dette. Il a ainsi souligné son grand désir de réconciliation entre ces deux frères, et a officiellement scellé la promesse qu’il faisait à Philémon par une garantie écrite.

 

            Onésime n’avait pas les moyens de rembourser lui-même sa dette. D’abord, il n’était qu’un esclave. De plus, depuis sa conversion à Rome, il semblait s’être consacré au service de l’apôtre Paul (voir v.11-13; Col. 4.9), ce qui veut probablement dire qu’il n’avait  eu aucun emploi rémunérateur. Paul. D’un autre côté, avait peut-être suffisamment de ressources financières pour payer la dette, car l’Église de Philippes avait été très généreuse envers lui lorsqu’il était dans le besoin (voir Ph. 4.14-18).

 

            Toutefois, comme en aparté, Paul rappelle à Philémon qu’il a une dette envers lui qu’il ne peut rembourser : « Pour ne pas te dire que tu te dois toi-même à moi » (v.19). En toute justice, si Philémon met la dette d’Onésime sur le compte de Paul, elle devrait être automatiquement annulée, parce que Philémon devait à Paul une dette de loin plus grande. La dette d’Onésime envers Philémon  était mesurable en chiffres ; celle de Philémon envers Paul était éternelle et spirituelle. Après tout, c’est Paul qui avait amené Philémon à Christ. C’était une dette d’une valeur incalculable, que jamais Philémon ne pourrait rembourser.

 

            Voilà la perspective que devrait avoir chaque chrétien. Nous devons tous notre propre existence à la grâce incommensurable de Dieu. C’est une dette que nous ne pourrons jamais rembourser. Nous ne sommes donc, en aucun cas, justifiés de refuser la grâce aux autres. Si Christ a payé pour nos offenses éternelles, ne pouvons-nous pas porter le poids d’une offense temporelle que quelqu’un d’autre a commise contre nous ? Ce principe est le message  même de la parabole de Jésus sur le serviteur impitoyable.

 

            Il n’y a aucun doute que le pardon est coûteux, et cet épisode illustre bien ce fait. Mais le pardon le plus coûteux de tous fut acquis par le sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, et ceux qui bénéficient de ce grand don ont toutes les raisons de pardonner aux autres, en dépit de ce qu’il en coûte. Quelle que soit l’offense que nous subissons de la part de ceux qui nous ont fait du tort, elle est dérisoire en comparaison, aussi grande qu’elle puisse paraître à nos yeux.

 

 

LES MOTIVATIONS

 

 

            Il semble que Paul ait eu confiance en la bonne volonté de Philémon d’oublier totalement la dette d’Onésime. C’est peut-être à cela qu’il fait référence dans le verset 21 quand il écrit : « sachant que tu feras même au-delà de ce que je dis ». Néanmoins, Paul propose subtilement à Philémon quelques raisons supplémentaires pour qu’il pardonne à l’esclave prodigue.

 

            Paul lui-même espérait voir le fruit du pardon de Philémon, et, comme motif supplémentaire pour susciter la magnanimité de Philémon, Paul lui annonce qu’il est possible qu’il lui rendre visite sous peu : « En même temps, prépare-moi un logement, car j’espère vous être rendu, grâce à vos prières » (v.22). Il est possible, même probable, qu’au moment où Paul a écrit cette épître, la date de son procès avait été fixée pour sa comparution devant la cour impériale, et il semble que Paul s’attendait à être libéré. De Rome, il espérait retourner vers les Églises qu’il avait implantées en Asie Mineure. Cela aussi aurait un effet sur la conscience de Philémon. Il lui serait difficile de prier pour le retour de Paul à Colosses, sans pardonner à Onésime. Il ne voudrait pas que son cher ami arrive et ne soit déçu par lui. Le fait de devoir rendre des comptes à son père spirituel le pousserait à bien traiter Onésime.

 

 

            Dans les derniers versets de l’épître, Paul donne subtilement d’autres raisons pour inciter Philémon à pardonner. Il écrit : « Épaphras, mon compagnon de captivité en Jésus-Christ, te salue, ainsi que Marc, Aristarque, Démas, Luc, mes compagnons d’œuvre. Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit ! » (v.23-25)

 

Deuxièmement, le nom de Marc est discrètement inclus dans cette liste. C’est une référence à  Marc, auteur du troisième Évangile. Marc était un cousin de Barnabas et, jeune homme, il avait accompagné Paul et Barnabas dans leur premier voyage missionnaire. Chemin faisant, il avait quitté le groupe et était retourné à Jérusalem (Ac. 13.13). La défection de Marc avait amené Paul à ne plus avoir confiance en lui. Plus tard, Barnabas avait voulu que Paul prenne Marc pour leur second voyage missionnaire, mais Paul  avait refusé. Paul était si fortement en désaccord sur la question qu’il  s’était séparé de Barnabas (Ac. 15.37-39). L’apôtre Pierre avait de toute  évidence pris Marc sous son aile et contribué à l’amener à maturité (1 Pi.5.13). Avec le temps, Marc a fait ses preuves, même auprès de l’apôtre Paul.

 

            À ce moment-là, Paul avait depuis longtemps pardonné à Marc. Marc avait finalement pris une part tellement importante dans le ministère de Paul que peu de temps avant  que celui-ci ne meure, il a demandé qu’on lui envoie Marc : « prends marc, et amène-le avec toi, car il m’est utile pour le ministère » (2 Ti. 4.11).

 

            Les tensions qui avaient existé autrefois entre Paul et Barnabas étaient bien connues dans l’Église. L’épisode a même été relaté dans le livre des Actes. Luc, qui a écrit ce récit, était aussi connu de Philémon ; il est donc inclus dans la liste de ceux dont les salutations sont transmises par Paul dans cette épître. Ainsi donc, sans même que Paul le mentionne, son propre exemple de pardon envers Marc s’offrait comme un encouragement additionnel à Philémon pour qu’il agisse bien envers Onésime.

 

 

LE RÉSULTAT

 

           

            Philémon a-t-il pardonné Onésime ? Même si l’Écriture ne rapporte pas expressément comment l’histoire s’est terminée, il y a bien des raisons de croire que la réponse de Philémon a été tout ce que Paul espérait. Tout d’abord, on a accepté l’épître de Paul dans le canon du Nouveau testament. Après tout, c’était une lettre personnelle adressée à Philémon, et il est peu probable qu’il en ait approuvé la diffusion dans les Églises s’il avait choisi de rejeter le conseil de Paul.

 

            De plus, si Philémon était l’Homme de caractère que Paul disait qu’il était, il est impensable qu’il ait refusé le conseil de Paul. Si Philémon avait refusé d’accorder le pardon à Onésime, il est extrêmement improbable que l’Église primitive aurait accepté l’épître dans le canon sans que quelqu’un me proteste. La présence même de cette épître dans le canon est une très bonne preuve que Philémon a fait ce que Paul a demandé.

 

            L’histoire rapporte que Paul fut libéré de prison comme il l’espérait (v.22). Nous savons qu’il a beaucoup voyagé dans les dernières années de sa vie et, s’il a réalisé ses plans, il a dû retourner à Colosses pour voir lui-même comment ses deux fils dans la foi s’étaient réconciliés.

 

            Quelques décennies plus tard, peu après la fin du premier siècle, Ignace, un des pères de l’église primitive, a écrit trois épîtres à l’Église d’Éphèse. Les deux premières épîtres désignent le pasteur d’Éphèse comme suit : « Onésime, un homme d’un amour inexprimable ». Il est impossible de dire s’il s’agissait du même Onésime. Si c’était le cas, il aurait été un vieil homme, probablement au moins un septuagénaire à ce moment-là. S’il s’agissait d’un autre Onésime, plus jeune, c’était peut-être quelqu’un qu’on avait nommé ainsi en mémoire du vieil esclave qui s’était rendu utile à l’apôtre Paul.

 

            Seul le ciel révélera toute la vérité sur la fin de l’histoire. Et là, j’en suis certain, nous apprendrons que les fruits d’un seul acte de pardon ont une portée inimaginable. Dans le cas présent, avant même que Philémon ait pardonné, les graines étaient semées pour une riche récolte de fruits spirituels, parce que la brève lettre de Paul à Philémon a été incluse dans le Nouveau Testament, où elle continue de nous lancer à tous le défi de pardonner aux autres comme Christ nous a pardonnés.

 

            Et pour Paul, Philémon et Onésime, le rétablissement de cette relation brisée a dû être un de ces moments sublimes d’où chacun sort triomphant : Paul, parce qu’il a eu la joie de contribuer à la réconciliation de deux chers amis ; Onésime, parce qu’on lui a pardonné une dette qu’il ne pouvait payer ; et Philémon, parce qu’il a reçu les bénédictions éternelles qui sont accordées à celui qui pardonne.

 

 

CINQ

*****

 

LE PARDON RÉCIPROQUE

 

Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous de sentiments de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience.  Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. (Colossiens 3:12-13 NEG)

 

 

            Pour un chrétien, s’entêter à ne pas pardonner est impensable. Nous qui avons été pardonnés par Dieu, nous n’avons pas le droit de refuser le pardon à un autre pécheur. En fait, l’Écriture nous commande clairement de pardonner de la même que nous avons été pardonnés : « Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ » (Éph. 4.32).

 

            Puisque Dieu nous commande de pardonner, refuser de le faire, c’est donc lui désobéir délibérément. En termes clairs : refuser de pardonner est un horrible péché.

 

            Le pardon reflète le caractère de Dieu. Le refus de pardonner est donc un acte impie. Cela veut dire que le refus de pardonner n’est pas moins une offense contre Dieu que la fornication ou l’ivrognerie, même si parfois on le juge plus acceptable. On le pratique certainement plus ouvertement parmi le peuple de Dieu que les péchés qu’on estime haineux habituellement, mais l’Écriture montre clairement que Dieu méprise l’esprit rancunier.

            Comme enfants de Dieu, nous devons refléter son caractère. À la conversion, nous recevons une nouvelle nature créée à la ressemblance spirituelle de Dieu (Éph. 4.24). Le pardon fait donc intégralement partie de la nouvelle nature du chrétien. Un chrétien qui ne pardonne pas, c’est une contradiction dans les termes. Quand quelqu’un qui dit être chrétien refuse obstinément d’abandonner une rancune, il y a de bonnes raisons de douter de l’authenticité de sa foi.

 

            Cependant, si nous voulons être honnêtes, nous devrons admettre que ce n’est pas facile de pardonner, même comme chrétien. Souvent, nous ne pardonnons pas aussi rapidement et avec autant de grâce que nous le devrions. Nous sommes bien trop enclins à garder rancune et à refuser de pardonner.

 

            Comme nous l’avons vu, le pardon est coûteux. Il nous demande de mettre de côté notre égoïsme, d’accepter avec grâce les torts que les autres nous ont fait et de ne pas demander ce que nous estimons être notre dû. Tout cela va à l’encontre de nos penchants naturellement pécheurs. Même comme nouvelles créatures, nous conservons un reste de péché dans notre chair. Les habitudes et les désirs impies continuent de nous harceler. Voilà pourquoi l’Écriture nous commande de nous dépouiller du vieil homme et de revêtir l’homme nouveau (Éph.4.22-24 ; Col. 3.9-10). Et, l’homme nouveau est caractérisé par le pardon. Remarquez que dans les deux cas où l’apôtre Paul utilise ce genre de terminologie, il souligne le fait que le pardon est une partie essentielle du « nouveau moi » (Éph.4.32 ; Col. 3.13).

 

            Le pardon est si important pour la marche chrétienne  qu’il est souvent au centre des enseignements de Jésus. Ses sermons, ses paraboles, ses entretiens privés, et même ses prières étaient tous remplis de leçons sur le pardon. En fait, c’était un sujet tellement  courant dans les sermons et les paroles de Jésus sur terre qu’il aurait fallu être délibérément aveugle pour ne pas le voir.

            Par exemple, comme nous l’avons vu, au cœur de la prière du Seigneur, il y a cette demande : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » (Mt.6.12).

 

            De toutes les phrases de la prière du Seigneur, il est intéressant de voir que c’est celle-là que Christ a estimé utile d’expliquer plus en détails. Aussitôt après l’amen de la prière, il s’est tourné vers les disciples et a dit : » Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses » (v.14, 15).

 

            Ce passage a toujours été difficile pour les interprètes. Au premier coup d’œil, il semble que le pardon de Dieu soit révocable. Certains ont cité ce verset pour affirmer que si nous refusons le pardon à ceux qui nous ont offensés, Dieu nous retirera le sien. Ce qui implique que le chrétien qui ne pardonne pas peut perdre son salut.

 

            Mais comme nous l’avons vu au chapitre 3, le pardon dont il est question ici n’est pas le pardon judiciaire de la justification. C’est le pardon quotidien, parental, que nous devons rechercher quand notre péché a attristé notre Père céleste. Une clé pour l’interprétation se trouve dans la formule d’appel de la prière : « Notre Père ». C’est une prière pour le pardon parental, non judiciaire. Ce que Jésus est en train de dire ici équivaut à : « si vous refusez de pardonner, votre Père céleste vous disciplinera sévèrement pour votre péché de manque de pardon ».

 

            Une parabole bien connue, qui se trouve ailleurs dans l’Évangile selon Matthieu, illustre parfaitement ce point. Habituellement appelée la parabole du serviteur impitoyable, ce passage, souvent mal compris, et son contexte contiennent quelques-unes des vérités les plus riches de l’Écriture au sujet du pardon réciproque.

 

 

 

 

LA QUESTION DE PIERRE

 

 

            La  parabole est la réponse de Jésus à une question que Pierre avait posée. Les disciples avaient tellement entendu Jésus en parler qu’ils ne pouvaient ignorer l’importance qu’il accordait au pardon. Mais ils se posaient sans doute tous des questions sur la portée de ce pardon qu’il attendait d’eux. Et, comme d’habitude, Pierre était le porte-parole de tous.

 

            Apparemment, la plupart des enseignants religieux influents du temps de Jésus ne considéraient pas nécessairement le pardon comme une noble vertu. En fait, les rabbins présentaient généralement  le pardon comme quelque chose d’optionnel. Les rabbins reconnaissaient bien que l’Ancien Testament permettait, et même encourageait  le pardon dans certains cas. Mais, ils limitaient rigoureusement à trois le nombre de fois qu’une personne pouvait être pardonnée pour la même offense.

 

Ils croyaient posséder l’autorité biblique pour agir ainsi. Ils s’appuyaient sur le livre d’Amos, où Dieu annonce la ruine des ennemis d’Israël en ces mots : « À cause de trois crimes de Damas, même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt » (1.3). Dams le même chapitre, Dieu prononce des jugements semblables contre Gaza, Tyr, Édom et Ammon, toujours avec les mots, « À cause trois crimes […] et même quatre » (voir 6, 9, 11, 13). En d’autres mots, pour chacune de ces nations ennemies, Dieu a fermé les yeux sur trois offenses et les a jugées pour la quatrième offense.

 

            Les érudits rabbiniques pensaient que si Dieu pardonne seulement trois fois aux hommes, il serait présomptueux et même mal pour de simples créatures de pardonner davantage à leurs semblables. Ils ont donc fixé une limite au nombre de fois qu’on pouvait accorder le pardon.

            Sans doute à cause de l’importance que Jésus accordait à la grâce et au pardon dans ses enseignements, les apôtres savaient qu’il les appelait à une norme plus élevée. Étant donné que Christ lui-même n’avait jamais quantifié le nombre de fois où le pardon devait être accordé, Pierre voulait une clarification. Matthieu dit : « Alors Pierre s’approcha de lui, et dit : Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il péchera contre moi ? Sera-ce jusqu’à sept fois ? » (Matt. 18.21)

 

            Pierre pensait sans doute qu’il était magnanime. Il doublait la prescription rabbinique, arrondissait ensuite le nombre jusqu’au chiffre parfait de 7, et pensant peut-être que le Seigneur le louerait pour sa générosité.

 

            La réponse de Jésus a sans doute étonné Pierre et tous les autres disciples.

 

 

LA RÉPONSE DE JÉSUS

 

            Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept » (v.22).

            La pensée charnelle conteste aussitôt ce qui semble être une norme déraisonnable. Le pardon n’a-t-il pas une limite ? Le bon sens semblerait suggérer que les offenseurs obstinés ne devraient pas être assurés indéfiniment du pardon. À quel moment la grâce devient-elle crédulité ? Soixante-dix fois sept fois, c’est 490 fois ! On ne peut même pas tenir compte d’un nombre si élevé d’offenses !

 

            Mais c’est précisément cela l’idée ! Tenir compte n’a rien à voir avec le véritable pardon. Quand on pardonne sincèrement une offense, on ne peut la retenir contre l’offenseur. Le système rabbinique exigeait, en fait, que la partie offensée se rappelle et compile les offenses soi-disant pardonnées, et cesse de pardonner après la troisième fois. L’enseignement de Jésus sur le pardon ne permet pas de tenir de tels comptes. L’expression « soixante-dix fois sept fois » fixait une norme si élevée qu’il serait inutile de tenir des comptes des torts que nous aurions subis. Mais cela est bien, parce que la sorte d’amour que les chrétiens sont appelés à démontrer « n’éprouve pas de rancune » (1 Cor. 13.5).

            Celui qui tient compte des torts, et croit qu’il peut cesser de pardonner quand le compte atteint 490, a complètement manqué le but des paroles de Jésus. Notre Seigneur ne fixait pas une limite numérique au pardon, mais bien le contraire. Il a simplement pris le chiffre de Pierre et l’a multiplié par soixante-dix ! À toutes fins pratiques, il rendait impossible la compilation des offenses à laquelle Pierre pensait. En fait, il a supprimé toute limite au pardon.

 

            À une occasion, Jésus a dit : »Prenez garde à vous-mêmes. Si ton frère a péché, reprends-le ; et, s’il se repent, pardonne-lui. Et s’il a péché contre toi sept fois dans un jour, et que sept fois il revienne à toi, disant : Je me repens, tu lui pardonneras » (Luc 17. 3, 4). Une fois de plus, le but n’est pas de fixer une limite numérique, telle que sept fois par jour, mais de souligner la liberté et la fréquence avec lesquelles nous devons pardonner.

 

            On pourrait se demander : « Mais qui donc commettrait la même offense sept fois en une même journée pour ensuite se repentir chaque fois ? » Voici l’idée : cette façon d’être est précisément la manière dont nous péchons contre Dieu. Nous péchons ; puis nous éprouvons du regret pour notre péché et nous recherchons le pardon de Dieu ; ensuite nous faisons demi-tour et commettons encore le même péché. Quiconque a déjà été esclave d’une habitude pécheresse sait exactement à quoi ressemble la routine.

 

            Dieu pardonne-t-il en de telles circonstances ? Oui, il le fait. Et puisque son pardon établit le critère selon lequel nous devons pardonner, la norme est, fort heureusement, très élevée. Ce qui peut sembler au premier abord être une norme tellement injuste et inaccessible, constitue en fait une merveilleuse nouvelle pour quiconque a jamais eu à rechercher le pardon de Dieu pour des offenses répétées. Jésus enseigne ici que le pardon que nous accordons aux autres devait être aussi illimité que la miséricorde que nous désirons que Dieu nous manifeste. Cela détruit toutes les limites que quiconque voudrait essayer d’imposer au pardon humain.

 

           

 

LE PARDON DU ROI

 

 

            La parabole débute par la description d’un acte de pardon incroyable, de la part du roi :

 

            « C’est pourquoi, le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs.  Quand il se mit à compter, on lui en amena un qui devait dix mille talents.  Comme il n’avait pas de quoi payer, son maître ordonna qu’il soit vendu, lui, sa femme, ses enfants, et tout ce qu’il avait, et que la dette soit acquittée.  Le serviteur, se jetant à terre, se prosterna devant lui, et dit: Seigneur, aie patience envers moi, et je te paierai tout.  Emu de compassion, le maître de ce serviteur le laissa aller, et lui remit la dette. » (Matthieu 18:23-27).

 

            Ce débiteur du roi était fort probablement un homme de haut rang, même si on lui donne l’appellation de serviteur. Dans l’antiquité, les rois engageaient des gouverneurs de provinces qui portaient le nom de satrapes. Une des responsabilités des satrapes était de percevoir les impôts. Ce serviteur endetté était peut-être un de ces gouverneurs provinciaux, et le règlement des comptes dont il est question dans les versets 23 et 24 était le moment fixé pour que le satrape apporte au roi l’argent des impôts de sa région.

 

            Cet homme était très endetté, sans doute à cause d’un détournement de fons ou d’une autre négligence, dans son service. De plus, s’il avait volé ou détourné l’argent des impôts, il l’avait complètement dilapidé, car il n’avait pas les moyens de rembourser ce qu’il devait.

 

            Dix mille talents était une somme incroyablement élevée, le talent étant la plus grande unité de  monnaie du monde romain. Il s’agissait du talent attique, en usage à cette époque dans tout l’empire. Ce talent valait 6000 deniers, et un denier était considéré comme un bon salaire pour une journée de travail (Voir Matt.20.2). De fait, le salaire d’un soldat était de un denier par jour. Alors, 6000 deniers, un talent, était une somme considérable (le salaire d’environ 17 ans), et 10 000 talents équivalait à 17 ans de salaire pour 10 000 hommes. C’était une dette personnelle incalculable. Aujourd’hui, cela représenterait des millions, voire même des milliards de dollars. Pour mettre cela en perspective, des registres du premier siècle révèlent que l’impôt total annuel perçu par le gouvernent romain dans toute la Palestine était environ 900 talents. De plus, le temple  de Salomon était mondialement reconnu pour les quantités d’or qu’il renfermait, et, selon l’Ancien Testament, tout cet or se chiffrait à un peu plus de 8000 talents (1 Chr. 29.4-7) – moins que ce que cet homme devait !

 

            Le cas de ce serviteur était tout à fait désespéré. Son seul espoir résidait dans la bonté du roi. Il commença donc à implorer sa miséricorde. Jésus a dit : « se jetant à terre, il se prosterna devant le roi » (Matt. 18.26). Ce geste représentait beaucoup plus que l’hommage habituel rendu au roi. Il indiquait un état d’extrême désespoir. L’homme s’est littéralement jeté à terre devant le roi pour le supplier de lui faire miséricorde. Il ne cherchait pas à défendre son cas, qui n’était pas défendable. Il admettait entièrement sa culpabilité et demandait simplement la clémence.

 

            À ce point, on pouvait s’attendre à un traitement impitoyable de la part de tout monarque envers l’esclave. L’abus flagrant de sa position, la perte d’une fortune, l’ampleur du déficit, tout cela ajouté à la promesse insensée de rembourser la dette ne pouvait qu’exaspérer n’importe quel roi. Ce serviteur ne méritait certainement pas de miséricorde.

 

            Mais il  ne s’agissait pas de n’importe quel souverain. Dans un geste incroyable de pardon, il a effacé la dette de l’homme. Aucune entente de remboursement n’a été établie ; le roi était prêt à absorber toute la perte, simplement pour l’amour de faire miséricorde à un serviteur désespéré. C’était un geste incroyable de compassion surnaturelle. Et, c’est l’image même de ce que Dieu fait pour chaque pécheur qui se repent.

 

            Le serviteur symbolise parfaitement le pécheur perdu, chargé d’une dette monstrueuse, impayable – le fardeau écrasant de la culpabilité du péché. La prison du débiteur représente l’enfer, où les pécheurs condamnés passeront l’éternité à payer l’impayable. Et le roi représente un Père céleste aimant et compatissant, un Dieu d’une miséricorde et d’une grâce insondables, qui est toujours prêt à pardonner.

 

            Il y a de quoi se demander comment un roi peut être si compatissant envers un sujet si méchant. Mais souvenez-vous que cela représente exactement ce que Dieu fait pour le pécheur repentant. Il ne pardonne pas seulement la culpabilité du péché, mais il élève le pécheur à une position incompréhensible de faveur totalement imméritée.

 

 

LE REFUS DE PARDONNER DU SERVITEUR

 

 

            On penserait que quelqu’un, aussi gracieusement pardonné, comprendrait l’importance de montrer de la compassion aux autres. Mais le comportement qu’a manifesté le serviteur pardonné est révoltant : « ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers. Il le saisit et l’étranglait, en disant : Paie ce que tu me dois » (v.28).

 

            Cent deniers représentaient environ le salaire de cent jours. Ce n’était pas une petite somme en soi, mais comparée à la somme pour laquelle le premier serviteur avait été acquitté, ce n’était rien. Le récit de Jésus indique que le serviteur pardonné, après sa rencontre avec le bon roi, a presque aussitôt cherché à retrouver l’autre serviteur qui lui devait de l’argent. Il a alors commencé à exiger un remboursement immédiat, en ponctuant sa demande de menaces d’une rudesse inconcevable, et même de brutalité physique.

 

            Réfléchissez un instant à la situation que présente cette parabole. La dette du compagnon de service de cet homme était une dette légitime. D’un point de vue légal, il avait le droit de réclamer ce qui lui était dû. Techniquement, il était dans son plein droit d’exiger un remboursement. Mais son comportement ne répugne-t-il pas naturellement et avec raison à notre sens moral?

 

            Nous estimons que son geste est moralement répugnant, parce qu’il l’est. La vie même de ce serviteur dépendait d’un acte incompréhensible de miséricorde manifesté à son égard. N’avait-il donc pas le devoir d’aimer la miséricorde et de l’accorder aux autres lui aussi ?

 

            Le pardon totalement immérité qu’il avait reçu du roi aurait dû le rendre profondément reconnaissant et profondément miséricordieux. Ses gestes cruels envers son compagnon de service étaient donc une injure faite au roi qui lui avait pardonné. L’extraordinaire miséricorde dont il avait fait l’objet aurait dû remplir son cœur et ses pensées. Au lieu de cela, il était obsédé par l’idée de récupérer la somme insignifiante que lui devait un compagnon de service. Ses actions trahissaient son ingratitude. C’est comme s’il avait déjà oublié l’immense miséricorde qu’on lui avait démontrée.

            L’attitude de l’esclave semble irréelle, inhumaine. Qui donc pourrait se conduire de cette manière.

 

            Et c’est exactement l’idée que Jésus voulait faire comprendre à ses disciples. Il a volontairement dépeint le serviteur de manière à les choquer. Si le comportement de l’esclave semble déraisonnable et complètement irrationnel, c’est qu’il en est ainsi. Notre Seigneur soulignait l’absurdité d’un chrétien qui ne pardonne pas. C’est un comportement bizarre et déraisonnable. On ne pourrait même pas s’attendre à ce qu’une personne raisonnable agisse de la sorte.

 

            Mais c’est exactement ce qui se produit chaque fois qu’un chrétien ne pardonne pas.

            Remarquez que le serviteur qui devait la plus petite somme a fait exactement la même requête que le premier serviteur avait faite au roi : « Aie patience envers moi, et je te paierai » (v.29). Le serviteur pardonné aurait dû être touché en entendant l’écho de son propre désespoir. Après tout, très peu de temps avant il se trouvait dans une situation bien plus fâcheuse, et ces mots étaient précisément les siens ! S’il y a quelqu’un dans le monde qui pouvait comprendre la situation du second serviteur, c’était bien cet homme à qui on avait déjà tant pardonné.

 

            Mais il a fait la sourde oreille à son compagnon de service. D’une manière incroyablement impitoyable, il « alla le jeter en prison, jusqu’à ce qu’il ait payé ce qu’il devait » (v.30).

           

 

L’INDIGNATION DES AUTRES SERVITEURS

 

 

            Remarquez que ce sont les compagnons de service du serviteur qui ont été le plus outrés par la dureté du traitement que ce dernier a réservé au débiteur : « Ses compagnons, ayant vu ce qui était arrivé, furent profondément attristés, et ils allèrent raconter à leur maître tout ce qui s’était passé » (v.31).

 

            Le rôle des autres serviteurs montre à quel point le péché d’un seul membre peut affecter tout le corps. Une personne qui ne pardonne pas dans l’Église peut offenser tout le troupeau, et c’est bien que les chrétiens prennent part au règlement d’une offense aussi flagrante. En fait, le contexte plus large de Matthieu 18 inclut les instructions de Jésus concernant la manière d’exercer la discipline dans l’Église.

 

 

LA COLÈRE DU ROI

 

 

            Certainement, le roi aussi fut indigné quand il entendit le rapport de ce qui était arrivé :

 

            « Alors le maître fit appeler ce serviteur, et lui dit: Méchant serviteur, je t’avais remis en entier ta dette, parce que tu m’en avais supplié;  ne devais-tu pas aussi avoir pitié de ton compagnon, comme j’ai eu pitié de toi?  Et son maître, irrité, le livra aux bourreaux, jusqu’à ce qu’il ait payé tout ce qu’il devait. » (Matthieu 18:32-34 NEG)

 

            La réaction du roi fut si sévère qu’elle amène bien des gens à conclure que le serviteur impitoyable de la parabole ne peut représenter un véritable chrétien. Ils présument qu’une punition aussi sévère doit représenter l’enfer. Et, comme aucun véritable croyant n’est jamais sujet à la menace de l’enfer, cet homme doit représenter une personne non régénérée.

 

            D’autres citent la parabole comme argument en faveur de la position voulant que les chrétiens désobéissants peuvent perdre leur salut.

 

            C’est en effet, un passage difficile. On peut penser que le verset 34 (« le livra aux bourreaux, jusqu’à ce qu’il ait payé tout ce qu’il devait » veut dire que le serviteur impitoyable s’est retrouvé avec la dette qui lui avait déjà été remise. Mais cela introduit des difficultés évidentes dans les images de la parabole. Est-ce à dire que Dieu retirera son pardon judiciaire – la justification – à ceux qui ne pardonnent pas aux autres ? Certainement pas ! Car, en somme, cela ferait reposer la justification sur les œuvres du pécheur. Cela pourrait également suggérer que Dieu lui-même est indécis – accordant le « pardon » puis le retirant plus tard. L’Écriture dit clairement qu’il ne le fera pas. Quand Dieu nous pardonne, il éloigne nos péchés de nous, autant que l’orient est éloigné de l’occident (Ps. 103.12). Il efface nos péchés et promet de ne plus s’en souvenir (És. 43.25 ; Jér. 31.34 ; Héb. 8.12). Il ne pardonne pas pour ensuite annuler son pardon.

 

            En règle générale, quand on interprète des paraboles, il est important de rechercher l’idée centrale et de résister à la tentation d’accorder trop de signification aux détails excentriques. La signification de cette parabole est clairement expliquée par Christ au verset 35 : « C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur ». Toute cette parabole est pratiquement un commentaire sur les paroles que Jésus a prononcées plus tôt : « Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père céleste ne vous pardonnera pas non plus vos offenses » (Mt.6.14, 15).

 

            Souvenez-vous aussi que cette parabole est une leçon pour Pierre et les autres disciples. Jésus ne destinait pas le message de la parabole à des auditeurs intéressés mais non consacrés. Il en a clairement fait un avertissement pour le cercle intime de ses disciples (v.35). La leçon qu’elle renferme est pour des gens déjà régénérés : des croyants, et non des prétendus croyants.

 

            En conséquence, le premier serviteur doit représenter un croyant véritablement régénéré, néanmoins impitoyable. La sévérité de la punition du roi illustre ici la manière par laquelle Dieu reprend les croyants qui ne pardonnent pas. Il est parfois nécessaire pour un parent d’agir avec sévérité envers un enfant qui persiste dans la rébellion ; et Dieu lui-même utilise des mesures sévères pour corriger un chrétien désobéissant quand cela s’avère nécessaire. La sévérité de sa discipline est à la mesure de l’amour qu’il a pour son peuple et de l’importance qu’il accorde à sa pureté. Comme nous l’avons vu au chapitre 3, ce n’est pas vrai que la discipline de Dieu est toujours douce et amicale ; souvent, elle est provoquée par le plus sérieux des mécontentements paternels. Et, certaines de ses corrections  les plus sévères sont réservées aux croyants qui refusent de pardonner aux autres.

 

            Remarquez comment le roi s’adresse au serviteur impitoyable : « Méchant serviteur ». Dieu dirait-il d’un de ses propres enfants qu’il est « méchant » ? Leur méchanceté ne lui échappe certainement pas (voir 2 Chr. 7.14). Et cet esclave se comportait d’une manière indéniablement méchante. Le péché est immoral, qu’il soit commis par un croyant ou un incroyant. En fait, ne pas pardonner est plus immoral chez un croyant, parce que son refus de pardonner est un affront à la grâce même dont il dépend pour la rédemption. Dans un cas comme celui-ci, il ne serait pas plus inopportun pour Dieu d’appeler un croyant « méchant » que ce l’était pour Christ de s’adresser à Pierre en disant « Satan » (Mt. 16.23).

 

            Remarquez également que la punition administrée, bien qu’extrêmement sévère, semble seulement illustrer le type de discipline le plus sévère qui soit, et non la condamnation éternelle. Le roi « le livra aux bourreaux » - pas aux exécuteurs – « jusqu’à ce qu’il ait payé tout ce qu’il devait » (v.34).

 

            Regardons de près à ce verset. Qu’était-il dû au roi maintenant ? Puisque la première dette avait légalement été remise, la dette restante était essentiellement le devoir de cet homme de faire preuve de la même miséricorde envers les autres. Les « bourreaux » représentent la verge avec laquelle Dieu exerce sa discipline. La leçon de la parabole est celle-ci : les chrétiens qui refusent de pardonner aux autres seront sujets à la forme la plus sévère de discipline, jusqu’à ce qu’ils apprennent à pardonner aux autres comme ils ont été pardonnés.

 

            L’expression « tout ce qu’il devait » représente aussi les conséquences temporelles du péché. Une fois de plus, nous affirmons que la justification efface la culpabilité de notre péché au tribunal éternel de Dieu, mais elle ne garantit pas nécessairement un moyen d’échapper aux conséquences du péché dans cette vie. Cette parabole semble suggérer que Dieu pourrait en fait amplifier les conséquences du péché comme moyen d’exercer sa discipline bienveillante. Même si la culpabilité du péché est pardonnée, de sorte qu’elle ne soit jamais une cause de jugement éternel, Dieu peut permettre que les conséquences du péché soient plus sévères, pour inciter un croyant  pécheur à obéir. Étant donné que le manque de pardon est si étranger à ce qu’un chrétien devrait être, Christ applique la menace suivante particulièrement à ce péché : « C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur » (v.35).

 

            Les chrétiens devraient être ceux qui pardonnent le plus sur la terre, car ils ont été pardonnés comme personne d’autre. Par conséquent, ceux qui refusent de pardonner méritent la plus sévère forme de discipline de la main d’un Père bienveillant.

 

            Jacques donne un principe inexorable de justice divine : « le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde » (Jac. 2.13). Pour ceux qui ne sont pas sauvés, les perspectives de ce principe sont effectivement terribles. Il n’y aura pas de miséricorde au tribunal éternel de Dieu pour ceux qui n’auront pas fait miséricorde. Ils endureront d’éternels tourments sans miséricorde aucune.

            Mais il y a également une application de ce principe pour le croyant. Les chrétiens qui ne font pas miséricorde s’exposent à un châtiment divin sans grande miséricorde. Voilà tout le message de cette parabole. Je suis convaincu qu’une multitude de chrétiens qui souffrent de stress, de dépression, de découragement, de problèmes familiaux et de toutes sortes d’autres épreuves souffrent ces choses à cause d’un refus de pardonner. Un pardon venant du cœur les libérerait immédiatement des « bourreaux » - et glorifierait Dieu du même coup.

 

            Remarquez que Jésus parle de pardonner « de tout son cœur » (Mt. 18.35). Le véritable pardon n’est pas feint, ni donné à contrecoeur, mais donné aussi librement que nous désirons nous-mêmes être pardonnés. Cela implique un refus délibéré de considérer coupable l’offenseur. Cela signifie mettre un terme à l’amertume, laisser de côté la colère et ne plus repenser à l’offense pardonnée. C’est l’abandon total de toute pensée de vengeance eu de représailles. C’est, autant que possible, l’équivalent de ce que Dieu a promis : de ne plus se souvenir (Jér. 31.34).

 

            Un tel pardon ne vient pas facilement, surtout quand il s’agit de péchés qui détruisent des vies et des relations familiales. Quand il s’agit d’un affront personnel ou de paroles désagréables, c’est relativement facile de pardonner. Mais, qu’en est-il quand l’offense est plus sérieuse ? Où trouve-t-on  la force de pardonner quand on découvre qu’un conjoint nous a trompés, ou quand un conducteur ivre a causé la mort d’un être cher ? Est-il humainement possible de pardonner de telles offenses ?

 

            Humainement, cela peut sembler impossible, et pardonner de tout cœur de telles choses n’est certainement pas possible par la puissance de la nature humaine déchue. Mais il est vraiment possible pour un peuple racheté, sous l’influence de la puissance du Saint-Esprit, de pardonner même les plus graves offenses. Dans le chapitre qui suit, nous traiterons plus en détail certains de ces sujets et nous approfondirons quelques-uns des aspects les plus pratiques de la manière dont nous devons nous pardonner réciproquement.

 

 

SIX

***

 

Comme Dieu vous a pardonné

 

Vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ (Éph.4.32)

 

 

            Lorsque quelqu’un tue de sans froid une ou plusieurs personnes, ce qu’on appelle une tuerie. Les gens ne comprennent pas que les parents de ses gens là, puissent pardonner cette personne.

            Une jeune fille blessée, avait 15 ans, lorsque qu’un jeune garçon de son école l’a tirée avec un fusil de calibre 22. Durant son séjour à l’hôpital, moins d’une semaine après les de coups de feu, pleinement consciente que les dommages à sa colonne vertébrale étaient si graves qu’elle serait paraplégique pour le reste de sa vie, elle a envoyé par un ami un message au garçon qui avait intentionnellement tiré sur elle : « Dis-lui que je lui pardonne ».

 

            Comment quelqu’un de si gravement blessé, peut-il pardonner si rapidement et si librement ? Sans Christ, c’est tout à fait impossible. « Or nous, nous avons la pensée de Christ » (1 Cor. 2.16). Le Saint-Esprit habite en nous et nous fortifie. C’est pourquoi, les chrétiens sont capables d’actes surhumains de pardon.

 

            Étienne, le premier martyr, est un des exemples de cette sorte de pardon. « Puis, s’étant mis à genoux, il s’écria d’une voix forte: Seigneur, ne leur impute pas ce péché! Et, après ces paroles, il s’endormit » (Actes 7:60). Malgré la violence du moment, sa mort fut tellement paisible que l’Écriture le décrit comme quelqu’un qui tombe dans un sommeil tranquille.

 

            La tendance naturelle, en pareil cas, est de prier pour la vengeance. En fait, la mort de Zacharie, prophète de l’Ancien Testament, offre un contraste intéressant avec celle d’Étienne. Comme Étienne, Zacharie fut lapidé mais remarquez la différence marquée dans sa prière d’agonie :

 

            « Et ils conspirèrent contre lui, et le lapidèrent par ordre du roi, dans le parvis de la maison de l’Eternel.  Le roi Joas ne se souvint pas de la bienveillance qu’avait eue pour lui Jehojada, père de Zacharie, et il fit périr son fils. Zacharie dit en mourant : Que l’Eternel voie, et qu’il fasse justice! » (2 Chr. 24:21-22).

 

            Nous ne pouvons reprocher à Zacharie d’avoir prié pour la vengeance. Il a reconnu, bien entendu, que la vengeance appartenait à Dieu, et, comme il convient, il a laissé l’affaire entre les mains de Dieu. Ainsi, sa prière ne devrait pas être considérée comme un péché.

 

            En fait, il y a une certaine légitimité à ce que tous les martyrs soient autorisés à implorer la vengeance contre leurs persécuteurs. Apocalypse 6.10 nous donne un aperçu de ce qui se passe dans les coulisses du drame cosmique. Là, nous apprenons que le cri perpétuel des martyrs de tous les temps est : « Jusqu’à quand, Maître saint et véritable, tarderas-tu à juger, et à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ? »

 

            Il n’y a certainement aucun péché à réclamer la justice de cette manière. Dieu vengera les siens, et quand sa vengeance sera finalement appliquée, personne ne pourra se plaindre qu’elle est injuste. En fait, nous pourrons seulement nous émerveiller de la patience infinie de Dieu qui aura retenu si longtemps sa vengeance.

 

            Mais pour le moment, dans la brillante lumière de la Nouvelle Alliance, alors que la plénitude de la vengeance divine est retenue et que l’Évangile est proclamé au monde, il y a une cause plus grande à plaider que celle de la vengeance : le pardon et la réconciliation avec ceux qui nous persécutent. Jésus a dit : « Mais je vous dis, à vous qui m’écoutez: Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent,  bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. » (Luc 6:27-28). Christ lui-même nous a donné l’exemple à suivre lors de sa mort aux mains d’hommes mauvais : il a prié pour leur pardon. Et apparemment, Étienne avait compris le message.

 

            Qu’en est-il de la justice ? Il est naturel, et même bien, de vouloir que justice soit rendue et que la vengeance divine soit administrée. Mais pour le chrétien, il y a une autre priorité. La justice viendra, mais en attendant, nos pensées et nos actions envers les autres doivent être dirigées par la clémence. Comme chrétiens, nous devrions être obsédés par le pardon et non par la vengeance.

 

LA VOIX DU SANG

 

            Il y a une bonne illustration de cela dans l’épître aux Hébreux. L’auteur fait plusieurs fois mention d’Abel, tué injustement par son frère Caïn. Dans le chapitre 11, Abel est mentionné le premier dans le célèbre « panthéon de la foi » dont il est question dans ce chapitre. Au sujet d’Abel il est écrit : « C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn; c’est par elle qu’il fut déclaré juste, Dieu approuvant ses offrandes; et c’est par elle qu’il parle encore, quoique mort. » (Hébreux 11:4).

 

            L’expression « il parle encore, quoique mort » est bien connue, mais avez-vous remarqué à quoi elle se rapporte ? C’est une allusion à Genèse 4.10, où Dieu dit à Caïn : « Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi ». Même si Abel était mort, il parlait encore par son sang innocent, qui criait vengeance.

 

            Naturellement, c’est un langage figuré. Le sang d’Abel ne peut littéralement crier. Mais la manière violente et injuste par laquelle il est mort – un meurtre brutal de la main de son propre frère – criait légitimement vengeance. Justice devait être rendue. On avait commis un crime pour lequel une punition sévère s’imposait. Le sang d’Abel, répandu sur le sol, témoignait contre Caïn. Métaphoriquement parlant, le sang d’Abel criait pour que Caïn soit châtié.

 

            Abel fut le premier martyr, et le sang de chaque martyr depuis s’est  associé à son cri pour que justice soit rendue contre les persécuteurs du peuple de Dieu. En ce sens, ils parlent tous encore, même s’ils sont morts. Ils représentent ceux qui, comme décrits dans Apocalypse 6.10, sont sous l’autel, et en appellent à Dieu pour qu’il se glorifie dans l’accomplissement de la justice.

 

            Mais Hébreux 12.24 présente un contraste intéressant. L’auteur y mentionne le sang de Jésus « qui parle mieux que celui d’Abel ». La signification est claire : là où le sang d’Abel (et celui des autres martyrs) crient vengeance, le sang de Christ plaide pour la miséricorde.

 

            Le sang de Jésus, versé comme expiation pour les péchés, appelle au pardon en faveur des pécheurs. C’est une vérité remarquable. Tout le sang des martyrs de tous les temps réclame à grands cris la justice, la vengeance et la punition, mais le sang de Christ « parle mieux ».

            Encore une fois, il n’y a rien de mal à désirer la justice. La justice honore Dieu. Il est certainement légitime de désirer qu’on rectifie les torts et qu’on châtie les infâmes pour leur méchanceté. Mais le désir de pardonner est meilleur encore. Les chrétiens doivent être caractérisés par un désir de miséricorde, de compassion et de pardon, même pour leurs ennemis.

            Comment un chrétien, gravement blessé par les offenses d’un autre, peut-il apprendre à pardonner « de tout son coeur » comme Jésus l’a commandé (Mt. 18.35) ? Que fait-on des ordres que l’Écriture nous donne de reprendre ceux qui ont péché contre nous ? Comment savoir quand il faut reprendre et quand il faut passer sur une offense ?

 

            Plus encore, commet pouvons-nous pardonner à ceux qui ne se sont pas repentis ? Dieu lui-même ne refuse-t-il pas le pardon à celui qui ne se repent pas ? Si nous devons pardonner comme nous l’avons été, ne devons-nous pas d’Abord exiger que l’offenseur se repente ? Toutes ces questions sont essentielles. La Bible offre-t-elle des réponses ? Je crois que oui. Commençons par examiner ce que l’Écriture veut dire quand elle nous commande de pardonner de la même manière que Dieu.

 

 

LE PARDON DE DIEU ET NOTRE PARDON

 

            Comment le pardon entre pécheurs peut-il être comparé au pardon de Dieu ? Il doit y avoir quelques ressemblances, puisque l’Écriture nous commande de pardonner de la même manière que nous l’avons été. Cette idée apparaît dans deux versets que nous avons cités à plusieurs reprises : Éphésiens 4.32 (« vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ ») et Colossiens 3.13 (« de même que Christ vous a pardonné »).

 

            Certains estiment que cela enseigne que le pardon doit toujours être conditionnel. Leur raisonnement est le suivant : Dieu ne pardonne qu’à ceux qui se repentent. Donc, si nous pardonnons de la même manière que nous l’avons été, nous devrions refuser le pardon à tous les impénitents.

 

            Il y a quelque mérite dans cette position. Il y a des moments où le pardon doit être conditionnel, et nous aborderons ce sujet avant de clore ce chapitre. Mais faire du conditionnel l’essentiel du pardon selon Christ, semble passer à côté de tout l’enseignement de l’Écriture sur la question. Quand l’Écriture nous commande de pardonner comme nous l’avons été, ce qui est en vue n’est pas de refuser le pardon jusqu’à ce que l’offenseur exprime sa repentance.

            Lisons bien ces versets :

 

 

    « Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés; (Matthieu 6:12) Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi;  mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses. (Matthieu 6:14-15). »

 

    « Car le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde. La miséricorde triomphe du jugement. (Jacques 2:13) »
    « C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne à son frère de tout son coeur. (Matthieu 18:35) »
    « Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux.  Ne jugez point, et vous ne serez point jugés; ne condamnez point, et vous ne serez point condamnés; absolvez, et vous serez absous.  Donnez, et il vous sera donné, on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde; car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis. (Luc 6:36-38) »

 

L’accent est mis sur le fait de pardonner librement, généreusement, de plein gré, avec empressement, promptement – et de tout cœur. Le point de mire de l’Écriture, c’est l’attitude de celui qui pardonne et non les conditions du pardon.

 

      Bien qu’il soit souvent vrai que le pardon suppose une transaction bilatérale, ce n’est pas toujours le cas. Il y a des fois où le pardon devrait être inconditionnel et unilatéral, et d’autres fois où le pardon doit être retenu jusqu’à ce que l’offenseur se repente. Les principes bibliques gouvernant ces différentes sortes de pardon sont claires.

 

 

LE PARDON CONDITIONNEL / LE PARDON INCONDITIONNEL

 

 

      Il est évident selon l’Écriture que parfois le pardon doit être conditionnel. Par exemple, dans certains cas on doit reprendre l’offenseur et même l’exclure de l’Église, s’il refuse de se repentir (Luc 17.3) ; Mt.18.15-17). Nous examinerons de plus près la procédure biblique concernant la discipline dans l’Église au chapitre 7.

 

      Mais est-ce que chaque offense nécessite une réprimande, qui peut éventuellement mener à une discipline formelle de la part de l’Église ? N’y a-t-il pas lieu de simplement garantir un pardon unilatéral pour de petites offenses ? N’y a-t-il pas des cas où la partie offensée devrait simplement passer sur la transgression, en choisissant de subir un tort et de pardonner sans que cela ne lui soit demandé et sans reprendre officiellement l’offenseur ?

 

      Évidemment, ces questions comportent d’importantes ramifications pratiques. Si vous aviez un ami qui essayait scrupuleusement de vous reprendre chaque fois que vous commettez une faute légère, cette amitié ne deviendrait-elle pas rapidement plutôt ennuyeuse ? Et si des partenaires de mariage estimaient qu’il est de leur devoir de se reprendre l’un l’autre pour chaque offense, un tel état d’esprit ne rendrait-il pas la relation conjugale pratiquement impossible à supporter ?

 

      C’est une erreur de supposer que des versets comme Luc 17.3 (« Si ton frère a péché, reprends-le ») et Matthieu 18.15 (« Si ton frère a péché, vas et reprends-le entre toi et lui seul ») sont des ordonnances absolues pour toutes les sortes de transgressions. Si nous étions obligés de nous reprendre les uns les autres pour chaque méfait insignifiant, nous ne ferions rien d’autre.

 

      La Bible nous donne, en effet, un autre principe pour régler la grande majorité des petites infractions : passer sur l’offense, pardonner unilatéralement, inconditionnellement, accorder le pardon librement et sans cérémonie. L’amour l’exige. « Avant tout, ayez les uns pour les autres un ardent amour, car l’amour couvre une multitude de péchés » (1 Pi.4.8). « La haine excite les querelles, mais l’amour couvre toutes les fautes » (Pr.10.12). « Celui qui couvre une faute cherche l’amour, et celui qui la rappelle dans ses discours divise les amis » (Pr.17.9). L’amour « ne soupçonne point le mal, mais il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout » (1 Cor.13.5-7).

 

      Couvrir la transgression d’autrui constitue l’essence même du pardon. Parlant du pardon de Dieu, David met sur un pied d’égalité les concepts de pardon et de couverture du péché : « Bienheureux celui dont la transgression est pardonnée, et dont le péché est couvert ! » (Ps. 32.1, Darby). C’est un parallélisme hébreu, qui emploie deux expressions différentes pour désigner le même concept. Couvrir le péché de quelqu’un, voilà l’essence même du pardon.

 

      Psaumes 85.3 trace le même parallèle : « Tu as pardonné l’iniquité de ton peuple, tu as couvert tous ses péchés. »

 

      Jacques 5.20 met à égalité le pardon et la couverture du péché : « celui qui ramènera un pécheur de la voie où il s’était égaré sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés. »

 

      Également, quand Pierre dit : « L’amour couvre une multitude de péchés » (1 Pi. 4.8), il décrit le pardon.

 

      En outre, l’Écriture enseigne que le pardon peut être unilatéral et inconditionnel. Marc parle clairement de cette sorte de pardon et en fait même une condition pour recevoir le pardon de Dieu :

            « Et, lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos offenses.  Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera pas non plus vos offenses. » (Marc 11:25-26).

 

            Cela décrit un pardon immédiat, accordé à l’offenseur sans aucune rencontre officielle, ni transaction. Il s’agit là nécessairement d’un pardon totalement unilatéral, car il s’effectue alors que celui qui pardonne est debout en prière. « Pardonnez » est le commandement clair de ce verset, et cela doit se faire sur-le-champ. Aucune réprimande n’est mentionnée. On ne nous commande pas de chercher à obtenir la repentance de l’offenseur. Le pardon de Marc 11.25 est donc différent de celui de Luc 17.3. Ce pardon doit être accordé inconditionnellement et unilatéralement.

 

 

QUE SIGNIFIE LE PARDON INCONDITIONNEL ?

 

 

            En quoi consiste le pardon unilatéral ? S’il n’y a ni transaction, ni recherche de pardon, ni don officiel de pardon, ni paroles échangées entre les deux parties, alors qu’accomplit ce genre de pardon ?

            Ses principaux effets se produisent dans le cœur de celui qui pardonne. Ce genre de pardon implique une décision délibérée de couvrir l’offense d’autrui. « Pardonnez », dans marc 11.25 est un impératif, un commandement. Le pardon dont il est question ici relève forcément de la volonté. Autrement dit, c’est un choix et non un sentiment ou une réponse involontaire.

 

            C’est un pardon accordé de tout cœur, comme le suggère Matthieu 18.35 ; mais même cela ne fait pas relever le pardon d’abord du domaine des sentiments. Dans la Bible, le mot « cœur » désigne généralement le siège de l’intellect (Pr.23.7 ; Luc 9.47). Il est donc question d’une décision rationnelle et délibérée. C’est un choix que fait la partie offensée d’annuler la transgression d’autrui et de ne pas permettre que l’offense fasse une brèche dans la relation ou crée de l’amertume.

 

            En fait, la personne qui choisit de pardonner décide de ne pas se souvenir de l’offense, refuse de garder rancune, renonce à toute compensation et résiste à la tentation de remâcher ou de se venger. La partie offensée subit simplement l’injure. L’offense est annulée, couverte avec amour, au nom de Christ. Pour les offenses involontaires et sans importance, c’est la manière appropriée et bienveillante de pardonner : unilatéralement, sans reprendre et sans exciter des querelles.

 

            Voilà, je crois, à quoi la Bible fait allusion le plus souvent quand elle nous convie à nous pardonner les uns les autres. La forte insistance de la Bible sur le pardon ne vise pas une plus grande recherche de réprimande, mais tout le contraire. Quand la Bible nous appelle à une attitude de pardon, l’accent  est toujours mis sur la persévérance, la patience, la tolérance, la bienveillance, la bonté et la miséricorde, et non pas sur la réprimande.

 

            Ne pas même admettre que le pardon puisse être unilatéral est, à mon avis, une erreur potentiellement grave. Cela donne trop d’importance à la réprimande, et tend plus à créer des conflits qu’à en éviter. Ceux qui insistent pour réprimander de chaque offense ne font souvent qu’exciter des querelles : l’antithèse de ce que l’enseignement de Jésus sur le pardon devait produire. L’amour véritable devrait couvrir la grande majorité des transgressions, et non les exposer constamment au grand jour pour les disséquer (1 Pi. 4.8).

 

 

 

 

REPRENDRE OU NE PAS REPRENDRE

 

 

            Tout cela exige qu’on fasse quelques bonnes distinctions. Évidemment, il y a des cas où la réprimande est essentielle. Comment allons-nous reconnaître ces situations ? Y a-t-il des principes bibliques clairs qui nous enseignent quand reprendre et quand pardonner unilatéralement ?

            Je crois qu’il y en a. Voici quelques lignes directrices qui vous aideront à faire la distinction.

           

Autant que possible, particulièrement si l’offense est minime ou involontaire, il vaut mieux pardonner unilatéralement. C’est l’essence même d’un esprit de grâce. C’est l’attitude à l’exemple de Christ dont Paul parle dans Éphésiens :

« Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée,  en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour,  vous efforçant de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. » (Ephésiens 4:1-3).

 

C’est un appel à tolérer avec grâce les fautes d’autrui. Cela est nécessaire au maintien de la paix.

En d’autres mots, les chrétiens sont censés avoir une sorte d’immunité mutuelle aux offenses sans gravité. L’amour « ne s’irrite pas » (1 Cor. 13.5). S’il fallait avoir recours à une réprimande en règle pour chaque faute, toute notre vie dans l’Église se passerait en réprimande et en résolution de conflits résultant de légères contrariétés. Alors, au nom de la paix, pour préserver l’unité de l’Esprit, nous devons faire preuve, autant que possible, de tolérance.

 

Voici donc la règle principale : À moins qu’une offense n’exige la réprimande, un pardon unilatéral et inconditionnel devrait couvrir la transgression. En subissant l’offense, la partie offensée suit les traces de Jésus (1 Pi. 2.21-25). Jésus nous exhorte à avoir cette attitude : « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre. Si quelqu’un veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau » (Matt. 5.39, 40).

 

Si vous êtes le seul à avoir été blessé, même si l’offense était flagrante et publique, vous pouvez choisir de pardonner unilatéralement. La Bible regorge d’exemples en ce sens. Joseph, par exemple, fut victime de torts graves aux mains de ses frères. Ils complotèrent de le tuer, et le vendirent ensuite comme esclave.

 

Mais il ne garda pas rancune. Bien des années plus tard, quand la famine conduisit ses méchants frères en Égypte à la recherche de nourriture, Joseph les reconnut et leur pardonna volontiers, sans qu’il n’y ait aucun signe de repentance de leur part. Avant qu’ils n’aient même réalisé qui il était, il fut ému aux larmes tant il avait de compassion pour eux. Finalement, en révélant son identité, il leur dit :

« Je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu pour être mené en Egypte.  Maintenant, ne vous affligez pas, et ne soyez pas fâchés de m’avoir vendu pour être conduit ici, car c’est pour vous sauver la vie que Dieu m’a envoyé devant vous. » (Genèse 45:4-5).

 

            Son pardon était inconditionnel, unilatéral, et ne dépendait pas d’une quelconque expression de remords de leur part.

 

            Un autre exemple est celle de David, qui a pardonné unilatéralement et inconditionnellement une insulte publique des plus humiliantes.

 

            Cela s’est produit durant la rébellion d’Absalom contre lui. Il fut obligé de fuir Jérusalem pour que  son fils rebelle ne détruise pas la cité dans son zèle à vouloir renverser le trône de David. Pendant cet exode douloureux et déchirant loin de Jérusalem, un homme détestable nommé Schimeï injuria publiquement David dont le cœur était déjà brisé, en essayant de l’humilier davantage. Voici ce qui s’est produit :

 

            « David était arrivé jusqu’à Bachurim. Et voici, il sortit de là un homme de la famille et de la maison de Saül, nommé Schimeï, fils de Guéra. Il s’avança en prononçant des malédictions,  et il jeta des pierres à David et à tous les serviteurs du roi David, tandis que tout le peuple et tous les hommes vaillants étaient à la droite et à la gauche du roi.  Schimeï parlait ainsi en le maudissant: Va-t’en, va-t’en, homme de sang, méchant homme!  L’Éternel fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül, dont tu occupais le trône, et l’Eternel a livré le royaume entre les mains d’Absalom, ton fils; et te voilà malheureux comme tu le mérites, car tu es un homme de sang! » (2 Samuel 16:5-8)

 

            Abischaï, un des compagnons de David, réclama justice sur-le-champ : « Pourquoi ce chien mort maudit-il le roi mon Seigneur ? Laisse-moi, je te prie, aller lui couper la tête » (v.9).

            Mais la réponse de David manifesta une pieuse tolérance :

 

            « Mais le roi dit: Qu’ai-je affaire avec vous, fils de Tseruja? S’il maudit, c’est que l’Eternel lui a dit: Maudis David! Qui donc lui dira: Pourquoi agis-tu ainsi?  Et David dit à Abischaï et à tous ses serviteurs: Voici, mon fils, qui est sorti de mes entrailles, en veut à ma vie; à plus forte raison ce Benjamite! Laissez-le, et qu’il maudisse, car l’Eternel le lui a dit.  Peut-être l’Eternel regardera-t-il mon affliction, et me fera-t-il du bien en retour des malédictions d’aujourd’hui. » (2 Samuel 16:10-12).

 

            Plus tard, après que David eut remporté la victoire sur les rebelles, Schimeï prétendit se repentir, en demandant grâce auprès de David. Et David, toujours malgré les protestations de ses hommes, réaffirma son pardon à Schimeï (2S. 19.18-23). Ayant déjà pardonné unilatéralement l’offense initiale, David pardonnait maintenant officiellement à Schimeï.

 

            Les prières d’Étienne pour ceux qui le lapidaient sont un autre exemple de pardon de Dieu envers ses meurtriers montre qu’il leur avait déjà pardonné. Il est vrai que le pardon de Dieu ne pouvait être accordé sans leur repentance ; mais pour sa part, Étienne avait déjà fait un choix délibéré, en toute conscience, de renoncer au droit à la rétribution. Il leur avait pardonné en son cœur.

 

            Cela soulève un point important. Même après avoir pardonné à nos offenseurs pour leurs transgressions envers nous, Dieu lui-même peut exiger justice pour les péchés qu’ils auront commis contre lui. Nous pouvons pardonner une offense à notre endroit, mais nous ne pouvons accorder le pardon pour un péché envers Dieu. Dans Luc 5.21, il est dit : « Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul «? ». Pardonner à quelqu’un, ce n’est pas lui accorder une sorte d’absolution de prêtre. Ceux à qui nous pardonnons doivent encore rendre des comptes à Dieu.

 

            Schimeï est un autre cas semblable à celui d’Étienne. David tint sa promesse de ne pas le tuer, mais Schimeï demeura un homme non régénéré et vil jusqu’à la fin de sa vie. Sachant cela, sur son lit de mort, David donna à Salomon des instructions sur la manière d’agir avec lui : « tu ne le laisseras pas impuni ; car tu es un homme sage, et tu sais comment tu dois le traiter. Tu feras descendre ensanglantés ses cheveux blancs dans le séjour des morts » (1R. 2.9).

 

            C’est un commandement difficile à expliquer, jusqu’à ce qu’on réalise que David, comme roi divinement choisi, était responsable de voir à ce que la gloire de Dieu ne soit pas ternie en Israël. Il avait tenu sa promesse envers Schimeï : il ne l’a pas tué pour son insulte. En ce qui le concernait, l’offense dont il avait été l’objet était pardonnée. Mais l’action de Schimeï impliquait aussi le pire genre de blasphème qui soit contre Dieu. Et puisque Schimeï persistait dans une rébellion injustifiée contre Dieu, la justice divine avait encore un droit sur lui. Et dans l’intérêt de la pureté de la nation, cette affaire devait être réglée.

 

            Il était maintenant temps de rendre des comptes, au nom de la gloire de Dieu, pas de celle de David. David pouvait passer sur une transgression à son endroit, mais, en dernière analyse, il ne pouvait pas passer sur un acte public d’hostilité manifeste contre Dieu. Matthew Henry, commentateur puritain, a écrit que les instructions de David à Salomon « ne relevait pas d’une vengeance personnelle, mais d’un zèle avisé pour défendre l’honneur du gouvernement et l’alliance que Dieu avait faite avec sa famille, le mépris desquelles on ne pouvait laisser impuni.» C’est sûrement pour cela que David attendit d’être sur son lit de mort pour ordonner que Schimeï soit puni. Ainsi, personne ne pourrait dire que David avait fait cela  pour préserver son honneur.

            Et Salomon honora sagement le pardon de David pour l’insulte de Schimeï. Au lieu de l’exécuter sommairement pour l’offense passée, Salomon lui imposa une restriction qui lui interdisait de sortir de Jérusalem. Aussi longtemps qu’il demeurerait dans la ville, sous la supervision du roi, il pouvait circuler librement en toute sécurité. Mais le jour où il traverserait le torrent du Cédron, il serait tué. Schimeï accepta les termes de la restriction, car ils étaient bienveillants (1 R. 2.36-38). Mais parce  qu’il était un homme mauvais, Schimeï brisa son engagement. Il quitta la ville à la recherche d’esclave en fuite, et quand Salomon l’apprit, il le convoqua et dit :

 

            « Le roi fit appeler Schimeï, et lui dit: Ne t’avais-je pas fait jurer par l’Eternel, et ne t’avais-je pas fait cette déclaration formelle: Sache bien que tu mourras le jour où tu sortiras pour aller de côté ou d’autre? Et ne m’as-tu pas répondu: C’est bien! J’ai entendu?  Pourquoi donc n’as-tu pas observé le serment de l’Eternel et l’ordre que je t’avais donné?  Et le roi dit à Schimeï: Tu sais au-dedans de ton coeur tout le mal que tu as fait à David, mon père; l’Eternel fait retomber ta méchanceté sur ta tête. » (1 Rois 2:42-44).

 

En d’autres mots, la mort de Schimeï, était la vengeance de Dieu, et non celle de David, pour le péché de Schimeï. David lui avait pardonné et avait été fidèle à sa promesse de ne pas se venger. Mais en fin de compte, Dieu lui-même demanda justice, étant donnée le refus de Schimeï pour se repentir.

 

            Notre pardon d’une offense ne garantit pas que l’offenseur recevra le pardon judiciaire de Dieu. Dieu, qui connaît le cœur, juge toujours avec équité. Notre part consiste à être clément, à supporter le tort et à prier pour la complète repentance de l’offenseur. Dieu verra lui-même à ce que justice soit faite si l’offenseur ne recherche pas le pardon divin.

 

 

QUAND LE PARDON INCONDITIONNEL N’EST PAS POSSIBLE

 

            Il y a des moments où il est nécessaire de reprendre le coupable. Alors, le pardon inconditionnel n’est pas possible. Ces situations impliquent généralement des péchés plus graves : pas des plaintes mineures ou insignifiantes, mais des péchés menaçant l’âme ou des transgressions mettant en danger la communion des saints. Dans ce genre de situations, voici ce qui s’applique : « Si ton frère a péché, reprends-le ; et, s’il se repent, pardonne-lui » (Luc 17.3). En de tels cas, si un frère ou une sœur en Christ refusent de se repentir, la procédure de discipline exposée dans Matthieu 18 s’applique (à voir au chapitre).

 

            Voici quelques lignes directrices pour déterminer quand une telle approche est nécessaire :

 

            Si vous constatez une offense grave, un péché contre quelqu’un d’autre que vous, reprenez le coupable. La justice n’autorise pas le chrétien à couvrir un péché contre quelqu’un d’autre. Lorsque je suis la victime, je peux pardonner unilatéralement et inconditionnellement une offense, parce que c’est moi qui supporte alors le tort. Mais quand je vois qu’on a péché contre une autre personne, il est de mon devoir de rechercher la justice. (La seule exception ``a cela serait lorsque la personne offensée choisit elle-même d’ignorer un affront ou une insulte personnelle. C’était les cas lorsque David a interdit à Abischaï de le venger contre Schimeï.)

 

            Alors que nous sommes autorisés et même encouragés à passer sur des offenses personnelles, la Bible nous interdit toujours de passer sur les torts commis contre autrui.

 

·         Exode 23.6 : « Tu ne porteras point atteinte au droit du pauvre dans son procès. »

·         Deutéronome 16.20 : « Tu suivras ponctuellement la justice. »

·         Ésaïe 1.17 : « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l’opprimé ; faites droit à l’orphelin, défendez la veuve. »

·         Ésaïe 59.15, 16 : « la vérité a disparu, et celui qui s’éloigne du mal est dépouillé. L’Éternel voit, d’un regard indigné, qu’il n’y a plus de droiture. Il voit qu’il n’y a pas un homme, il s’étonne de ce que personne n’intercède. »

·         Jérémie 22.3 : « Ainsi parle l’Éternel : Pratiquez la justice et l’équité ; délivrez l’opprimé des mains de l’oppresseur ; ne maltraitez pas l’étranger, l’orphelin, et la veuve ; n’usez pas de violence, et ne répandez pas le sang innocent dans ce lieu. »

·         Lamentations 3.35, 36 : « Quand on viole la justice humaine à la face du Très-Haut, quand on fait tort à autrui dans sa cause, le Seigneur ne le voit-il pas ? »

 

Il n’est pas en notre pouvoir de « pardonner » à quelqu’un une offense à quelqu’un d’autre. Ceux qui sont témoins de telles offenses ont donc le devoir de reprendre l’offenseur pour sa transgression.

 

            Quand le fait de ne pas tenir compte d’une offense peut nuire à l’offenseur, il faut le reprendre. Parfois, choisir de passer sur une offense pourrait nuire à l’offenseur. Dans de tels cas, c’est notre devoir de le reprendre dans l’amour.

 

            « Frères, si un homme vient à être surpris en faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté.  Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Christ. (Galates 6:1-2)

 

            Dans ce passage, le mot traduit « surpris » signifie littéralement « attrapé». Cela peut vouloir dire deux choses : qu’on a découvert quelque secrète transgression chez quelqu’un, ou que quelqu’un est pris au piège d’une quelconque habitude pécheresse. Dans les deux cas, la réprimande est nécessaire. On ne peut pas passer sur le péché. L’amour pour le frère pécheur requiert que vous le repreniez et que vous cherchiez à le rétablir. C’est un aspect essentiel dans le fait porter les fardeaux les uns des autres. (v.2).

 

            Les péchés qui nécessitent la réprimande parce qu’ils peuvent nuire au pécheur comprennent de graves erreurs doctrinales, des manquements moraux, des récidives de la même offense, des habitudes pécheresses ou des tendances destructives, ou tout autre transgression présentant une menace sérieuse au bien-être spirituel de l’offenseur.

 

            Dans tous ces cas, la réprimande devrait être dictée par l’amour et le désir de rechercher le bien de l’offenseur. Ce genre de réprimande ne devrait jamais être utilisé pour satisfaire une soif de vengeance personnelle, pour punir l’offenseur ou pour atteindre tout autre objectif de valorisation personnelle. Voilà pourquoi Galates 6.1 dit expressément que ceux qui sont « spirituels » devraient s’occuper de la personne pécheresse.

 

            L’apôtre Paul reprochait aux Corinthiens de manquer à leur devoir de reprendre, et de tolérer le scandale à l’intérieur du troupeau. Un d’eux avait des rapports sexuels avec « la femme de son père » (1 Co. 5.1), probablement sa belle-mère ; ce péché jetait un tel opprobre sur le pécheur, qu’il équivalait à l’inceste. De tels péchés «  ne se rencontraient même pas chez les païens ». Même les païens les plus ignobles de Corinthe étaient scandalisés par le péché qui existait dans cette Église.

            Paul a repris les Corinthiens : « Et vous êtes enflés d’orgueil ! Et vous n’avez pas été plutôt dans l’affliction » (v.2). Le mot « enflés » vient d’une expression grecque qui signifie littéralement « gonflés ». Il désigne l’orgueil. Peut-être que, comme plusieurs aujourd’hui, l’orgueil des Corinthiens résidait dans leur tolérance. Ils s’enorgueillissaient peut-être du fait qu’ils n’étaient pas « étroits d’esprit » au point de faire tout un plat des mauvaises actions de cet homme.

 

            Paul les a repris sévèrement : « C’est bien à tort que vous vous glorifiez. Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever toute la pâte ? » (v.6). Il leur a ordonné d’excommunier l’offenseur, qui disait-il, avait besoin d’être « ôté du milieu d’eux » (v.2).

 

            « Pour moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a commis un tel acte.  Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus,  qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus. » (1 Corinthiens 5:3-5).

 

            Les péchés flagrants sont toujours un scandale dans l’église, et on doit s’en occuper. Il n’est pas de notre prérogative de « pardonner » à ceux qui ont résolu de vivre une vie de désobéissance flagrante. Quand on accepte la présence de ce genre de péché, c’est toute l’Église qui en souffre. Ces péchés ressemblent à du levain, qui fait lever toute la pâte. Couvrir de tels péchés, passer sur le mal, n’est jamais une bonne chose dans ce genre de situations. Celui qui commet de tels péchés doit être réprimandé, et au chapitre 7 nous examinerons avec soin la procédure à suivre.

 

            Chaque fois qu’une offense brise une relation, le pardon officiel est une étape essentielle vers la réconciliation. On ne peut tout simplement pas passer sur une offense qui fait une brèche dans une relation. Il doit y avoir réprimande pour l’offense et pour la brèche, puis on doit rechercher la réconciliation.

 

            Le but visé quand nous reprenons quelqu’un pour un tort commis doit toujours être la réconciliation. Encore une fois, si notre réprimande a pour but de punir l’offenseur, ou si elle n’est qu’un moyen de correction et de censure, notre objectif est mauvais. Le but de toute réprimande équitable est la restauration de la relation brisée ainsi que le rétablissement de l’offenseur.

 

            Quel que soit le cas, la réconciliation est indispensable. Si vous avez commis une offense, il est mal de ne pas réparer. Si vous êtes la partie offensée, vous devez également rechercher la réconciliation – essayer de gagner votre frère ou sœur. Il n’y a jamais d’excuse pour un chrétien, d’un côté comme de l’autre d’une relation brisée, de refuser de rechercher la réconciliation. Le seul cas où un tel conflit demeure non résolu est lorsque toutes les étapes de la discipline de Matthieu 18 ont été franchies, et que la partie coupable refuse encore de se repentir.

 

            Mais même là, vous ne devez pas nourrir d’amertume dans votre cœur, et vous devez aimer cet offenseur de la même manière que vous aimez vos ennemis, avec le même intérêt pour son bien-être spirituel et son rétablissement dans la communion. « Ne le regardez pas comme un ennemi, mais avertissez-le comme un frère » (2 Thess. 3.15). Même si aucune transaction officielle de pardon ne peut avoir lieu, le cœur ne lui en veut pas, et la réconciliation demeure le but.

 

            De plus, si vous êtes la partie coupable, vous avez la responsabilité de rechercher rapidement la réconciliation. L’Écriture insiste à plusieurs reprises là-dessus. Par exemple, Matthieu 5.23 et 24. En pareil cas, la réconciliation d’une relation brisée a préséance sur l’adoration !

 

            Cela fait de la réconciliation une très grande priorité, car elle a même préséance sur l’adoration offerte au Seigneur.

 

            Matthieu poursuit :

            « Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu’il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l’officier de justice, et que tu ne sois mis en prison.  Je te le dis en vérité, tu ne sortiras pas de là que tu n’aies payé le dernier quadrant. » (Matthieu 5:25-26).

 

 

SUBIR LE TORT PLUTÔT QUE DE CAUSÉ LA HONTE

 

 

            Paul reconnaît que l’autre personne peut avoir tort, mais il dit clairement qu’il est préférable d’être escroqué que d’intenter un procès à un autre chrétien (1Co 6.7). Les poursuites en justice où un chrétien en amène un autre devant u  juge séculier sont toujours injustifiées.

 

            Je suis convaincu que si on appliquait la discipline de l’Église de manière plus rigoureuse, il n’y aurait que peu de conflits semblables entre chrétiens, et l’amour véritable ainsi que l’harmonie prévaudraient dans l’Église.

 

            Mais certaines injustices ne seront jamais réglées de ce côté-ci de l’éternité. Il est clair que la tâche des chrétiens dans de tels cas consiste à subir le tort, gracieusement, avec magnanimité et volontairement, au nom de Jésus. Au bout du compte, Dieu réglera lui-même de tels torts. En attendant, nous devons refuser d’entretenir de la rancune. Nous ne devons jamais permettre au ressentiment de tenir notre caractère. Nous devons chercher à être comme Joseph, et désirer voir la main de Dieu faire concourir au bien même les circonstances les plus injustes.

 

 

QUAND IL EST DIFFICILE DE PARDONNER

 

 

            Le pardon n’est certainement pas naturel pour des créatures déchues. Nous avons trop tendance à nous laisser mener par nos sentiments. Ceux qui se complaisent dans l’amertume trouvent que le pardon ne germe pas facilement dans un tel sol. La racine qui en surgit a plutôt une influence nocive. Elle ne nuit pas seulement à la personne amère, mais aussi à plusieurs autres (Héb. 12.15).

 

            Le pardon est souvent empêché par des sentiments négatifs, un ressentiment persistant et de la colère inassouvie. Certains s’imaginent, à tort, qu’ils ne peuvent pardonner s’ils n’ont pas « envie » de pardonner.

 

            Mais le pardon n’est pas un sentiment. Ceux qui insistent pour être conduits par la passion auront effectivement de la difficulté à pardonner, car le pardon implique souvent un choix délibéré qui va à l’encontre de nos sentiments. L’amertume nous amène à repenser sans cesse à l’offense.

 

            Au contraire, le pardon est une décision rationnelle, volontaire qui nous amène à mettre l’offense de côté et à ne désirer que ce qu’il y a de mieux pour l’offenseur.

 

            « Mais je ne peux pas faire ça, dit quelqu’un. J’essaye de la mettre de côté, mais partout où je vais, quelque chose me la rappelle, et je me surprends à y penser et à en être encore troublé. »

 

            De telles pensées sont des tentations au péché. Ruminer une offense n’est pas moins un péché que la luxure, la convoitise ou tout autre péché du cœur. On doit faire un choix volontaire pour abandonner ce genre de pensée, et nous devons plutôt délibérément couvrit l’offense et refuser de succomber à des pensées de colère et de vengeance, que nous en ayons ou non envie.

 

            Ceux qui pardonnent même quand c’est difficile constatent invariablement que les sentiments appropriés suivent. « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux maltraitent » (Luc 6.27, 28), ce sont tous des actes volontaires, délibérés et rationnels, et non des réflexes émotionnels. Obéissez aux commandements de Christ en faisant de telles choses, et votre Père fera éventuellement place à la douceur, la paix triomphera de la frustration et le calme fera succomber l’anxiété.

 

            Le pardon enlève plusieurs fardeaux. Accorder le pardon à quelqu’un quand il se repent, c’est lui enlever le fardeau de la culpabilité. Mais pardonner quand le pardon est unilatéral et inconditionnel rend la personne qui pardonne capable d’apprécier la miséricorde encore plus grande accordée en retour par un Père céleste généreux, qui promet de verser dans son sein une « bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde » (Luc 6.38).

 

SEPT

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SI TON FRÈRE A PÉCHÉ

 

« Si ton frère a péché, reprends-le ; s’il se repent, pardonne-lui.» (Luc 17.3)

 

 

            Parfois, on doit reprendre celui qui a péché. Et s’il refuse de se repentir, on peut en venir à être obligé de l’excommunier. C’est surtout vrai quand le péché commis peut continuer de faire du mal, ou quand il jette l’opprobre sur le nom de Christ.

 

            Le processus que l’Écriture décrit pour traiter le péché dans le troupeau s’appelle la « discipline d’Église ». C’est un nom qui convient bien pour cela, car, comme la discipline parentale, son but principal est la correction. La discipline d’Église est réussie lorsqu’elle mène à la repentance et à la réconciliation. Quand elle échoue, elle aboutit à l’excommunication. Cependant, le but recherché n’est jamais l’excommunication, mais plutôt le rétablissement.

 

            Le seul sujet de la discipline d’Église suffit à remuer de forts sentiments parmi les chrétiens.

Il y a longtemps j’ai reçu par courriel une lettre de quelqu’un fermement convaincu que toutes les formes de discipline d’Église étaient, par nature, dépourvues d’amour. Voici ce que disait sa lettre :

 

Tout le processus de la discipline d’Église semble être incroyablement coercitif et peu charitable. Je ne peux croire qu’une Église puisse même menacer d’excommunication ses propres membres pour ce qu’ils font dans leur vie privée. Et je ne peux imaginer une Église se prononçant publiquement sur le péché de quelqu’un ! Ce que les gens font de leur temps est leur affaire, pas celle de toute l’Église. Et l’Église est censée être le lieu où les gens peuvent venir apprendre comment avoir la victoire sur le péché. Comment peuvent-ils l’apprendre s’ils sont excommuniés ? Si nous mettons nos propres membres en quarantaine, nous ne valons pas mieux que les sectes. Je ne peux imaginer que Christ puisse jamais excommunier quelqu’un de son Église. N’a-t-il pas cherché les pécheurs et évité ceux qui étaient plus saints que tous ? Après tout, ce ne sont pas les gens qui se portent bien qui ont besoin d’un médecin. Je suis heureuse que mon Église n’excommunie pas les membres qui pèchent. Il ne resterait aucun de nous ! Je pensais que l’Évangile était essentiellement une affaire de pardon !

 

Ce commentaire reflète plusieurs incompréhensions courantes et largement répandues sur le sujet.

Tout d’abord, la discipline d’Église n’est pas l’antithèse du pardon. En fait, les instructions de Jésus pour le processus de discipline  tracent la manière dont le pardon devrait s’effectuer lorsque le péché d’un croyant a des répercussions sur tout le troupeau.

 

Deuxièmement, la discipline biblique n’a rien à voir avec le contrôle de chaque détail de la vie des gens. Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, les péchés pour lesquels il faut intervenir et discipliner bibliquement ne sont pas des péchés involontaires, de minimes peccadilles, des contrariétés sans importance ou des questions de simple préférence, mais de graves violations de principes bibliques évidents, des péchés qui blessent d’autres croyants, détruisent l’unité du troupeau, ou entachent autrement la pureté de l’Église. Dans de tels cas, on doit s’occuper du péché. On ne peut couvrir de tels péchés. Ils sont comme du levain, et si on ne fait rien, leurs mauvaises conséquences vont se répandre dans toute l’église (1 Co 5.6).

 

Troisièmement, une discipline adéquate n’est pas incompatible avec l’Esprit de Christ. Christ a lui-même prescrit cette méthode pour traiter le péché dans le troupeau. Si vous pensez que Christ n’aurait jamais approuvé l’excommunication d’un membre pécheur, vous avez une compréhension déformée de sa personne.

 

Quatrièmement, une discipline correctement appliquée n’est pas incompatible avec l’amour. En fait, c’est tout le contraire. Dans les chapitres précédents, nous avons discuté du fait que Dieu corrige les croyants qui pèchent. Le processus décrit dans Matthieu 18 reconnaît le rôle légitime de l’église comme instrument d’exhortation bienveillante et, à l’occasion, de châtiment divin. Correctement appliquée, la discipline d’Église illustre l’amour de Dieu pour ses enfants (voir Hébreux 12.7-11).

Cinquièmement, l’aspect public de la discipline constitue le dernier recours, et non le point de départ. Quand on porte l’offense de quelqu’un devant l’Église, ce n’est pour que les membres fuient le pécheur, mais précisément le contraire : c’est pour les encourager à continuer de l’aimer, dans un but de rétablissement.

 

La permissivité qui résulte d’un manque de discipline mène inévitablement au chaos. C’est tout aussi vrai pour l’Église que pour la famille. Aucun adulte ne prend plaisir à être entouré d’enfants qui ne sont jamais disciplinés. De la même manière, une Église laxiste (indifférente) sur la question du règlement du péché dans le Corps finit par devenir intolérable pour tous, sauf pour les croyants les plus immatures. Ne pas exercer la discipline d’Église produit donc un troupeau spirituellement retardé. C’est aussi un moyen infaillible de s’attirer le mécontentement de Dieu (Apoc. 2.14, 20).

 

Les instructions que Jésus donne dans Matthieu 18 sur la discipline d’Église sont claires et sans équivoque. Ce point constitue donc un bon test pour déterminer si une Église est sérieuse ou pas dans son obéissance à Christ. Les gens me demandent souvent ce qu’il faut  rechercher dans une Église. Pas très loin en tête de liste, il y a une discipline saine et cohérente. Une chose est certaine : une Église qui ne discipline pas ses membres va avoir constamment de sérieux problèmes.

 

 

LE LIEU

 

            Matthieu 18 commence avec un long discours de Christ sur l’importance pour un croyant de ressembler à un enfant. Au début de son discours, il a pris un enfant et l’a placé au milieu de ses disciples, comme une leçon d’objet. Le discours qui a suivi comprend plusieurs fois l’expression « ces petits », par laquelle il désigne les croyants et, non des enfants au sens littéral du terme (voir v.6, 10, 14). Il comparait les croyants à des enfants à cause de leur confiance simple, de leur obéissance affectueuse, et de leur besoin de protection et de discipline.

 

            Le passage qui esquisse le processus disciplinaire ne couvre que trois versets :

           

            « Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère.  Mais, s’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins.  S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Eglise; et s’il refuse aussi d’écouter l’Eglise, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain. » (Matthieu 18:15-17)

 

            En fait, l’idée de notre Seigneur, c’est plutôt que l’assemblée du peuple racheté de Dieu est le lieu pour régler les disputes et exercer la discipline. Il n’existe aucun tribunal extérieur ou autorisé sur terre auxquels on puisse faire appel pour des questions de péchés (1 Co 6.2, 3).

 

            C’est par dessein divin qu’on devrait exercer la discipline dans l’Église. Les vrais croyants sont motivés par un amour sincère les uns pour les autres (1 Jn 3.14). Dans un tel contexte, la discipline peut être appliquée dans l’amour, par des frères dans la foi, pour le bien véritable et l’édification de tout le corps.

 

 

LE BUT

 

            La discipline correctement appliquée est toujours motivée par l’amour. Son but premier est le rétablissement du frère pécheur : »S’il t’écoute, tu as gagné ton frère » (v.15). Il purifie aussi l’Église en ce que les croyants veillent sur leur conduite de façon à ne pas devoir être repris.

 

            Le but de la discipline d’Église n’est pas de mettre les gens dehors, de les éviter, de les embarrasser, d’être légaliste, de jouer à Dieu ou d’exercer une autorité de manière abusive et dictatoriale. Le but de la discipline est de ramener les gens à une juste relation avec Dieu et avec le reste du corps. Une discipline saine n’est jamais un moyen de se venger du péché de quelqu’un. Le but en est toujours le rétablissement, et non la rétribution.

 

            Cela est évident dans Matthieu 18. Le mot grec traduit « gagné » dans le verset 15 est kerdaino, un mot fréquemment employé pour parler d’un gain financier. Christ décrit donc le frère dévoyé comme un trésor précieux qu’on doit gagner de nouveau. Cela devrait être la perspective de tout chrétien qui reprend un frère ou une sœur pour un péché.

 

            Voilà, en fait, l’expression du cœur même de Dieu en regard de la discipline. Il voit chaque âme comme un trésor à récupérer. Voilà tout le contexte dans lequel Christ a prononcé ces paroles. Les versets précédant immédiatement ces instructions sur la discipline comparent Dieu à un bon berger, qui se soucie de chaque brebis du troupeau :

 

            « Que vous en semble? Si un homme a cent brebis, et que l’une d’elles s’égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s’est égarée?  Et, s’il la trouve, je vous le dis en vérité, elle lui cause plus de joie que les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées.  De même, ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu’il se perde un seul de ces petits. » (Matthieu 18:12-14).

 

            Chaque chrétien doit avoir la même préoccupation. Il est parfois tentant d’emprunter la voie du moindre effort et d’éviter de reprendre – surtout quand le péché éloigne déjà le frère ou la sœur de la communion. Mais c’est le moment ou nous devrions être le plus impliqués. C’est le cœur même d’un véritable berger, qui ira jusqu’où il le faut pour récupérer la brebis manquante ou blessée, et pour la ramener dans le troupeau.

 

            Reprendre n’est pas facile, et ne devrait pas l’être. Nous n’avons pas à mettre constamment le nez dans les affaires des autres, mais quand nous sommes conscients que quelqu’un a péché, devant Dieu, nous avons le devoir de le reprendre avec amour. Nous ne pouvons pas protester en prétendant que ce n’est pas notre affaire. Quand nous prenons conscience d’un péché qui menace l’âme d’un autre croyant, il nous appartient d’exhorter, de reprendre et de travailler à la pureté de la communion de l’Église, et à la victoire dans la vie de ce pécheur. Ce sont des responsabilités nobles et indispensables.

 

            Nous devons cependant nous garder des abus et garder en vue, à tout moment, les buts affectueux d’une saine discipline. Il existe un réel danger d’aimer trop se réprimander les uns les autres. L’orgueil peut empoisonner le processus disciplinaire, exactement comme il contamine chaque vertu. Voilà pourquoi Jésus a averti ceux qui reprennent de s’examiner eux-mêmes avant d’essayer d’ôter la paille de l’œil d’un frère. Nous devons nous assurer que nous n’avons pas une poutre dans notre œil (Mt.7.3-5) !

 

            Il n’est pas rare que l’impénitent accuse ceux qui l’ont repris de manquer d’amour, d’être injustes, désagréables ou encore abusifs. Voilà une raison de plus, pour ceux qui exercent la discipline, de veiller à agir avec amour, après s’être examinés attentivement et avoir longtemps usé de patience.

 

LA PERSONNE

 

            Remarquez que le processus disciplinaire débute au niveau individuel. « Si ton frère a péché, reprends-le entre toi et lui seul » (v.15). La discipline n’est pas établie par une commission. Si le coupable se repent, il n’y a pas lieu d’impliquer quelqu’un d’autre. Ainsi, quand la discipline réussit, elle élimine les effets du péché et limite le nombre de gens qui en sont au courant. Loin de faire connaître indûment le péché de quelqu’un, le processus de discipline en confie autant que possible la connaissance. Dans la plupart des cas, si la repentance apparaît assez tôt dans le processus, il n’y a que le coupable et la personne qui le reprend qui connaîtront l’offense.

 

            La réprimande personnelle et privée prescrite dans Matthieu 18 signifie également que la discipline d’Église est la responsabilité de chaque croyant dans l’Église. Ce n’est pas quelque chose qu’on délègue aux responsables de l’Église. En fait, si vous voyez un frère dans le péché, une mauvaise réaction serait de rapporter son péché aux dirigeants de l’Église, ou à qui ce soit d’autre : « vas et reprends-le entre toi et lui seul » (v.15).

 

            Trop de chrétiens considèrent la discipline comme le domaine exclusif des anciens de l’Église. Ce n’est pas le cas. La pureté de l’Église est l’affaire de chaque chrétien. La responsabilité de censurer le péché qui souille l’Église revient à la première personne qui en a connaissance. Ne vous en remettez pas à quelqu’un d’autre. Ne répandez pas la connaissance du péché plus que nécessaire. Par-dessus tout, ne faites pas que dire : « Bien, je prierai pour que mon frère voie la lumière ». Cela peut être insuffisant. Vous avez la lumière : allez et faites-la briller à ses yeux !

 

 

LA PROVOCATION  

 

            Quels sont les péchés qui doivent faire l’objet d’une discipline ? Toute offense sur laquelle on ne peut passer sans nuire au coupable ou au corps de Christ. (Voir chapitre 6).

 

            Quand on réalise que tous les péchés qui doivent faire l’objet d’une discipline sont des péchés contre tout le Corps de Christ. Ainsi, que le péché d’un autre soit directement dirigé contre vous ou qu’il ne soit qu’indirect (parce que c’est un péché qui déshonore tout le Corps), montrez-lui sa faute en privé. Supposons que vous voyiez un frère en Christ dans une situation moralement compromettante. Devriez-vous le reprendre ? À tout prix ! Il serait mal, et cela pourrait finalement nuire au Corps tout entier, de penser que, n’étant pas directement victime de l’offense, vous n’avez aucune obligation de censurer le péché de votre frère. C’est exactement ce genre de situation que Paul reprochait aux Corinthiens de tolérer en leur sein (1 Co 5).

 

            Voici quelques exemples de péchés dont vous pourriez être la victime directe : si quelqu’un vous attaque physiquement dans un moment de colère, vous vole quelque chose, vous maltraite, vous calomnie, ou commet un crime d’immoralité contre vous. Une mauvaise réaction dans de tels cas consiste à se venger, à rendre le mal pour le mal, à garder rancune ou à rapporter le péché à d’autres sans d’abord être allé vers votre frère. Votre amour pour lui exige que vous réagissiez immédiatement par une réprimande privée.

 

            Les offenses indirectes contre vous incluent tout péché qui peut déshonorer l’Église. Cela inclut les péchés qui ont tendance à éloigner le pécheur de la communauté des croyants, comme les mondanités habituelles, la paresse, la négligence des obligations spirituelles de quelqu’un et même des erreurs doctrinales. Quand un frère ou une sœur s’éloigne de notre communion, son absence affecte tout le Corps. Aussi, tout péché pouvant causer une telle absence est un péché qui devrait être censuré. Toute habitude de désobéissance à Christ, ou tout autre péché qui déshonore le nom de Christ, est également un péché indirect contre nous, parce que comme ambassadeurs de Christ nous portons son déshonneur.

 

            Même les péchés contre les non-chrétiens sont sujets à la discipline d’Église, parce que ces péchés déshonorent Christ aux yeux du monde et déshonorent de ce fait toute la communauté chrétienne. Ainsi, tout péché que vous remarquez est motif à exercer la discipline, pas seulement les péchés dont vous êtes victime. Dans tous ces cas, votre devoir est le même : vous devez confronter le coupable en privé.

 

 

LE PROCESSUS

 

            Que faire si le frère qui pèche refuse de vous écouter ? Alors, la réprimande privée est seulement la première étape. Trois autres étapes sont très clairement présentées dans le passage. Examinons l’ensemble du processus, en commençant par la réprimande privée.

            Première étape :

            Reprends-le en privé

 

            « Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul » (v.15). Le verbe traduit « va » est à l’impératif présent, ce qui veut dire que c’est un commandement, pas une suggestion, ni même un choix possible. Si vous voyez votre frère dans le péché, vous devez aller.

 

            Et allez-y seul pour commencer. Il n’y a pas lieu d’impliquer d’autres personnes à ce stade. Ne rapportez pas l’offense à d’autres, même sous le prétexte de chercher un soutien dans la prière. Allez seulement tranquillement vers votre frère ; parlez-lui de sa faute seul à seul avec lui.

 

            La discipline est difficile à exercer avec des amis proches, car trop de choses sont en jeu. De plus, ceux qui vous connaissent le mieux peuvent répondre en soulignant quelques-uns de vos propres péchés. Mais la discipline est également difficile à exercer avec ceux que nous ne connaissons pas bien. Nous avons tendance à penser : Qui suis-je pour m’ingérer dans la vie de cette personne ? Par conséquent, nous sommes intimidés par l’idée de reprendre des amis, et nous tendons à être indifférents envers ceux qui ne nous sont pas proches. De toute façon, nous devons voir que ce que Christ commande ici est un devoir solennel et nous ne pouvons pas justifier le fait de ne rien faire par souci de commodité.

 

            Que faire si vous êtes  aussi coupable que votre frère ? Jésus n’a-t-il pas suggéré que la poutre dans votre œil devrait vous empêcher de vous occuper de la paille dans celui de votre frère ? Pas du tout. « ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère » (Matt. 7.5). Mais si vous aimez vraiment votre frère, vous ne pouvez ignorer son péché. Ayant réglé votre propre péché, vous serez alors dans une meilleure position pour reprendre votre frère avec l’esprit d’humilité qui convient. Il n’est jamais bien de reprendre un frère avec une attitude hypocrite et prétentieuse, comme pour vous donner bonne figure, et à lui mauvaise figure. Vous devez aller vers lui dans l’amour et l’humilité avec un désir de le rétablir.

 

            Le verbe grec dans l’expression « reprends-le » (ou « montre-lui sa faute ») est un mot qui communique l’idée d’une lumière qui expose quelque chose de caché. C’est un appel clair et précis à révéler l’offense du frère. L’expression « reprends-le » n’implique pas obligatoirement qu’il soit jusque-là inconscient de son péché. Ce processus n’est pas limité aux péchés par ignorance. L’expression signifie plutôt que vous devriez dévoiler ce que vous connaissez au sujet de son péché, de manière à ce qu’il réalise que son péché est connu et qu’il doit en rendre compte. S’il croyait que son péché était secret, il doit réaliser qu’il a été découvert. S’il pensait pouvoir pécher sans conséquences, il doit maintenant en répondre.

 

            Si la première étape de la discipline a réussi, il se repentira. Ce sera la fin du processus, auquel cas : « tu as gagné ton frère ». Vous aurez avec lui un lien d’intimité que rien ne pourra briser.

 

            S’il se repent, dans la plupart des cas, il n’y a rien d’autre à faire. Naturellement, vous voudrez l’encourager à démontrer l’authenticité de sa repentance en faisant ce qu’il faut pour rectifier les choses. S’il y a lieu de faire une restitution, insistez pour qu’il le fasse. Si d’autres personnes ont été directement blessés par son péché, il devrait aller vers elles pour chercher la réconciliation (Mt 5.23, 24). Mais s’il démontre une véritable repentance, cela devrait mettre un terme au processus. Les parties non impliquées jusque-là n’ont pas à être mises au courant. Aucune discipline supplémentaire n’a besoin d’être imposée. Vous pouvez vous réjouir d’avoir gagné votre frère. Idéalement, c’est là la dernière étape dans la majorité des cas de discipline.

 

Deuxième étape :

Prends quelques témoins

 

            Malheureusement, toutefois, ce n’est parfois pas la fin de la question. « Mais, s’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins » (v.16). Parfois, le frère coupable refuse d’accepter le reproche. Il peut nier sa culpabilité ; il peut continuer à pécher intentionnellement ; il peut essayer de cacher ce qu’il a fait. Peu importe sa réponse, s’il n’y a pas de repentance – et en présumant que vous êtes certain de sa culpabilité – vous devez alors prendre un ou deux autres croyants avec vous et de reprendre à nouveau.

 

            La présence d’une ou de deux autres personnes visent plusieurs buts. Le premier et le plus pragmatique, cela augmente la pression. La ou les personnes que vous avez prises avec vous représentent le début de l’implication de toute l’Église dans le problème. En conséquence, le coupable est averti que s’il persiste dans le péché, les conséquences seront de plus en plus graves. Encore une fois cependant, le principal objectif n’est rien de moins que de regagner votre frère. La première étape est reprise ; vous devez lui montrer encore son péché, avec soin, patience et amour. Mais cette fois-ci, c’est en présence d’un ou de deux témoins.

 

            Il y a une autre raison d’amener une ou deux autres personnes pour la deuxième étape ; elles servent de témoins. Le principe des deux témoins fut établi dans la loi de Moïse (Deut 19.15) pour établir la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable avant qu’un verdict ne soit rendu, spécialement dans des cas de procès. Ainsi, avoir des témoins pour la deuxième étape de discipline suggère aussi que l’aboutissement du processus sera une forme de jugement, si l’offenseur ne se repent pas.

           

Troisième étape :

Dis-le à l’Église

 

            Qu’arrive-t-il si le coupable refuse toujours de se repentir ? Les instructions de Jésus sont claires : « S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église » (v.17).

 

            C’est là que plusieurs Églises se dérobent. Il est facile de trouver des raisons pour passer outre à ce commandement : C’est dur ; les gens seront offensés. C’est embarrassant pour la personne qui doit être disciplinée. L’image publique de l’Église sera ternie. Que se passera-t-il si une personne sous discipline poursuit l’Église ? La difficile réalité du processus disciplinaire peut faire fuir des incroyants. Il vaut mieux régler les questions de péché dans la discrétion que sous les feux de la rampe.

            Mais, face à tous ces arguments, il y a une raison convaincante pour laquelle l’Église ne peut se permettre d’ignorer cette importante étape de la discipline : Christ l’a commandée, et elle est ainsi requise de tous ceux qui désirent l’honorer comme Seigneur.

 

            Gardez à l’esprit que le but prépondérant de toute discipline est d’essayer de regagner l’offenseur. C’est également le but de cette étape. L’Église doit être informée du péché de la personne, non pour en faire un sujet de commérages, mais pour assurer l’aide de toute l’assemblée dans l’exhortation du frère qui a péché.

 

            Le but est le même à chaque étape du processus. S’il y a davantage de personnes qui sont impliquées à ce stade-ci, c’est pour poursuivre le frère pécheur plus efficacement. À la première étape, une seule personne reprend le pécheur. S’il n’y a pas de réponse satisfaisante, l’exhortation est réitérée dans la présence de deux ou trois témoins. S’il n’y a toujours pas de repentance, toute l’Église est engagée dans l’exhortation auprès de ce frère.

 

            Une fois de plus, nous voyons que la discipline est la responsabilité de toute l’Église. Elle n’est pas déléguée à un seul individu. Elle n’est pas seulement la responsabilité du prédicateur ou des anciens. C’est un devoir collectif. Et encore une fois, elle peut garder l’Église d’abus de pouvoir tels que ceux décrits par l’apôtre Jean :

 

            « J’ai écrit quelques mots à l’Eglise; mais Diotrèphe, qui aime à être le premier parmi eux, ne nous reçoit point.  C’est pourquoi, si je vais, je rappellerai les actes qu’il commet, en tenant contre nous de méchants propos; non content de cela, il ne reçoit pas les frères, et ceux qui voudraient le faire, il les en empêche et les chasse de l’Eglise. » (3 Jean 1:9-10).

 

            Diotrèphe abusait apparemment de son pouvoir et de son influence de dirigeant dans cette Église, en refusant de recevoir des gens, et même en excommuniant certains de son propre chef. Ce n’est jamais la tâche d’une personne seule de rendre un tel jugement. La discipline d’Église est un devoir collectif, et c’est pourquoi, avant d’excommunier qui que ce soit, toute l’Église doit être impliquée dans le processus. Ce n’est qu’après que chacun dans l’Église aura eu l’occasion de tenter de rétablir le frère pécheur qu’il peut finalement être expulsé de l’Église.

 

            Après tout, c’est toute l’Église qui est affectée par le péché. Si après tout cela, le coupable se repent, ce sera le devoir de tous de réaffirmer leur amour et leur pardon. Paul donne précisément ces instructions :

 

« Si quelqu’un a été une cause de tristesse, ce n’est pas moi qu’il a attristé, c’est vous tous, du moins en partie, pour ne rien exagérer.  Il suffit pour cet homme du châtiment qui lui a été infligé par le plus grand nombre,  en sorte que vous devez bien plutôt lui pardonner et le consoler, de peur qu’il ne soit accablé par une tristesse excessive.  Je vous exhorte donc à faire acte de charité envers lui; » (2 Corinthiens 2:5-8).

 

            En fin de compte, toute l’église se trouva impliquée dans la démarche entreprise envers ce pécheur. Il semble qu’il ait finalement répondu par la repentance. Ainsi, Paul disait en fait : « Maintenant qu’il a répondu, ne vous écartez pas de lui et ne le persécutez pas. Entoures-le plutôt, et pardonnez-lui dans l’amour ». Ils avaient regagné leur frère.

 

            Mais supposons que le coupable ne se repente pas. Combien de temps l’Église devrait-elle attendre avant de passer à la quatrième étape ? Jusqu’à ce qu’il devienne évident que le coupable ne fait qu’endurcir son cœur. Il n’y a pas de limites de temps stipulée dans l’Écriture, mais je suis porté à croire que ce devrait être un délai plutôt court, tout au plus quelques semaines, plutôt que des mois ou des années. Dieu demande lui-même une réponse, et un délai ne peut qu’être l’indication d’un endurcissement du cœur (voir Héb. 4.7).

 

Quatrième étape :

Considère-le comme un païen

 

            L’étape finale dans le processus disciplinaire inclut l’excommunication ` »s’il refuse aussi d’écouter l’Église qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain » (Mt 18.17). Cela ne veut pas dire qu’on doit le mépriser. Cela veut dire qu’on doit le considérer comme un incroyant. L’endurcissement répété de son cœur met en cause la réalité de sa foi. Désormais, on devrait le considérer comme quelqu’un à évangéliser plutôt que comme un frère dans le Seigneur.

 

            Cela implique la révocation de son adhésion comme membre de l’Église. Il ne doit plus être considéré comme un membre du Corps. Il doit plutôt être considéré comme un incroyant, et ainsi, il ne doit pas avoir le droit de participer aux bénédictions et aux bénéfices de l’assemblée chrétienne. Plus précisément, il ne devrait pas être accepté à la célébration de la table du Seigneur. Voilà exactement ce que le terme excommunication veut dire.

 

            Mais en ce qui concerne le traitement des membres de l’Église envers lui, cela ne constitue pas une licence pour le traiter avec hostilité et mépris. En fait, le traitement que Jésus réservait aux païens et aux collecteurs d’impôt est principalement remarquable par la manière dont il les abordait avec amour. Une même sorte de poursuite évangélique compatissante devrait caractériser notre traitement de ceux qui ont été excommuniés de cette manière, avec une différence significative : aussi longtemps que le prétendu frère (1Cor 5.11) demeure impénitent, les croyants ne doivent pas entretenir de relations avec lui comme s’il ne s’était rien produit. De façon à envoyer un avertissement clair au pécheur concerné et au monde qui observe, il doit même être exclu des activités sociales habituelles de la communauté chrétienne. Paul a écrit :

 

           

 

Je vous ai écrit dans ma lettre de ne pas avoir des relations avec les débauchés-  non pas d’une manière absolue avec les débauchés de ce monde, ou avec les cupides et les ravisseurs, ou avec les idolâtres; autrement, il vous faudrait sortir du monde.  Maintenant, ce que je vous ai écrit, c’est de ne pas avoir des relations avec quelqu’un qui, se nommant frère, est débauché, ou cupide, ou idolâtre, ou outrageux, ou ivrogne, ou ravisseur, de ne pas même manger avec un tel homme. (1 Corinthiens 5:9-11 NEG).

 

            Paul met en évidence cette distinction entre les incroyants que nous rencontrons tous les jours et ceux qui professent être croyants et qui vivent comme des incroyants : Nous vous recommandons, frères, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, de vous éloigner de tout frère qui vit dans le désordre, et non selon les instructions que cous avez reçues de nous » (2 Thess 3.6). De même, il a écrit : « Je vous exhorte, frères, à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales, au préjudice de l’enseignement que vous avez reçu. Éloignez-vous d’eux. Car de tels hommes ne servent point Christ notre Seigneur, mais leur propre ventre ; et, par des paroles douces et flatteuses, ils séduisent les cœurs des simples » (Ro 16.17, 18). En d’autres mots, à cause de la forte tendance des gens à se laisser tromper par ceux qui professent la foi en Christ alors qu’ils vivent dans la désobéissance, on doit établir des limites aussi claires que possible. Nous devons avoir aussi peu de rapports que possible avec de telles personnes.

 

            Encore une fois, il ne s’agit pas de devenir leur ennemi ni d’être malveillants envers eux, mais d’établir clairement que le péché volontaire est incompatible avec la communion chrétienne. Puisque ces gens s’identifient à Christ et qu’ils se « nomment frères », il devient primordial pour toute la communauté de démontrer que leur rébellion délibérée contre Christ est incompatible avec une profession de foi en lui.

 

            Mais même à ce stade-là, le premier objectif visé est de regagner le coupable. Paul dit : « Ne le regardez pas comme un ennemi, mais avertissez-le comme un frère » (2 Thess 3.15). Dans un sens, vous ne le laisserez jamais réellement partir ; même si vous le mettez hors de l’Église, et hors de votre sphère de communion sociale, vous ne cesserez de l’y rappeler. Si à un moment donné le coupable démontre une véritable repentance, il doit être accepté à nouveau dans la communion. Mais jusque-là, il doit être considéré comme un étranger.

 

            Par exemple, Paul a recommandé aux Corinthiens d’excommunier l’homme incestueux de leur sein. Il a écrit :

 

            « On entend dire généralement qu’il y a parmi vous de la débauche, et une débauche telle qu’elle ne se rencontre même pas chez les païens; c’est au point que l’un de vous a la femme de son père.  Et vous êtes enflés d’orgueil! Et vous n’avez pas été plutôt dans l’affliction, afin que celui qui a commis cet acte soit ôté du milieu de vous! » (1 Corinthiens 5:1-2 NEG).

 

            Le récit ne dit pas si on avait fait quoi que ce soit pour amener cet homme à la repentance. Mais son péché était déjà connu de tous, et il demeurait dans la plus choquante immoralité sans se repentir le moindrement. L’heure de l’excommunier était depuis longtemps passée. Paul a donc exercé son pouvoir apostolique et a ordonné l’excommunication immédiate de l’homme :

 

            « Pour moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a commis un tel acte.  Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus,  qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus. » (1 Corinthiens 5:3-5 NEG).

 

            Les mots de Paul sont durs, mais ils donnent un aperçu de ce qu’est l’excommunication. Le pécheur est « livré à Satan pour la destruction de la chair ». En d’autres mots, il est placé sous le régime satanique du péché et de la dissipation qu’il a choisi, où il récoltera toutes les conséquences de son péché. Celui qui est excommunié s’enfoncera peut-être très profondément dans le péché avant de se repentir. Si c’est un croyant authentique, cela devrait être une motivation supplémentaire pour se repentir, et il sera finalement sauvé, comme à travers le feu (1 Co 3.15). Une fois encore, l’objectif principal demeure la repentance et le rétablissement du coupable.

 

            Il y a cependant, à ce stade-ci, un objectif secondaire à considérer : la pureté de toute la communauté chrétienne. Le péché délibéré est semblable au levain. S’il est toléré, il envahira tout le corps. « Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever la pâte ? Faîtes disparaître le vieux levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle, puisque vous êtes sans levain » (1 Co 5.6, 7). Le croyant impénitent doit être exclu de l’assemblée.

 

            Remarquez que Paul appelle les conséquences de la rébellion persistante du coupable et son excommunication subséquente la « destruction de la chair » (v.5). Le péché, particulièrement le péché volontaire et toutes les espèces de dévergondage, soutirent souvent un tribut physique au pécheur. Les conséquences naturelles du péché peuvent inclure la maladie, ou même dans des cas extrêmes, la mort (1 Co 11.30). Dans le processus disciplinaire, l’Église confie, en fait, le pécheur aux conséquences de son péché.

 

            En cela il y a un élément punitif. Dans 2 Corinthiens 2.6, Paul rappelle le « châtiment ».

 

            Cependant, il y a aussi un élément curatif. Paul parle d’ »Hyménée et d’Alexandre, qu’il a livré à Satan, afin qu’ils apprennent à ne pas blasphémer » (1 Ti 1.20). Le fait de subir les conséquences de leurs péchés devait être une expérience d’apprentissage. Paul espérait sans doute que cela les inciterait à se repentir.

 

 

LA PRÉSENCE

 

 

            Jésus poursuit l’enseignement d’une vérité incroyable concernant la discipline de l’Église : c’est un instrument par lesquels Dieu lui-même discipline son peuple. Il est à l’œuvre dans le processus disciplinaire. Jésus a dit :

 

            « Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel.  Je vous dis encore que, si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 18:18-19 NEG).

 

            Ces deux versets sont souvent pris hors de leur contexte et appliqués à toutes sortes de requêtes de prières. Mais ils s’appliquent particulièrement au sujet de la discipline d’Église. Les expressions « tout ce que vous lierez » et « tout ce que vous délierez » se rapportent au verdict de l’Église dans un cas de discipline. Lier et délier sont des termes rabbiniques que les disciples connaissaient sans doute très bien. Ils évoquaient l’esclavage du péché et la libération de sa culpabilité. Jésus leur disait en fait que le ciel est d’accord avec le verdict de l’Église dans les cas de discipline bien exercée.

 

            Le temps des verbes, dans la citation précédente de Matthieu 18.18, est rendu littéralement. Ce n’est pas que le ciel suive l’initiative de l’Église, mais que, lorsqu’on administre bien la discipline, tout ce qui se fait sur terre a déjà été fait dans le ciel. N’est-ce pas une des requêtes de prière du Notre Père ? – « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6.10). Si la volonté de Dieu doit être faite sur la terre comme elle l’est au ciel, l’Église doit appliquer la discipline appropriée aux membres pécheurs.

 

            Cette promesse doit servir de réconfort et d’encouragement. Trop de gens pensent que le fait de reprendre les pécheurs dénote un manque d’amour de la part de l’Église. Mais la vérité, c’est que, lorsque l’Église pratique la discipline commandée par Christ, elle ne fait en réalité qu’accomplir l’œuvre du ciel sur la terre.

 

            Le verset 19 est aussi souvent mal compris. Le mot grec traduit « s’accordent » est le même mot dont est dérivé le mot symphonie. Il signifie littéralement « produire un ensemble ». Que le verdict lie ou délie, quand l’Église est en harmonie – et particulièrement les « deux ou trois témoins » qui établissent le fait que le pécheur est impénitent -, le Père est aussi en accord. Ce verset ne veut pas dire que chaque fois que deux personnes s’accordent pour quelque chose, Dieu doit exaucer leur requête de prière. Les « deux » du verset 19 sont les deux témoins dont les dires sont en accord. S’ils sont également en accord avec la volonté de Dieu lorsqu’ils imposent la discipline à un frère pécheur, ils peuvent être certains que Dieu lui-même œuvre parmi eux et eux pour eux.

 

            Le verset 20 répète une promesse semblable de la part de Christ : « Car là ou deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Il n’y a pas que le Père qui agisse en accord avec nous (v.19), le Fils le fait tout autant (v.20).

 

            Même si le verset 20 est souvent cité pour invoquer la présence de Christ aux réunions des prières, c’est une mauvaise interprétation de l’intention de ce verset. Bien entendu, Dieu est omniprésent ; il est donc présent qu’il y ait une personne qui prie ou cinquante. Mais dans le contexte actuel, l’expression « deux ou trois » nous renvoie aux « deux ou trois témoins » du verset 16. Et le verset ne parle pas seulement de la présence de Christ, mais de sa participation au processus disciplinaire. Il se joint à la discipline administrée par l’Église, une redoutable réalité pour ceux qui doivent appliquer la discipline.

 

 

 

LA PRIORITÉ

 

            Le but premier de toute discipline d’Église est de rétablir le frère ou la sœur qui ont péché. Ce but ne doit pas être abandonné, même après l’excommunication. Et si un jour le coupable se repent, il doit être rétabli et reçu avec beaucoup de compassion et d’amour. Un autre passage de l’Écriture, Galates 6, décrit trois étapes importantes dans le rétablissement du frère ou de la sœur qui sont tombés dans le péché.

 

Redressez-le

 

            Paul dit : «Frères, si un homme vient à être surpris en faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté.» (Galates 6:1 NEG). L’expression « surpris en faute » veut littéralement dire « ayant fait un faux pas ». Cela désigne un trébuchement, une gaffe ou une chute. Parce que le mot a été traduit « faute » certains interprètes estiment qu’il s’agit de quelque chose de moins grave qu’un péché. Pourtant, c’est exactement le même mot qui est traduit « offenses » dans Matthieu 6.15 (« Si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses »). Le même mot est également utilisé dans Romains 4.25 (« qui a été livré pour nos offenses, et est ressuscité pour notre justification »). C’est clairement une allusion au péché.

 

            Paul dit expressément que le rétablissement de celui qui a été pris en faute doit être fait par « vous qui êtes spirituels ». C’est l’expression que Paul utilise pour désigner ceux qui ont du discernement : « L’homme spirituel, au contraire, juge de tout » (1 Co 2.15). C’est le croyant rempli de l’esprit (Éph. 5.18), en qui la parole demeure dans toute sa richesse (Col. 3.16).

 

            Le mot traduit « redressez » signifie littéralement « réparer, raccommoder ou remettre à neuf ». Il évoque l’idée de restaurer quelque chose d’endommagé à son état initial. C’est le même mot que Matthieu utilise dans Matthieu 4.21 quand il parle de Jacques et de Jean qui réparent leurs filets.

 

            Celui qui voudrait rétablir un frère qui a chuté doit le faire dans une attitude de profonde humilité : « prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté », qui rappelle 1 Corinthiens 10.12 : « Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! » Aucun chrétien n’est invincible. Aucun d’entre nous n’est exempt de péché ; nous ne sommes donc pas en position d’adopter une attitude hautaine envers ceux qui ont besoin d’être rétablis. L’amour envers eux et une simple humilité exigent que nous ne tentions pas une thérapie de l’œil pour enlever la paille de leur œil avant de nous être assurés que nous n’avons pas une poutre dans le nôtre.

 

            Le rôle de celui qui rétablit est donc celui d’un croyant mûr, humble, ayant du discernement et le désir de relever et d’encourager un frère dans le besoin. Ne dites pas : Cette tâche devrait être confiée à quelqu’un d’autre que moi. Ce passage décrit le type de chrétien que nous devrions tous être.

 

Soutenez-le

 

             Il y a plus. Celui qui rétablit doit aussi vouloir être prêt à aider à porter le fardeau du frère qui a chuté. Le verset 2 poursuit : « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Christ ».

 

            De quels fardeaux est-il question ? Remarquez que dans ce contexte, le sujet de Paul est la marche chrétienne. « Marchez selon l’esprit » (Ga 5.16, 25). On peut voir ici l’image de deux voyageurs. L’un prend une partie du fardeau de l’autre qui a trébuché sous la charge trop lourde à porter (« surpris en faute »). Il aide donc le frère tombé à se relever et se charge d’une partie de son fardeau.

 

            Le mot « fardeaux » représente des faiblesses spirituelles qui peuvent provoquer une chute. Nous pouvons aider à porter de tels fardeaux par l’encouragement, l’exhortation et la demande de comptes. Quelque chose d’aussi simple que le développement d’une amitié peut avoir un merveilleux effet de raffermissement sur un chrétien faible.

           

 

Édifiez-le

 

            Au verset 6, nous lisons : « Que celui à qui l’on enseigne la parole fasse part de tous ses biens à celui qui l’enseigne » (Ga 6.6). Paul parle toujours dans le contexte du rétablissement du frère pécheur. À première vue, ce verset semble avoir peu à voir avec le processus du rétablissement. Mais voici ce que Paul est en train de dire : « celui à qui l’on enseigne », c’est celui qu’on rétablit et « celui qui l’enseigne », c’est celui qui travaille au rétablissement. Celui à qui l’on enseigne et celui qui enseigne doivent avoir un ministère d’édification l’un envers l’autre.

 

            Voilà donc le processus de rétablissement : redressez vos frères et sœurs qui sont tombés, soutenez-les et édifiez-les.

           

HUIT

*****

 

LES BÉNÉDICTIONS DU PARDON

 

            Or, à qui vous pardonnez, je pardonne aussi; et ce que j’ai pardonné, si j’ai pardonné quelque chose, c’est à cause de vous, en présence de Christ,  afin de ne pas laisser à Satan l’avantage sur nous, car nous n’ignorons pas ses desseins. (2 Corinthiens 2:10-11)

 

 

            Le refus de pardonner est comme une toxine. Il empoisonne le cœur et la pensée avec l’amertume, en déformant toute la perspective que l’on a de la vie. La colère, le ressentiment et la tristesse commencent à obscurcir et à submerger celui qui refuse de pardonner. C’est une sorte de pollution de l’âme qui enflamme les mauvais appétits et les mauvais sentiments. Une telle amertume peut même se répandre d’une personne à l’autre, et finir par en infecter plusieurs. (Héb 12.15).

 

            Le pardon est le seul antidote. Le pardon est un acte de libération sain, salutaire et vertueux. Le pardon déclenche la joie. Il procure la paix. Il lave l’ardoise. Il met en action toutes les plus nobles vertus de l’amour.

 

            Dans un sens, le pardon c’est le christianisme à son meilleur.

 

            Le passage de 2 Corinthiens 2 renferme un portrait du pardon qui convient parfaitement comme addition à notre étude de la discipline d’Église, et comme résumé sur les vertus du pardon. L’apôtre Paul exhorte les Corinthiens à pardonner à un homme qu’ils ont discipliné, mais qui s’est repenti de son péché. Paul les implore d’accueillir à nouveau le frère repentant dans leur communion et de cesser de le punir pour son offense. Ce faisant, l’apôtre met en lumière quelques-unes des nombreuses bénédictions du pardon.

 

            Mais Paul était plus que prêt à pardonner. Loin de se ranger du côté de ceux qui voulaient punir davantage le coupable, il leur a demandé de lui pardonner et de le rétablir immédiatement :

 

            « Si quelqu’un a été une cause de tristesse, ce n’est pas moi qu’il a attristé, c’est vous tous, du moins en partie, pour ne rien exagérer.  Il suffit pour cet homme du châtiment qui lui a été infligé par le plus grand nombre,  en sorte que vous devez bien plutôt lui pardonner et le consoler, de peur qu’il ne soit accablé par une tristesse excessive.  Je vous exhorte donc à faire acte de charité envers lui;  car je vous ai écrit aussi dans le but de connaître, en vous mettant à l’épreuve, si vous êtes obéissants en toutes choses.  Or, à qui vous pardonnez, je pardonne aussi; et ce que j’ai pardonné, si j’ai pardonné quelque chose, c’est à cause de vous, en présence de Christ,  afin de ne pas laisser à Satan l’avantage sur nous, car nous n’ignorons pas ses desseins. (2 Corinthiens 2:5-11 NEG)

 

            Et afin de bien se faire comprendre, Paul utilise cet homme repentant comme leçon d’objet pour les Corinthiens. Il leur demande de lui pardonner et de le rétablir, sans lui imposer un autre châtiment. La demande de l’apôtre met en lumière sept bénédictions qui découlent du pardon.

 

 

LE PARDON TRIOMPHE DE L’ORGUEIL

 

 

            Il est fort probable que Paul ait demandé aux Corinthiens de discipliner cet homme jusqu’à ce qu’il se repente, comme il l’avait fait dans le cas de l’homme incestueux dans 1 Corinthiens 5.

            Mais maintenant que l’homme s’était repenti, il était temps de lui pardonner. Et Paul, même s’il était probablement la cible de l’offense initiale de l’homme, a pris l’initiative de lui accorder le pardon.

            C’est un exemple rafraîchissant de piété. Souvent la partie offensée se croit justifiée de retenir le pardon. Pas Paul. Il n’a exigé aucune excuse personnelle. Il n’a pas recherché d’acte de pénitence. Toute autre personne aurait pu exiger que le cas de l’homme demeure en suspens jusqu’à ce que Paul puisse venir à Corinthe pour juger personnellement de l’authenticité de sa contrition. Mais Paul ne l’a pas fait. Il était impatient de pardonner.

 

            Cela démontre bien l’absence d’orgueil dans le cœur de Paul. L’orgueil, j’en suis convaincu, est la raison première qui empêche la plupart des gens de pardonner. Ils s’apitoient sur eux-mêmes (ce qui n’est rien d’autre qu’une forme d’orgueil). Leur ego est blessé et ils ne le supportent pas. L’orgueil peut se manifester de bien des manières à la suite d’une offense, depuis le plaisir dans l’apitoiement sur soi-même jusqu’à la vengeance par une offense plus grave. Toutes ces réactions sont mauvaises, car elles ne sont motivées que par l’orgueil.

 

            Mais cela n’intéressait pas Paul. La glorification de soi, la protection de soi, l’amour propre, l’orgueil, la vengeance et les représailles n,avaient pas leur place dans son cœur.. Il ne voulait pas de pitié. Il n’encourageait pas ceux qui voulait se charger de l’offense qu’on lui avait faite et s’assurer que l’offenseur la paye en totalité. Paul ne recherchait pas la faveur de ceux qui étaient en colère parce qu’on l’avait offensé.

 

            Ce sont toutes là des réactions naturelles provoquées par l’orgueil. Quand nous sommes offensés et que quelqu’un d’autre exprime son indignation pour le mal qu’on nous a fait, nous avons tendance à nous en délecter avec un plaisir égoïste. Quelqu’un vous dira : « Mon pauvre ami ! Ce que vous avez dû subir ! Combien vous avez dû souffrir ! Vous êtes dignes d’éloges pour avoir supporté une souffrance si insoutenable ! » Que cela nous fait donc plaisir.

            Cela n’intéressait pas Paul. Il refusait d’exagérer l’offense. « Si quelqu’un a été une cause de tristesse, ce n’est pas moi qu’il a attristé […] » (2 Cor 2.5). En d’autres mots, même si l’offense de l’homme a semblé avoir occasionné un affront personnel et peut-être public à Paul, l’apôtre refusait de lui en vouloir. Il n’insistait absolument pas sur l’aspect personnel de l’offense.

Voilà la vertu à son meilleur. Paul s’est simplement élevé au-dessus de l’offense et du coupable, et s’est soustrait au statut de victime.  

 

            La psychologie moderne pousse les gens dans la direction contraire, en leur enseignant souvent à se considérer comme des victimes et à amplifier la culpabilité des autres. J’ai vu un livre écrit par un psychologue avec un chapitre intitulé : « Vous n’avez pas à pardonner ». C’est un très mauvais conseil. L’apitoiement sur soi est un péché d’orgueil. L’ego blessé qui ne peut s’élever au-dessus d’une offense est l’antithèse de la ressemblance à Christ.

 

            Paul était un homme pieux. Il était trop humble pour chercher à se venger quand son ego était blessé. Les affronts personnels et la tristesse personnelle n’avaient aucun intérêt pour lui.

            Il fait une déclaration nuancée : « ce n’est pas moi qu’il a attristé, c’est vous tous, du moins en partie, pour ne rien exagérer » (2 Cor 2.5). Paul avait résolu de minimiser l’offense de l’homme, et non seulement l’offense envers lui-même. Paul voulait également que les Corinthiens minimisent l’importance de leur propre blessure au profit du rétablissement de l’homme. L’expression « du moins en partie » laisse entendre que la peine de l’homme avait causée aux Corinthiens était limitée. Autrement dit : il a causé de la tristesse, dans une certaine mesure, mais ne l’exagérons pas trop ». Il était temps d’aller de l’avant, d’enterrer le péché de l’homme repentant et de ne pas partir en croisade dans l’Église.

 

            Paul rejette donc toute tristesse personnelle que l’offense de l’homme lui avait causée et il décourage les Corinthiens d’exagérer l’importance de la tristesse qu’il leur avait causée. Maintenant que l’homme s’était repenti, ils ne devaient pas s’attarder indûment à cette offense. Les corinthiens n’avaient pas à chercher vengeance pour l’amour de Paul. Et quel que soit le mal qu’il leur avait fait, il devait aussi lui être pardonné. Ils devaient pardonner à l’homme et passer à autre chose.

 

            Notre orgueil nous porte à réagir exactement de la manière opposée. L’orgueil exige toujours la justice du talion, œil pour œil. Nous voulons prolonger le châtiment le plus longtemps possible et tirer vengeance de chaque gramme de souffrance.

 

            Le pardon n’est pas comme ça. Il enterre l’offense le plus rapidement possible, même au prix de l’orgueil. C’est l’attitude que Paul manifeste dabs ce passage. Paul était quelqu’un de très difficile à offenser, simplement parce qu’il ne s’offensait pas. C’est une vertu  merveilleuse. C’est la vraie piété et l’amour véritable en action : « l’amour ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite point » (1 Cor 13.5).

            Le pardon efface toutes les mauvaises influences : amour-propre, pauvre de moi, l’apitoiement sur soi, l’envie de vengeance. Il n’y en a pas. Il nous libère des chaînes de l’amertume, de l’orgueil et de l’apitoiement sur soi.

 

 

LE PARDON DÉMONTRE LA MISÉRICORDE

 

 

Paul exhorte aussi les Corinthiens à montrer de la miséricorde au coupable repentant : « Il suffit pour cet homme qui lui a été infligé par le plus grand nombre » (2 Cor 2.6). La discipline que l’homme avait déjà subie était suffisante. Il avait confessé son péché et s’était repenti. Paul voulait que les Corinthiens arrêtent là. Il fallait maintenant montrer de la miséricorde.

 

            Le mot traduit « châtiment » au verset 6 est épitimia, un mot grec qui désigne un châtiment légal ou à un blâme officiel. Il ne désigne pas une vengeance personnelle ou un châtiment exercé par un individu. Il désigne plutôt une sanction officielle, une réprimande collective exercée « par le plus grand nombre ». Il est clair qu’il est question là d’une mesure officielle et collective de discipline. Le cas de l’homme avait été soumis à l’Église, et le « plus grand nombre » avait approuvé son châtiment, lequel pouvait, si la procédure de Matthieu 18 était poursuivie, aller jusqu’à l’excommunication  officielle.

 

            Comme nous l’avons vu au chapitre 7, la discipline d’église n’est pas une forme de vengeance. C’est une réponse officielle que la Bible exige de l’Église en regard d’un péché public. Toutefois, l’action de l’Église contre les gens qui pèchent à l’intérieur de la communauté chrétienne ne doit jamais être vindicative. Son but véritable est plutôt le rétablissement du coupable.

 

            Aussi longtemps que l’homme demeurait impénitent, il était juste pour les Corinthiens de se tenir loin de lui. Paul a écrit : « Nous vous recommandons frères, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, de vous éloigner de tout frère qui vit dans le désordre, et non selon les instructions que vous avez reçues de nous » (2 Thess 3.6). Plus tard, il a écrit à cette même Église, et a souligné les instructions suivantes : « Et si quelqu’un n’obéit pas à ce que nous disons par cette lettre, notez-le, et n’ayez point de relations avec lui, afin qu’il éprouve de la honte. Ne le regardez pas comme un ennemi, mais avertissez-le comme un frère »(2 Thess 3.14, 15). Il a dit à l’Église de Rome : « Je vous exhorte, frères, à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales, au préjudice de l’enseignement  que vous avez reçu. Éloignez-vous d’eux » (Rom 16.17). Les instructions de Jésus étaient les mêmes : « S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église ; et s’il refuse aussi d’écouter l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain » (Mt 18.17).

 

 

LE PARDON REND LA JOIE

 

            Paul, donnant exemple du pardon qu’il voulait que les Corinthiens offrent au coupable, était pressé de rétablir la joie de l’homme : « vous devez bien plutôt lui pardonner et le consoler, de peur qu’il ne soit accablé par une tristesse excessive » (2 Co 2.7).

 

            Le péché détruit la joie. David l’a souligné dans sa grande confession : « Rends-moi la joie de ton salut » (Ps 51.14). Le péché a toujours détruit la joie du pécheur, mais le pardon la rétablit. Deux versets plus loin, David a écrit : »Ô Dieu, Dieu de mon salut ! Délivre-moi du sang versé, et ma langue célébrera ta miséricorde » (v.16).

 

            C’est pourquoi Paul demande aux Corinthiens  de pardonner à leur frère et de mettre fin à sa tristesse. La tristesse de la discipline l’avait amené à la repentance ; il est maintenant temps de se réjouir. Les croyants de la communauté corinthienne devaient être plus pressés de redonner la joie à l’homme que de lui causer de la tristesse.

 

            Voilà le cœur de Dieu, toujours tendre envers les pécheurs repentants. Il ne prend pas plaisir au châtiment du méchant, mais il se réjouit quand il se repent (Éz 18.23, 32 ; 33.11). « Car ce n’est pas volontiers qu’il humilie et qu’il afflige les enfants des hommes » (La 3.33). Dieu est comme le père de l’enfant prodigue qui court à la rencontre de son fils, l’embrasse et l’accueille « comme il était encore loin » (Luc 15.20).

 

            C’est également le cœur de Christ. Le prophète Ésaïe a dit de lui : « Il ne brisera point le roseau cassé, et il n’éteindra point la mèche qui brûle encore » (Ésaïe 42.3 ; voir aussi Mt 12.20). Le roseau était une flûte de berger fabriquée à partir d’une tige tendre et creuse ressemblant au bambou. Avec le temps, les petites flûtes s’usaient et ramollissaient  - « cassées ».  Elles perdaient leur belle tonalité et devenaient difficiles à jouer. Le berger ordinaire la cassait alors tout simplement, la jetait et en faisait une nouvelle.

 

            Ésaïe disait que le Messie serait un berger si tendre qu’il ne jetterait pas la petite flûte qui ne jouait pas la mélodie parfaite. À la place, il rétablirait la mélodie et ramènerait le chant.

            Dieu prend plaisir à revivifier et à relever le cœur du pénitent. Ailleurs, Ésaïe a écrit :

           

            Car ainsi parle le Très-Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint: J’habite dans les lieux élevés et dans la sainteté; Mais je suis avec l’homme contrit et humilié, afin de ranimer les esprits humiliés, afin de ranimer les coeurs contrits.  Je ne veux pas contester à toujours, ni garder une éternelle colère, Quand devant moi tombent en défaillance les esprits, Les âmes que j’ai faites.  A cause de son avidité coupable, je me suis irrité et je l’ai frappé, Je me suis caché dans mon indignation; Et le rebelle a suivi le chemin de son coeur.  J’ai vu ses voies, Et je le guérirai; Je lui servirai de guide, Et je le consolerai, lui et ceux qui pleurent avec lui.  Je mettrai la louange sur les lèvres. Paix, paix à celui qui est loin et à celui qui est près! dit l’Eternel. Je les guérirai. (Esaïe 57:15-19 NEG).

 

Dieu désire que son peuple possède la plénitude de la joie. L’apôtre Jean a écrit : « Et nous écrivons ces choses, afin que notre joie soit parfaite » (1 Jean 1.4). Et quand un chrétien se repent sous la discipline de Dieu, Dieu se glorifie en rétablissant la joie de la personne.

           

 

 

 

LE PARDON AFFIRME L’AMOUR

 

            Les instructions de Paul pour le rétablissement du frère qui a péché se poursuivent : « Je Vous exhorte donc à faire acte de charité envers lui » (v.8). Le pardon implique obligatoirement une affirmation d’amour envers le coupable. En effet, refuser le pardon, c’est refuser l’amour. L’amour est le nouveau commandement que Christ a donné à l’Église (Jn 13.34). L’amour est aussi appelé « la loi royale » (Jac 2.8). En conséquence, refuser de pardonner c’est péché gravement.

 

            Paul a dit à Timothée qu’un ancien qui pèche devrait être repris devant tous, afin que les autres en éprouvent de la crainte (1 Tim 5.20). Si le traitement public du péché a pour but d’en faire comprendre la gravité, alors le rétablissement doit aussi être fait en public, afin que chacun comprenne l’importance du pardon. La grâce est un principe plus élevé que la loi. Délier est bien meilleur que de lier. Puisque tout le ciel se réjouit quand un pécheur se repent (Luc 15.7), à coup sûr, les saints sur la terre devraient participer à cette joie. L’affaire devait donc être réglée publiquement.

 

            Cependant, l’affirmation publique d’amour ne devrait être que le prélude à la démonstration d’amour de chaque saint envers le frère rétabli. Le mot grec pour « amour » est agape – l’amour par choix, l’amour volontaire, l’amour du service dans l’humilité. Paul s’attendait à plus qu’une annonce officielle. Les saints devraient démontrer leur amour à ce frère de manière concrète.

 

            C’est ce qui devrait caractériser toute Église : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13.35). Comment le monde connaîtra-t-il l’amour des chrétiens les uns pour les autres ? À quoi le monde nous observe remarquera-t-il et verra-t-il notre amour ? Est-ce à notre sociabilité ? Non, car les non-chrétiens sont aussi sociables. Ce ne sont pas nos repas en commun ou nos activités en groupe qui démontrent le mieux notre amour les uns pour les autres, mais bien plutôt notre pardon. C’est dans le pardon que l’amour est le mieux manifesté. Et le véritable test de notre amour, c’est l’empressement avec lequel nous pardonnons quand nous avons été offensés.

            Il n’ y a pratiquement rien qui puisse diviser une Église dans laquelle le pardon est pratiqué, parce qu’on ne laisse jamais couver des questions non résolues. On s’occupe des offenses. On les pardonne. On couvre les transgressions. Voilà pourquoi il est crucial que les Églises pratiquent la discipline. Le processus disciplinaire vise le pardon et la réconciliation qui gardent intacts l’unité et l’amour de l’Église.

           

LE PARDON ATTESTE L’OBÉISSANCE

 

            Pourquoi ? Parce que Dieu a demandé que nous pardonnions. Le pardon est une simple question d’obéissance. Voilà ce que Paul disait aux Corinthiens : « Car je vous ai écrit aussi dans le but de connaître, en vous mettant à l’épreuve, si vous êtes obéissants en toutes choses » (2 Cor 2.9). La discipline qu’ils avaient exercée plus tôt envers le coupable était un pas d’obéissance. Ils devaient maintenant continuer à obéir en rétablissant leur frère repentant.

            Il est relativement facile d’être obéissants en certaines choses. L’Écriture nous commande de chanter des hymnes de louange au Seigneur (Col 3.16). Ce n’est pas quelque chose de difficile. La Bible dit que nous devons prier (Luc 18.1). Cela est assez facile, même si la fidélité à la tâche est parfois difficile. Mais, de tous les commandements que Christ a donnés, il semble qu’une des choses les plus difficiles à faire est de s’occuper du péché dans l’Église. Voilà pourquoi plusieurs Églises évitent         complètement la discipline. Tout est difficile quand il s’agit de s’occuper du péché. Reprendre le pécheur en privé est difficile. Faire part à l’Église du péché  d’un frère impénitent est encore plus difficile. Poursuivre une personne impénitente qui a tourné le dos à l’Église est une des choses les plus difficiles. Plus nous avançons dans le processus, plus il est difficile d’obéir.

            Mais le processus de rétablissement peut également être extrêmement difficile. Ramasser les morceaux après la repentance du coupable, le rétablir dans la communion, le fortifier  et lui témoigner de l’amour n’est pas facile. Un tel pardon ne vient pas naturellement. Mais c’est cependant un aspect essentiel de l’obéissance au Seigneur.

 

 

 

 

LE PARDON REVITALISE LA COMMUNION

 

            Paul écrit plus loin : « Or, à qui vous pardonnez, je pardonne aussi ; et ce que j’ai pardonné, si j’ai pardonné quelque chose, c’est à cause de vous, en présence de Christ » (2 Cor 2.10).

            Là encore, nous voyons l’humilité de Paul. Il voulait arrêter ceux qui, par amour pour lui, auraient été tentés de refuser leur communion à celui qui l’avait offensé. Paul s’empresse donc de confirmer son pardon personnel au coupable.

 

            Et encore une fois, il minimise l’importance de l’offense : « Ce que j’ai pardonné, si j’ai pardonné quelque chose, c’est à cause de vous », comme si pour Paul l’offense ne méritait pas même qu’on s’y arrête. Mais il veut déclarer son pardon officiellement et explicitement pour l’amour des Corinthiens. Personne ne pourrait dire : « Nous ne pouvons pas accueillir de nouveau cet homme à cause de notre loyauté envers Paul qui est, après tout, celui qui a été offensé ».

 

            Paul leur dit en fait : « Non, c’est fait. Si vous avez pardonné, je pardonne. Je veux que la communion soit rétablie, pour votre bien à tous. » Il désirait que l’unité soit rétablie dans l’Église, et un pardon complet était le seul moyen d’y parvenir. Les Corinthiens ne devaient rien retenir par égard pour Paul. Il voulait que la communion de l’Église soit renouvelée et revitalisée. Il avait hâte que le reste de l’Église soit à nouveau uni à la personne repentante. Il désirait l’unité dans l’Église. La rupture causée par la faute de l’homme devait être réparée. Toute discorde et tout désaccord devait être résolus. L’amertume et la vengeance devaient être mises de côté. Le renouvellement et la revitalisation de la communion devaient être prioritaires, et le pardon rendait tout cela possible.

 

 

LE PARDON CONTRECARRE LES PLANS DE SATAN

 

            Finalement, Paul presse les Corinthiens de pardonner, « afin de ne pas laisser à Satan l’avantage sur nous, car nous n’ignorons pas ses desseins » (2 Cor 2.11).

 

            Tous les desseins de Satan sont minés par le pardon. Si le pardon triomphe de l’orgueil, accorde la miséricorde, redonne la joie, assure la grâce, démontre l’obéissance et revitalise la communion, imaginez à quel point Satan doit le détester ! Le pardon est donc un élément essentiel pour contrecarrer les plans de Satan.

 

            Refuser de pardonner, c’est tomber dans le piège de Satan. Refuser de pardonner produit les effets contraires du pardon : cela entrave l’humilité, la miséricorde, la joie, l’amour, l’obéissance et la communion – et est donc aussi néfaste pour le caractère individuel que pour l’harmonie de l’Église.

 

            Pierre dit que Satan « rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera » (1 Pi 5.8).Et une manière qu’il a de dévorer les gens, c’est de tirer avantage d’un cœur impitoyable. Le refus de pardonner lui donne un avantage énorme.

 

            Cependant, Paul dit : « nous n’ignorons pas ses desseins ». C’est pure folie que de faire le jeu de Satan en refusant de pardonner. Là où règne le manque de pardon, Satan gouverne. Il a ses entrées dans une Église qui refuse de pardonner.

 

            Mais là où le pardon coule librement, les plans de Satan sont contrecarrés.

            Le pardon est donc le sol dans lequel de nombreux fruits spirituels et de nombreuses bénédictions divines sont cultivés. Un des moyens les plus sûrs d’acquérir la santé et la maturité spirituelles, c’est de nourrir et d’entretenir un terrain propice au pardon.

 

            D’un autre côté, comme nous l’avons vu auparavant, refuser de pardonner est spirituellement débilitant. Cela attire la discipline divine et donne naissance à une foule de malheurs.

 

            Pourquoi donc un chrétien refuserait-il délibérément de pardonner ? Nous, dont l’existence même dépend de l’inestimable miséricorde que Christ nous a témoignée, devrions manifester la même miséricorde dans nos rapports les uns avec les autres, et nous devrions être des modèles de pardon dans ce monde qui nous observe, et dont le plus grand besoin est le pardon de Dieu.

 

            Pensez-y ainsi : le pardon est à la fois une bénédiction et un moyen de susciter d’autres bénédictions. Ceux qui refusent de pardonner perdent les multiples bénédictions du pardon. Mais ceux qui pardonnent libèrent de multiples bénédictions divines, non seulement sur ceux à qui ils pardonnent, mais aussi sur eux-mêmes. Et c’est précisément à cela que nous sommes appelés.

 

            Enfin, soyez tous animés des mêmes pensées et des mêmes sentiments, pleins d’amour fraternel, de compassion, d’humilité.  Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure; bénissez, au contraire, car c’est à cela que vous avez été appelés, afin d’hériter la bénédiction. (1 Pierre 3:8-9 NEG)

 

 

LES ÉGLISES DU CHRIST VOUS SALUENT (ROM. 16.16b)

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