l'homme fatigué
L'HOMME FATIGUÉ
Autant l'homme s'épuise, autant Dieu, lui, puise à volonté dans des réserves infinies d'énergie, de vigueur, de courage et d'espoir.
Se fatiguer le moins possible. A côté des grandes raisons, nobles et exaltantes peut-être, qui poussent l'homme dans la voie du progrès scientifique, l'observateur attentif relèvera cette motivation discrète mais très présente: se faciliter la vie, pour se fatiguer le moins possible. Les transports mécanisés font oublier la marche à pied; les appareils ménagers libèrent des épuisantes tâches domestiques. Pas un domaine de la vie pratique ou professionnelle qui n'ait vu ses fardeaux allégés par la science et la technique. Et pourtant, l'homme moderne bâille de fatigue, s'épuise dans les transports en commun, arrive éreinté à la fin de ses journées et de ses semaines. La fatigue, mal du siècle, ne compte plus ses victimes lessivées par le stress et les conditions de vie souvent pénibles de la société contemporaine.
La fatigue, sans aucun doute, appartient à l'ordre de la nature. Elle résulte d'une lassitude causée par l'effort, le travail. L'activité, le labeur, la lutte sont nécessaires à la vie. La fatigue ne peut se confondre avec la paresse et la nonchalance. Mais cette réaction physique marque aussi, pour l'homme, la limite de ses forces. Elle est un signal d'alarme qui rappelle que les réserves d'énergie physique et intellectuelles sont épuisées. Nous avons vu que la société moderne, malgré des efforts considérables, n'a toujours pas vaincu la fatigue, vécue comme un dépassement des énergies humaines disponibles. Ce qui est une forme subtile d'intempérance --le refus de l'homme de reconnaître sa finitude, sa vulnérabilité, sa faiblesse--. Les lassitudes, les découragements, les dépressions en sont parfois le prix à payer. Le rapport à la vie s'en trouve parfois modifié. Comme le notait Simone de Beauvoir, "la mort semble bien moins terrible, quand on est fatigué".
La rencontre de celui qui se fatigue, parfois même de vivre, avec celui qui ne se fatigue jamais ne manque donc pas d'intérêt. Car, autant l'homme s'épuise, autant Dieu, lui, puise à volonté dans des réserves infinies d'énergie, de vigueur, de courage et d'espoir. "Ne le sais-tu pas? ne l'as-tu pas appris? C'est le Dieu d'éternité, l'Éternel, qui a créé les extrémités de la terre; il ne se fatigue pas, il ne se lasse pas. (...) Il donne de la force à celui qui est fatigué, et il augmente la vigueur de celui qui tombe en défaillance. (...) Ceux qui se confient en l'Éternel renouvellent leur force. Ils prennent leur vol comme les aigles; ils courent et ne se lassent pas, ils marchent et ne se fatiguent pas" (Esaïe 40:28-31). Au contact de l'infini, l'homme fatigué prendra mieux conscience de ses limites. En se confiant en Dieu, il surmontera ses fatigues.
AUTEUR: Bernard Denéchaud